La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/09/2019 | FRANCE | N°19NT01112

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 20 septembre 2019, 19NT01112


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 31 juillet 2014 par laquelle le président de la communauté d'agglomération du Choletais a refusé de reconnaître le caractère professionnel de sa maladie.

Par un jugement n° 1408248 du 3 février 2016, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à sa demande et a enjoint à la communauté d'agglomération du Choletais de la faire bénéficier du régime des maladies imputables au service à compter du 24 septem

bre 2013.

Par un arrêt n°16NT01106, 16NT01107 du 9 décembre 2016, la cour administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 31 juillet 2014 par laquelle le président de la communauté d'agglomération du Choletais a refusé de reconnaître le caractère professionnel de sa maladie.

Par un jugement n° 1408248 du 3 février 2016, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à sa demande et a enjoint à la communauté d'agglomération du Choletais de la faire bénéficier du régime des maladies imputables au service à compter du 24 septembre 2013.

Par un arrêt n°16NT01106, 16NT01107 du 9 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement, rejeté la demande de Mme A... et constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la requête à fin de sursis à exécution présentée par la communauté d'agglomération du Choletais.

Par une décision n°407795 du 13 mars 2019 le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi formé par Mme A..., a annulé l'arrêt du 9 décembre 2016 de la cour administrative d'appel de Nantes et a renvoyé l'affaire devant cette juridiction.

Procédure devant la cour :

I. Sous le n° 19NT01112, par une requête et des mémoires enregistrés les 31 mars 2016, 29 août 2016 et 13 mai 2019, la communauté d'agglomération du Choletais, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 3 février 2016 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ainsi que l'a estimé à juste titre le tribunal administratif de Nantes, le harcèlement moral dont Mme A... se dit victime n'est pas établi ;

- la maladie dont souffre Mme A... n'est pas en lien direct et certain avec son travail ; l'avis de la commission de réforme reconnaissant l'imputabilité au service de cette maladie n'a pas été rendu unanimement et n'est pas suffisamment étayé ;

- si l'état pathologique dont se plaint Mme A... est né de la relation de travail, elle en est elle-même à l'origine par son comportement fautif, qui doit être regardé comme ayant rompu le lien entre le service et sa maladie ;

- elle sollicite la neutralisation du second motif de la décision contestée dès lors que le président de la communauté d'agglomération du Choletais ne pouvait fonder cette décision sur les dispositions de l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale et les tableaux des maladies professionnelles figurant dans ce code.

Par des mémoires en défense enregistrés les 20 mai et 14 septembre 2016 et le 12 juin 2019 Mme D... A..., représentée par la SCP Thouvenin-Coudray-Grevy, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de communauté d'agglomération du Choletais au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par la communauté d'agglomération du Choletais n'est fondé.

II. Sous le n° 19NT01138, par une requête enregistrée le 31 mars 2016, la communauté d'agglomération du Choletais, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement n°1408248 du 3 février 2016 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- pour l'ensemble des motifs développés dans l'instance au fond, il existe un moyen sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué ;

- aucun des moyens invoqués par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes n'est fondé.

Par des mémoires en défense enregistrés les 20 mai 2016 et 12 juin 2019 Mme D... A..., représentée par la SCP Thouvenin-Coudray-Grevy, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la communauté d'agglomération du Choletais au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'est pas démontré que la requête soit recevable par un appel au fond du jugement en litige ;

- aucun des moyens soulevés par la communauté d'agglomération du Choletais n'est fondé.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la communauté d'agglomération du Choletais.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., attachée territoriale employée par la communauté d'agglomération du Choletais (Maine-et-Loire), et qui exerçait les fonctions de directrice de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) de Trémentines, a sollicité le 28 novembre 2013 de son employeur la reconnaissance en maladie professionnelle à compter du 24 septembre 2013 du syndrome dépressif dont elle souffre. La commission de réforme, saisie par la communauté d'agglomération du Choletais, a émis le 19 juin 2014 un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de cette pathologie. Toutefois, par une décision du 31 juillet 2014, la communauté d'agglomération du Choletais a refusé de reconnaître l'origine professionnelle de la pathologie de Mme A.... Le tribunal administratif de Nantes a fait droit à la demande de cette dernière tendant à l'annulation de cette décision par un jugement du 3 février 2016. La communauté d'agglomération du Choletais a demandé à la cour administrative de Nantes d'une part, de prononcer le sursis à exécution de ce jugement, d'autre part, d'annuler ce même jugement et de rejeter de la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes. Par un arrêt n°16NT01106 et 16NT01107 du 9 décembre 2016, la cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Nantes du 3 février 2016 et constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande de sursis à exécution. Toutefois, suite au pourvoi en cassation formé par Mme A..., le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, par une décision n° 407795 du 13 mars 2019, annulé cet arrêt et renvoyé devant la cour les deux affaires, qui portent désormais le n° 19NT01112 et le n° 19NT01138.

2. Les requêtes n° 19NT01112 et 19NT01138 présentées par la communauté d'agglomération du Choletais concernent le même jugement, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la requête n° 19NT01112 :

3. Le tribunal administratif de Nantes a prononcé l'annulation de la décision du 31 juillet 2014 au motif que l'état dépressif sévère dont souffre Mme A... était en lien direct avec l'exercice de son activité professionnelle, après avoir estimé que l'autre motif de la décision en litige fondé sur les dispositions de l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale était, quant à lui, entaché d'une erreur de droit. Dès lors que la communauté d'agglomération du Choletais demande la neutralisation de ce second motif contenu dans la décision contestée, il y lieu d'examiner le bien fondé du premier motif censuré par les premiers juges, et de vérifier si l'administration aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif.

4. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable à la date de la décision en litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".

5. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les relations entre Mme A... et sa hiérarchie sont devenues difficiles dès l'année 2003, avec une nette aggravation à compter du printemps 2010 et le prononcé de deux sanctions disciplinaires à l'encontre de l'intéressée en juin 2011 puis en juin 2013. La seconde sanction a constitué l'élément déclencheur du placement de Mme A... en arrêt de travail. Parallèlement, les médecins consultés, notamment un praticien du service des pathologies professionnelles du centre hospitalier universitaire d'Angers et le médecin chef de médecine préventive de la communauté d'agglomération, ont constaté chez l'intéressée des signes de burn-out et de dépression dès 2005, puis une lente mais certaine aggravation de son état au fur et à mesure de l'aggravation du conflit et, à compter du mois de juin 2013, un syndrome dépressif sévère entrainant une incapacité de reprendre le travail. La commission de réforme, lors de sa séance du 19 juin 2014 et après examen médical de la requérante par le chef du département de psychiatrie et de psychologie médicale du centre hospitalier d'Angers, a émis un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie en estimant " que la pathologie dépressive de l'intéressée était en lien avec son travail et qu'il n'existait pas d'état antérieur ou d'éléments de sa vie privée pouvant par ailleurs être à l'origine de cette affection ". Aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause les avis concordants rendus par les différents praticiens ayant eu à connaître du cas de Mme A.... Dans ces conditions, la maladie de Mme A... doit être regardée comme présentant un lien direct avec l'exercice de ses fonctions. La circonstance, invoquée par la communauté d'agglomération du Choletais, que Mme A... n'aurait pas été victime de harcèlement moral au cours des années précédant son congé de maladie est à cet égard sans incidence.

7. En deuxième lieu, s'il n'est pas contestable que la requérante a contribué à la naissance et à la persistance d'une situation conflictuelle au travail, par son opposition aux projets d'évolution du service, ses refus répétés de respecter les règles de fonctionnement de la collectivité, son attitude de dénigrement vis-à-vis de ses supérieurs comme de ses agents, et des contestations parfois abusives au sujet notamment de sa rémunération ou de son logement de fonction, toutefois, et contrairement à ce que soutient la communauté d'agglomération du Choletais, de tels comportements ne sauraient être regardés comme étant détachables du service.

8. Enfin, si la communauté d'agglomération du Choletais soutient qu'en faisant publiquement état de ses difficultés avec son employeur, dans le cadre d'articles de presse parus notamment les 1er novembre 2013, 27 et 28 janvier 2014 dans divers médias locaux et régionaux, et en s'abstenant de se distancier du contenu polémique et injurieux à l'égard des élus et membres de la collectivité des mentions figurant sur un site internet mis en place et alimenté par des personnes la soutenant, Mme A... a commis des fautes personnelles conduisant à rompre le lien entre sa pathologie et le service, toutefois, les faits ainsi reprochés à Mme A..., pour condamnables et préjudiciables qu'ils puissent être, ont été commis postérieurement à son placement en arrêt de travail le 23 septembre 2013, et ne sont dès lors pas davantage de nature à remettre en cause le lien direct existant entre la pathologie dont elle souffre et le service.

9. Il résulte de ce qui précède que la communauté d'agglomération du Choletais n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 31 juillet 2014 par laquelle son président avait refusé de reconnaître le caractère professionnel de la maladie de Mme A....

Sur la requête n° 19NT01138 :

10. Dès lors que la cour statue par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué du tribunal administratif de Nantes du 3 février 2016, les conclusions à fin de sursis à exécution du même jugement présentées par la communauté d'agglomération du Choletais deviennent sans objet. Par suite, il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur les frais de l'instance :

11. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la communauté d'agglomération du Choletais demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette dernière le versement à Mme A... de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 19NT01112 de la communauté d'agglomération du Choletais est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 19NT01138 de la communauté d'agglomération du Choletais.

Article 3 : La communauté d'agglomération du Choletais versera à Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération du Choletais et à Mme D... A....

Délibéré après l'audience du 4 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Berthon, premier conseiller,

- Mme E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 septembre 2019.

Le rapporteur

M. E...Le président

I. Perrot

Le greffier

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N°19NT01112-19NT01138


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01112
Date de la décision : 20/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Muriel LE BARBIER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN THOUVENIN COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-09-20;19nt01112 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award