La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/10/2019 | FRANCE | N°18NT00712

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 01 octobre 2019, 18NT00712


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... B... a saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à l'annulation de la décision de la société Orange du 17 décembre 2014 l'affectant à compter du 3 novembre 2008 sur un poste de " chargé d'affaires études en ligne d'aménagements " et à ce qu'il soit enjoint à la société Orange de l''affecter M. A... B... à un poste comprenant l'ensemble des missions obligatoires définies à l'article 6 du décret du 29 novembre 2011relatif au statut particulier du corps des dessinateurs de Fra

nce Telecom et du corps des dessinateurs-projeteurs de France Telecom, sous ast...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... B... a saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à l'annulation de la décision de la société Orange du 17 décembre 2014 l'affectant à compter du 3 novembre 2008 sur un poste de " chargé d'affaires études en ligne d'aménagements " et à ce qu'il soit enjoint à la société Orange de l''affecter M. A... B... à un poste comprenant l'ensemble des missions obligatoires définies à l'article 6 du décret du 29 novembre 2011relatif au statut particulier du corps des dessinateurs de France Telecom et du corps des dessinateurs-projeteurs de France Telecom, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de deux mois.

Par un jugement n° 1500610 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif d'Orléans a fait droit à ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 et 21 février 2018, 26 mars 2018 et 3 avril 2019, la société Orange, représentée par la SCP Delvolvé et Trichet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 19 décembre 2017 ;

2°) de rejeter la demande de M. A... B... devant le tribunal administratif d'Orléans ;

3°) de mettre à la charge de M. A... B... le versement d'une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché de plusieurs irrégularités : les conclusions du rapporteur public n'ont pas été mises en ligne dans un délai raisonnable avant l'audience du 5 décembre 2017 et étaient incomplètes ; le tribunal administratif n'a pas répondu à tous les moyens exposés par la société Orange, et notamment celui tiré de l'impossibilité de procéder à l'affectation sollicitée par M. A... B... ; le tribunal administratif n'a pas visé tous les mémoires échangés.

- sur le fond : c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la décision du 17 décembre 2014 comprenait un descriptif des missions exercées ; les premiers juges ont ainsi commis une erreur de droit en jugeant que les activités définies pour le dessinateur-projeteur par l'article 6 du décret n° 2011-1676 du 29 novembre 2011 étaient toutes obligatoires. Contrairement à ce que le tribunal administratif a retenu, M. A... B... n'a pas perdu au moins une des fonctions qui définissent le corps des dessinateurs-projeteur ;

- de plus, le tribunal administratif a également commis une seconde erreur de droit en prononçant une injonction à l'encontre de la société Orange d'affecter M. A... B... sur un poste comprenant l'ensemble des missions définies à l'article 6 du décret du 29 novembre 2011, compte-tenu de la promotion dont l'intéressé bénéfice depuis plus d'un an.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2018, M. A... B..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Orange au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 1er avril 2019 la clôture de l'instruction a été fixée au 18 avril 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom ;

- le décret n° 2011-1676 du 29 novembre 2011 relatif aux statuts particuliers du corps des dessinateurs de France Télécom et du corps des dessinateurs-projeteurs de France Télécom ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A... B..., fonctionnaire au sein de France Telecom, devenue la société Orange, a été titularisé le 5 novembre 1986 dans l'emploi et au grade de dessinateur projeteur, corps du service de dessin de France Telecom. Par une décision du 29 octobre 2008, M. A... B... a été affecté au sein du département production, groupes études sur le site de Montargis, dans un poste de " chargé d'affaires études en ligne ". Cet agent a alors reproché à son employeur de ne pas l'avoir affecté à un poste correspondant à son grade. Par un jugement du 31 juillet 2014, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision d'affectation du 29 octobre 2008. En exécution de ce jugement, la société Orange, par une décision du 17 décembre 2014, a affecté M. A... B... à compter du 3 novembre 2008 sur un poste de " chargé d'affaires études en ligne d'aménagements ".

2. La société Orange relève appel du jugement du 19 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a, à la demande de M. A... B..., annulé la décision d'affectation du 17 décembre 2014 et enjoint à la société d'affecter l'intéressé à un poste comprenant l'ensemble des missions obligatoires définies à l'article 6 du décret du 29 novembre 2011 relatif au statut particulier du corps des dessinateurs-projeteurs.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, l'article L. 5 du code de justice administrative prévoit : " l'instruction des affaires est contradictoire ". Aux termes de l'article L. 7 de ce code : " Un membre de la juridiction, chargé des fonctions de rapporteur public, expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent ". Les règles applicables à l'établissement du rôle, aux avis d'audience et à la communication du sens des conclusions du rapporteur public sont fixées, pour ce qui concerne les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, par les articles R. 711-1 à R. 711-3 du code de justice administrative. L'article R. 711-2 indique que l'avis d'audience mentionne les modalités selon lesquelles les parties ou leurs mandataires peuvent prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public. Le premier alinéa de l'article R. 711-3 du même code dispose : " si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ".

4. La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par les dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public. En outre, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, et notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et de mentionner, lorsqu'il conclut à l'annulation d'une décision, les moyens qu'il se propose d'accueillir. La communication de ces informations n'est toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision.

5. Il résulte de l'instruction que préalablement à l'audience devant le tribunal administratif d'Orléans, le rapporteur public a le 1er décembre 2017, soit dans un délai raisonnable avant cette audience qui s'est tenue le 5 décembre 2017, coché dans l'application " sagace " la case " annulation totale ou partielle ". Il a ainsi, dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir tendant à la seule annulation totale ou partielle d'une décision, mis les parties ou leurs mandataires en mesure de connaître le sens de ses conclusions et d'apprécier, par suite, l'opportunité d'assister à l'audience publique ainsi que de préparer, le cas échéant, des observations orales et d'envisager la production après cette audience d'une note en délibéré. Si le rapporteur public n'a pas, en outre, indiqué avant l'audience le ou les moyens d'annulation qu'il se proposait d'accueillir, le défaut de communication de ces informations n'est pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué. Dès lors, le moyen au demeurant nullement étayé, qui doit être regardé comme tiré de la méconnaissance de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, ne peut qu'être écarté.

6. En second lieu, et contrairement aux allégations de la société Orange, le grief tenant à l'absence de communication de certains mémoires de première instance manque en fait. Le jugement attaqué n'est donc entaché d'aucune irrégularité sur ce point.

7. En troisième et dernier lieu, si la société requérante soutient que le tribunal administratif n'aurait pas répondu à tous les moyens qu'elle a exposés, et " notamment celui tiré de l'impossibilité de procéder à l'affectation sollicitée par M. A... B... ", il ne ressort pas de l'examen du dossier de première instance que la société Orange ait invoqué un tel moyen devant les premiers juges. Le jugement attaqué n'est, par suite, entaché d'aucun défaut de réponse à un moyen.

Sur les conclusions à fins d'annulation :

8. Pour annuler la décision du 31 juillet 2014 par laquelle la société Orange a affecté M. A... B... sur un poste de " chargé d'affaires études en ligne d'aménagements " à compter du 3 novembre 2008, le tribunal administratif d'Orléans a estimé que cette affectation méconnaissait le principe selon lequel un fonctionnaire doit être nommé sur un emploi qui correspond à son grade.

9. D'une part, aux termes de l'article 6 du décret du 29 novembre 2011 relatif aux statuts particuliers du corps des dessinateurs de France Télécom et du corps des dessinateurs-projeteurs de France Télécom : " Les dessinateurs-projeteurs assurent la gestion des réseaux et effectuent des études de réalisation de travaux de génie civil. Ils utilisent les techniques infographiques, élaborent les métrés et participent au chiffrage des projets. Ils peuvent, en outre, être appelés à coordonner et contrôler l'activité d'une équipe de dessinateurs. Ils étudient les plans des projets de complexité moyenne concernant les bâtiments. Ils assurent également, au sein de l'entreprise, des fonctions d'exécution requérant une technicité particulière. Ils peuvent, en outre, assister les agents chargés d'assurer l'animation et la direction d'équipes opérationnelles ".

10. D'autre part, il résulte de l'instruction : que l'emploi groupe de références " ch.aff études En Ligne aménag. rés. " était encore analysé au 31 décembre 2009 en ces termes " Analyser et qualifier les demandes d'études passives non résolues de la GTC. Prendre en charge sans déplacement terrain une petite opération d'investissement (POI) simple pouvant couvrir l'ensemble des techniques cuivre (tirage et cablage) et/ou fibre optique, de la réalisation à la mise à jour des bases documentaires ". Au nombre des " compétences " figure notamment sous le titre " Ingénierie " Génie civil " : " connaître l'ingénierie du Génie civil du réseau FT et son matériel associé. " L'évaluation " est appréciée de niveau 3 " maîtrise avancée ".

Et qu'à compter de 2010, ces missions ont été ventilées en deux sous-groupes, seul le premier (" TNE22A ") comprenant les études de génie civil. Par ailleurs, il n'est pas contesté que M. A... B... a été réaffecté sur le poste référencé TNE22F, et a donc perdu au moins une des fonctions qui définissent obligatoirement le corps des dessinateurs-projeteurs.

11. Dès lors que la décision d'affectation contestée ne décrit aucunement les tâches confiées à M. A... B..., il y a lieu de retenir, en l'absence d'une quelconque contestation de la société Orange sur ce point, comme fondée la description des missions que les premiers juges ont déduite des fiches de poste ou comptes-rendus individuels produits devant eux par l'intéressé.

12. Si, ainsi que le soutient la société Orange, le principe selon lequel un fonctionnaire doit être nommé sur un emploi qui correspond à son grade n'implique pas que soient attribuées à ce fonctionnaire l'ensemble des activités que son appartenance au grade lui donne vocation à exercer, la société ne conteste pas davantage que l'emploi de " chargé d'affaires études en ligne d'aménagements " confié à M. A... B... par la décision du 17 décembre 2014 ne comporte ni réalisation de travaux de génie civil, ni étude de plans des projets de complexité moyenne, alors qu'il résulte des termes du décret du 29 novembre 2011 cités au point 10 que ces deux éléments constituent des aspects obligatoires des missions qui doivent être confiées aux fonctionnaires justifiant du grade de dessinateur-projeteur.

13. La société Orange n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision d'affectation de M. A... B... du 17 décembre 2014.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Il résulte de l'instruction, en particulier d'une pièce produite pour la première fois en appel par la société Orange, qu'aux termes d'une décision du 30 novembre 2016 M. A... B... a été promu au grade de chef-dessinateur, soit au grade supérieur de son corps, à compter du 1er octobre 2016.

15. Compte-tenu de cette décision, et dès lors que M. A... B... ne conteste pas que les fonctions qui lui ont été dès lors confiées correspondent à son grade, les conclusions à fins d'injonction qu'il a présentées et auxquelles le tribunal administratif a fait droit, ont perdu leur objet.

16. Il y a donc lieu d'annuler l'article 2 du jugement attaqué par lequel il était fait injonction à la société Orange d'affecter M. A... B... à un poste comprenant l'ensemble des missions obligatoires, relativement à un titulaire du grade de dessinateur-projeteur, telles que définies par l'article 6 du décret du 29 novembre 2011.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A... B..., qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie principalement perdante, la somme que demande la société Orange au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

18. Il y a lieu en, revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Orange le versement à M. A... B... d'une somme de 1 000 euros au même titre.

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 19 décembre 2017 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : La société Orange versera à M. A... B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Orange et à M. D... A... B....

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er octobre 2019.

Le rapporteur

O. COIFFETLe président

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18NT00712 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00712
Date de la décision : 01/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SCP DELVOLVE TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-10-01;18nt00712 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award