Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 20 août 2018 par lequel le préfet du Loiret a décidé sa remise aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 1803065 du 24 août 2018, la magistrate désignée du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 janvier 2019, Mme A..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif d'Orléans du 24 août 2018 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 20 août 2018 portant transfert vers l'Allemagne et assignation à résidence ;
3°) de dire et juger que sa demande d'asile sera examinée par les autorités françaises ;
4°) donner acte de ce qu'elle s'engage à pointer au commissariat de police une fois par semaine ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision contestée est contraire à l'article 26 du règlement du 26 juin 2013 ainsi qu'à l'article 2 de la Constitution et aux dispositions de la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française dès lors que pour justifier de l'accord des autorités allemandes le préfet produit un document en anglais et en allemand ;
- les dispositions de l'article 17 du même règlement ont été méconnues dès lors qu'elle vit en France avec sa mère, n'a jamais demandé l'asile en Allemagne, n'a jamais été informée qu'elle avait la possibilité de mentionner la présence en France de membres de sa famille ;
- l'assignation à résidence porte atteinte à la liberté fondamentale d'aller et venir consacrée par la Constitution et les différents traités internationaux ;
- cet arrêté est contraire aux articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 février 2019, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées le 6 mars 2019, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office suivant : non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert en raison de l'expiration du délai de six mois prévu au 1 de l'article 29 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013, dès lors qu'il ne ressort des pièces du dossier ni que ce délai aurait été prolongé dans les conditions prévues au 2 du même article, ni que cet arrêté aurait reçu exécution pendant sa période de validité.
Par un courrier en date du 7 mars 2019, le préfet du Loiret a informé la cour que l'arrêté de transfert du 20 août 2018 contesté par Mme A...a été mis en exécution et que l'intéressée a embarqué le 18 février 2019 sur un vol à destination de Breme, en Allemagne.
Par un courrier du 9 avril 2019, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions nouvelles en appel dirigées contre l'arrêté du 20 août 2018 portant assignation à résidence de Mme A...et de celles tendant à ce qu'il lui soit donner acte de ce qu'elle s'engage à pointer au commissariat de police une fois par semaine.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 décembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante guinéenne, relève appel du jugement du 24 août 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 août 2018 par lequel le préfet du Loiret a décidé sa remise aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté d'assignation à résidence :
2. Mme A...demande à la cour de prononcer l'annulation de l'arrêté du 20 août 2018 par lequel le préfet du Loiret l'a assignée à résidence et de donner acte de ce qu'elle s'engage à pointer au commissariat de police une fois par semaine. De telles ces conclusions, nouvelles en appel, sont toutefois irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté de remise aux autorités allemandes :
3. Aux termes de l'article 26 du règlement (UE) n° 614/2013 susvisé du 26 juin 2013 : " 1. Lorsque l'Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'Etat membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'Etat membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale. Si la personne concernée est représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les Etats membres peuvent choisir de notifier la décision à ce conseil juridique ou à cet autre conseiller plutôt qu'à la personne concernée et, le cas échéant, de communiquer la décision à la personne concernée. 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'Etat membre responsable. Les Etats membres veillent à ce que des informations sur les personnes ou entités susceptibles de fournir une assistance juridique à la personne concernée soient communiquées à la personne concernée avec la décision visée au paragraphe 1, si ces informations ne lui ont pas encore été communiquées. 3. Lorsque la personne concernée n'est pas assistée ou représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les Etats membres l'informent des principaux éléments de la décision, ce qui comprend toujours des informations sur les voies de recours disponibles et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours, dans une langue que la personne concernée comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend ".
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le 25 juin 2018, les autorités allemandes ont fait connaître leur accord explicite pour la réadmission de Mme A...en application du 4 de l'article 12 du règlement du 26 juin 2013. La circonstance que ce document interne aux Etats membres soit rédigé en langue anglaise est sans incidence sur la légalité de la décision contestée prise par le préfet du Loiret le 20 août 2018. Par suite, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article 26 du règlement du 26 juin 2013, celles de l'article 2 de la Constitution et celles de la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française auraient été méconnues.
5. En deuxième lieu, le préfet du Loiret a produit les brochures A et B ainsi que le guide d'accueil du demandeur d'asile qui ont été remis à Mme A...au cours de son entretien avec les services préfectoraux le 28 février 2018. Ces documents sont rédigés en langue française que l'intéressée a déclaré comprendre. Par ailleurs, il ressort du compte rendu d'entretien que la requérante a pu apporter toutes les précisions qu'elle souhaitait sur la présence en France de ses parents. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière.
6. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit ".
7. En se bornant à faire valoir que sa mère, qui a acquis la nationalité française, vit en France, MmeA..., qui ne soutient pas avoir repris contact avec cette dernière, n'établit pas que le préfet du Loiret aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas application de la clause discrétionnaire prévue par les dispositions sus rappelées du point 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 août 2018 portant transfert vers l'Allemagne.
Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :
9. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce que sa demande d'asile soit examinée par les autorités françaises doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A...et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2019 à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 juillet 2019.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT00142