Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 11 avril 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre le refus opposé par les autorités consulaires françaises à Oran à sa demande de visa d'entrée en France.
Par un jugement n° 1805966 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 9 décembre 2018 et le 13 janvier 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 octobre 2018 ;
2°) d'annuler la décision contestée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- les motifs retenus par la commission, lesquels ne sont pas d'ordre public, ne sont pas de ceux susceptibles de faire obstacle à la délivrance d'un visa de long séjour ;
- la commission ne pouvait légalement se fonder sur l'absence de preuve du maintien de liens affectifs avec sa fille dès lors que le lien de filiation n'est pas contesté ;
- en estimant que la réalité des échanges constants et réguliers qu'il entretient avec sa fille n'était pas établie, la commission a entaché sa décision d'erreur d'appréciation ;
- n'ayant pas été déchu de l'autorité parentale, il remplissait l'une des conditions alternatives auxquelles l'article 6 de l'accord franco-algérien subordonne la délivrance d'un certificat de résidence en qualité de parent d'enfant français si bien que la commission ne pouvait légalement confirmer le refus de visa ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée est irrecevable dès lors que M. A... n'a soulevé en première instance aucun moyen de légalité externe ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code pénal ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né le 2 septembre 1961 en France, a été condamné par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 mars 2000 à une peine d'interdiction définitive du territoire français et a quitté la France en août 2004. Bénéficiant d'une réhabilitation de plein droit, il a sollicité le 21 novembre 2017 la délivrance d'un visa d'entrée en France pour long séjour " établissement familial ", en se prévalant de sa qualité de père d'une enfant mineure française. Par une décision du 11 avril 2018, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par M. A... contre le refus opposé le 8 janvier 2018 à sa demande de visa par les autorités consulaires françaises à Oran. Il relève appel du jugement du 9 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, M. A... n'avait, en première instance, soulevé que des moyens de légalité interne contre la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Ainsi, il n'est pas recevable, en appel, à soutenir que cette décision serait entachée d'une insuffisance de motivation, ce moyen reposant sur une cause juridique différente de celle qui fondait ses moyens de première instance.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour. / (...) ". Aux termes de l'article L. 541-4 du même code : " Sauf en cas de menace pour l'ordre public, dûment motivée, les étrangers qui résident hors de France et (...) dont les peines d'interdiction du territoire français ont été entièrement exécutées (...) bénéficient d'un visa pour rentrer en France, lorsque, à la date du prononcé de la peine, ils relevaient, sous les réserves mentionnées par cet article, des catégories mentionnées aux 1° à 4° de l'article 131-30-2 du code pénal, et qu'ils entrent dans le champ d'application des 4° ou 6° de l'article L. 313-11 ou dans celui du livre IV du présent code. / (...) / Les dispositions du présent article ne sont applicables qu'aux étrangers ayant fait l'objet d'une interdiction du territoire français devenue définitive avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité. ". L'article 131-30-2 du code pénal dispose : " La peine d'interdiction du territoire français ne peut être prononcée lorsqu'est en cause : / 1° Un étranger qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; / 2° Un étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ; / (...) / 4° Un étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ; ". Les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile visent " l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ".
4. D'une part, les dispositions précitées de l'article L. 541-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles encadrent, dans les hypothèses qu'elles prévoient, le large pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité administrative pour délivrer un visa d'entrée en France impliquent d'apprécier si le demandeur établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant mineur français dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an. Ainsi, en se fondant sur la circonstance que cette contribution n'était pas démontrée, la commission n'a pas commis d'erreur de droit. De même, le requérant n'est pas fondé à soutenir que seuls des motifs tenant à l'ordre public pouvaient légalement justifier la décision contestée.
5. D'autre part, en vertu de l'article 371-2 du code civil, chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. En conséquence, il appartient seulement à l'autorité administrative d'apprécier compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des ressources de chacun des deux parents et des besoins de l'enfant, la contribution financière de l'intéressé à l'entretien de son enfant français et son implication dans son éducation. Par suite, en se fondant sur ce que la réalité du maintien des liens affectifs avec l'enfant n'était pas établie, la commission a entaché sa décision d'erreur de droit. Il résulte toutefois de l'instruction qu'elle aurait pris la même décision en se fondant seulement sur l'absence de contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant.
6. Enfin, les stipulations du 4) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 n'ont ni pour objet ni pour effet de conférer au ressortissant algérien résidant hors de France le droit d'obtenir un visa. Par suite, est sans incidence sur la légalité du refus de visa en litige la circonstance que les conditions auxquelles est subordonnée, en vertu de ces stipulations, la délivrance de plein droit d'un certificat de résidence en qualité de parent d'enfant français, tenant, d'une part, à l'exercice même partiel de l'autorité parentale et, d'autre part, à la prise en charge financière effective de l'enfant, sont alternatives.
7. En quatrième lieu, les témoignages de l'enfant française de M. A..., de la mère et de la soeur de celle-ci ainsi que la copie de son passeport dont il ressort qu'elle a séjourné à plusieurs reprises en Algérie ne suffisent pas à démontrer la réalité de la contribution de M. A... à l'entretien et à l'éducation de sa fille française. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être écarté.
8. En dernier lieu, s'il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui est né en France, a épousé le 6 avril 2003 une ressortissante marocaine avec laquelle il a eu trois enfants, nées en 2004, 2006 et 2009, résidant en France et dont une est de nationalité française, il est constant que le requérant vit en Algérie depuis août 2004. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ni qu'elle méconnaitrait l'intérêt supérieur de ses enfants. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Les conclusions du requérant présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, président,
- M. Giraud, premier conseiller,
- Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 septembre 2019.
Le rapporteur,
K. C...
Le président,
C. BRISSONLe greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
5
N° 18NT04338