La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/07/2019 | FRANCE | N°17NT01803

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 19 juillet 2019, 17NT01803


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCEA Domaine des Cinq Routes et la SAS DT Solutions Durables ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de Paulx à leur verser, respectivement, les sommes de 963 882 euros et de 13 475 330 euros, en réparation des préjudices qu'elles estiment avoir subis à raison de l'illégalité du certificat d'urbanisme pré-opérationnel négatif du 10 septembre 2009.

Par un jugement n°s 1500790 et 1507365 du 11 avril 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes

.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCEA Domaine des Cinq Routes et la SAS DT Solutions Durables ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de Paulx à leur verser, respectivement, les sommes de 963 882 euros et de 13 475 330 euros, en réparation des préjudices qu'elles estiment avoir subis à raison de l'illégalité du certificat d'urbanisme pré-opérationnel négatif du 10 septembre 2009.

Par un jugement n°s 1500790 et 1507365 du 11 avril 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 juin 2017 et le 11 septembre 2018, la SCEA Domaine des Cinq Routes et la SAS DT Solutions Durables, représentées par la SCP avocatsliberté, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 avril 2017 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de condamner la commune de Paulx à leur verser, respectivement, les sommes de 963 882 euros et de 13 475 330 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Paulx la somme de 5 000 euros à verser à chacune d'elles au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

­ l'illégalité du certificat d'urbanisme pré-opérationnel négatif est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Paulx ;

­ les préjudices qu'elles ont subis, et ainsi que l'établissent les pièces versées au dossier, présentent un caractère direct et certain.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 septembre 2017 et 2 novembre 2018, la commune de Paulx, représentée par la SCP Gaston - Carius - Dubin - Sauvetre - de la Rocca, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SCEA Domaine des Cinq Routes et de la SAS DT Solutions Durables au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

­ les préjudices allégués sont purement hypothétiques ;

­ les sociétés ne justifient pas de circonstances particulières suffisantes permettant de faire regarder ces préjudices comme présentant un caractère direct et certain.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

­ le code de l'urbanisme ;

­ le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

­ le rapport de M.A...'hirondel

­ les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

­ et les observations de MeB..., représentant la commune de Paulx.

Considérant ce qui suit :

1. La SCEA Domaine des Cinq Routes a sollicité, le 20 juillet 2009, la délivrance d'un certificat d'urbanisme pré-opérationnel portant sur la création d'une unité agricole de maraîchage composée de cinq bâtiments sur lesquels devaient être installés, en toiture, des panneaux photovoltaïques, sur un terrain situé Les Cordes à Paulx (44). Le maire de Paulx, par un arrêté du 10 septembre 2009, a délivré un certificat d'urbanisme négatif au motif que le projet, pris dans son ensemble, ne présentait pas de lien avec l'activité agricole et n'était pas par suite autorisé dans le secteur NCp du plan d'occupation des sols dans lequel il s'inscrit, secteur à vocation agricole à protéger. La cour, par un arrêt du 25 octobre 2013, devenu définitif, a annulé ce certificat d'urbanisme au motif que le projet présentait un lien évident avec l'agriculture au sens de l'article 1er du règlement applicable à la zone NC du plan d'occupation des sols. La SCEA Domaine des Cinq Routes et la SAS DT Solutions Durables relèvent appel du jugement du 11 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation de la commune de Paulx à leur verser, respectivement, les sommes de 963 882 euros et de 13 475 330 euros en réparation des préjudices qu'elles estiment avoir subis en raison de l'illégalité de ce certificat d'urbanisme.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

2. L'illégalité entachant le certificat d'urbanisme délivré le 10 septembre 2009 à la SCEA Domaine des Cinq Routes constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune, pour autant qu'elle ait été à l'origine d'un préjudice direct et certain.

3. La SCEA Domaine des Cinq Routes sollicite l'indemnisation, calculée sur une période de vingt ans, de la perte des bénéfices qu'elle aurait dû dégager de la production et de la commercialisation de produits maraîchers et de la location des toitures de ses serres à la SAS DT Solutions Durables. La SAS DT Solutions Durables se prévaut, quant à elle, d'un préjudice correspondant à la perte de bénéfices qu'elle aurait pu tirer, au terme d'une même période de vingt ans, de la vente d'électricité produite par les panneaux photovoltaïques recouvrant la toiture des serres à Electricité de France aux conditions tarifaires applicables au contrat d'électricité avant le 31 décembre 2009.

4. Les préjudices allégués par les sociétés requérantes constituent un préjudice commercial résultant pour elles de la privation de bénéfices qu'elles espéraient retirer de l'exploitation des immeubles qui n'ont pu être réalisés en raison de l'illégalité fautive du certificat d'urbanisme négatif que le maire de Paulx a délivré le 10 septembre 2009. De tels préjudices ne peuvent, toutefois, ouvrir droit à réparation dès lors que la réalisation de ces bénéfices ne présente, en principe, qu'un caractère purement éventuel. Les sociétés requérantes font cependant valoir qu'elles justifient de circonstances particulières permettant de faire regarder ces préjudices comme présentant, en l'espèce, un caractère certain.

En ce qui concerne les préjudices invoqués par la SCEA Domaine des Cinq Routes :

S'agissant du préjudice portant sur la construction de serres.

5. Il résulte de l'instruction que si la SCEA Domaine des Cinq Routes avait pour projet de réaliser des serres afin de lui permettre de réorienter sa production viticole vers le maraîchage biologique, l'étude économique de faisabilité réalisée le 29 septembre 2009 par la société Cerfrance ne permet pas d'établir, alors qu'elle contient de nombreuses questions en suspens, concernant notamment les aspects technico-économique et financiers qui subordonnent le sens de l'avis émis et renvoie les questions agronomiques à un technicien spécialisé, que ce projet était suffisamment abouti et présentait, par suite, un caractère certain. Au surplus, l'attestation de l'enseigne " Le Clos du bio " du 8 novembre 2017, qui est tardive et peu circonstanciée, ne constitue pas un engagement contractuel conclu au cours de la période d'indemnisation demandée et ne saurait, par suite, établir que la société disposait de débouchés commerciaux " fiables et suffisants pour écouler le volume de production " comme le préconisait l'étude Cerfrance. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction, alors que le certificat d'urbanisme négatif n'a été délivré qu'en raison de l'importance de la toiture en panneaux photovoltaïques et que l'installation de tels panneaux n'est pas indispensable à l'activité de maraîchage biologique, l'étude de faisabilité économique notant au demeurant que cette toiture opaque aura pour inconvénient, alors même qu'il sera compensé par la hauteur du bâtiment, de priver une partie des serres d'ensoleillement, que la SCEA Domaine des Cinq Routes ait entendu poursuivre son projet en déposant une demande de permis de construire portant sur un bâtiment modifié.

S'agissant du préjudice portant sur la location des bâtiments.

6. Si la SCEA Domaine des Cinq Routes allègue avoir voulu louer à la SAS DT Solutions durables les bâtiments pour qu'elle puisse exploiter les installations photovoltaïques, elle n'établit pas l'existence de relations contractuelles de nature à faire regarder son projet comme suffisamment certain. Elle ne produit, en particulier, aucun document par lequel elle se serait rapprochée de l'opérateur ERDF pour obtenir un agrément en vue de la revente de sa production électrique. En outre, le document émanant de la société " Séjourné Electrique " ne constitue pas, contrairement à ce que prétendent les sociétés requérantes, une " étude technique ", mais ainsi que le mentionne au demeurant le titre de la couverture, une simple " proposition commerciale ", laquelle est composée d'un devis descriptif, d'une offre de prix, d'un bilan financier, de plans, de devis ou encore de fiches techniques des différents partenaires. La SCEA Domaine des Cinq Routes n'établit pas non plus avoir eu les capacités financières pour réaliser son projet, l'attestation sur l'honneur émise par la société JP énergie environnement, tardive et peu circonstanciée, et qui n'a aucune force juridique contraignante, étant insuffisante pour apporter cette preuve.

En ce qui concerne le préjudice invoqué par la SAS DT Solutions durables :

7. Dès lors qu'il ne résulte pas, ainsi qu'il a été dit au point précédent, que le projet de la SCEA Domaine des Cinq Routes était certain, la SAS DT Solutions durables ne saurait, dans ces conditions, demander à être indemnisée des préjudices tirés de l'exploitation commerciale des toitures photovoltaïques.

8. Il résulte de tout ce qui précède, qu'en l'absence de tout lien de causalité direct et certain entre les préjudices dont il est demandé réparation et la faute retenue à l'encontre de la commune, les conclusions indemnitaires présentées par la SCEA Domaine des Cinq Routes et la SAS DT Solutions Durables ne peuvent qu'être rejetées. Il suit de là que ces sociétés ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Sur les frais liés au litige :

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la SCEA Domaine des Cinq Routes et de la SAS DT Solutions Durables la somme que la commune de Paulx demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par la SCEA Domaine des Cinq Routes et la SAS DT Solutions Durables soient mises à la charge de la commune de Paulx, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCEA Domaine des Cinq Routes et de la SAS DT Solutions Durables est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Paulx tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCEA Domaine des Cinq Routes, à la SAS DT Solutions Durables et à la commune de Paulx.

Une copie sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2019, à laquelle siégeaient :

­ M. Pérez, président,

­ Mme Brisson, président-assesseur,

­ M.A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 juillet 2019.

Le rapporteur,

M.A...'hirondelLe président,

A. Pérez

Le greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 17NT018032

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01803
Date de la décision : 19/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SCP LIBERTE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-07-19;17nt01803 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award