Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C..., salarié de la société Meduane Habitat, a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision en date du 31 mai 2017 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) des Pays-de-la Loire refusant d'autoriser son licenciement.
Par un jugement nos 1608034, 1702440, 1706467 du 25 mai 2018, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2018, la société Meduane Habitat, représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 mai 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Nantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il n'est pas établi que la minute du jugement comporte la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience ;
- c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il n'était pas établi que M. C...était sous l'emprise de stupéfiants pendant son service ;
- c'est à tort que le tribunal a considéré que compte tenu de son parcours sans incident dans la société, le licenciement n'était pas justifié
- l'obligation de sécurité que le droit du travail fait peser sur l'employeur et ses salariés justifiait le licenciement de M.C... ;
- les faits reprochés à M. C...sur son temps de travail sont à la fois une infraction pénale, une faute contractuelle et une méconnaissance du règlement intérieur qui justifie son licenciement.
Par un mémoire, enregistré le 13 novembre 2018, la ministre du travail conclut aux mêmes fins que la requête de la société Meduane Habitat en soutenant que la matérialité de la faute est établie et que sa gravité justifie le licenciement de M.C....
Par ordonnance du 12 février 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 15 mars 2019 à 16h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lenoir,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de Me B...représentant la société Meduane Habitat et de Me Bures, avocat de M.C....
Considérant ce qui suit :
1. M. A...C...est employé depuis 2001 par la société Meduane Habitat, société spécialisée dans le logement social, afin d'exercer les fonctions de plombier chauffagiste. Il a été élu délégué du personnel de cette société le 1er janvier 2016. Il a fait l'objet, le 25 mai 2016, d'un contrôle positif aux stupéfiants (usage de cannabis) alors qu'il circulait au volant d'un véhicule de service dans le cadre d'une mission d'inspection et de maintenance des installations des immeubles gérés par la requérante. A la suite de ce contrôle, son permis de conduire a tout d'abord été, par mesure administrative, suspendu pour une durée de six mois. Puis, par une ordonnance de composition pénale en date du 24 janvier 2017, le vice-président du tribunal de Grande Instance d'Angers statuant en matière correctionnelle a, après avoir constaté l'existence d'une infraction aux articles L. 3421-1 du code de la santé publique, L. 222-49 du code pénal et L. 235-1 du code de la route, obligé l'intéressé à suivre un stage de sensibilisation à la conduite sous stupéfiants et lui a retiré son permis de conduire pour une période de six mois. Entre-temps, la société Meduane Habitat avait demandé, le 20 juin 2016, à la responsable de l'unité de contrôle de la Mayenne de la DIRECCTE des Pays de la Loire, l'autorisation de le licencier pour motif disciplinaire, demande qui a été rejetée par cette autorité le 29 juillet 2016. Saisie le 23 septembre 2016 par la société Meduane Habitat d'un recours hiérarchique, la ministre du travail a, après avoir initialement rejeté de manière implicite cette demande, annulé la décision mentionnée plus haut du 29 juillet 2016, par une décision expresse du 31 mai 2017 et a, en conséquence, autorisé le licenciement de M.C.... Par jugement du 25 mai 2018, le tribunal administratif de Nantes, saisi par ce dernier d'une demande d'annulation de cette décision, a fait droit à cette demande. La société Meduane Habitat a relevé appel de ce jugement par une requête enregistrée le 17 juillet 2018.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué comporte la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience. Ainsi, le moyen tiré de ce que ce jugement serait entaché d'une irrégularité au regard de ces dispositions ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Par ailleurs, un agissement du salarié intervenu en-dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat. Enfin, pour accorder ou refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de prendre en compte l'existence de manquements antérieurs à la discipline pour apprécier si le fait reproché au salarié constitue ou non une faute grave.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. C...a fait l'objet le 25 mai 2016 d'un contrôle routier avec prise de sang alors qu'il intervenait pour le compte de la société Meduane Habitat au volant d'un véhicule de cette société. Ce contrôle a révélé que ce salarié avait fait usage de cannabis (37,5 ng/ml de sang pour une limite fixée à 5 ng/ml) dans les heures précédant le contrôle, ce que l'intéressé n'a pas nié, indiquant lui-même avoir consommé des stupéfiants quelques heures avant de prendre le volant de son véhicule. Par suite, et en dépit des incertitudes existantes quant à la durée de la permanence dans l'organisme humain des traces de consommation de cannabis, la société Meduane Habitat et la ministre sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont estimé qu'il n'était pas établi que M. C...était sous l'emprise de substances stupéfiantes au moment du contrôle mentionné plus haut.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...à l'appui de sa demande.
6. M. C...soutenait en première instance que le licenciement prononcé à la suite de la suspension de permis de conduire dont il a fait l'objet était une réaction disproportionnée de la part de son entreprise eu égard à la faute commise. Il faisait également valoir que le licenciement prononcé n'avait en fait pour seul motif que de l'évincer à raison de son rôle de représentant du personnel au sein de l'entreprise.
7. S'agissant du premier moyen, M. C...devait, comme tout conducteur, être en état de pouvoir maitriser la conduite de son véhicule, qu'il s'agisse de son véhicule personnel ou de celui de la société qui l'emploie. En ne respectant pas cette règle élémentaire de sécurité, et bien qu'aucune autre infraction aux règles du code de la route ou aucun comportement routier dangereux n'ait été relevé à son encontre, l'intéressé a, par le seul fait d'usage de substances stupéfiantes avant de prendre son service, commis une faute dans l'exécution de son contrat de travail qui justifie que la société Meduane Habitat prenne une sanction à son encontre.
8. Par ailleurs, M. C...a reconnu, dans les déclarations recueillies au cours de l'enquête de police ayant abouti à la condamnation pénale prononcée à son encontre, être un consommateur habituel de cannabis. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, notamment de la lecture de son mémoire de première instance ainsi que du relevé des interventions effectuées qu'il devait fréquemment procéder à la mise au point et à la révision de chauffe-eaux et de chaudières utilisant le gaz naturel, opérations nécessitant une prudence particulière et une pleine possession de ses moyens. Ainsi, en ne respectant pas cette obligation et en opérant sous l'emprise de substances susceptibles d'altérer son discernement au cours de ces opérations de maintenance, M. C...a porté atteinte à sa sécurité et à celle des résidents des immeubles où il intervenait. En raison de cette circonstance aggravante, la société Meduane Habitat est fondée à soutenir que la faute évoquée au point 7, qui traduit une méconnaissance grave par le requérant de ses obligations contractuelles, justifiait le licenciement de ce salarié.
9. S'agissant du deuxième moyen, il ressort des pièces du dossier qu'un autre salarié de la société Meduane Habitat a fait l'objet d'une sanction moins sévère que celle qui lui a été infligées, à savoir une mesure de mise à pied pour une durée de six mois en raison de la suspension de son permis de conduire. Toutefois, cette circonstance ne saurait faire regarder le licenciement prononcé à l'encontre de M. C...comme lié aux fonctions représentatives qu'il exerçait dès lors que c'est à bon droit que la société requérante a estimé que le comportement fautif de cet autre salarié, à l'encontre duquel aucune consommation de substances stupéfiantes n'avait été relevée, justifiait une sanction moindre que le licenciement.
10. Il résulte de ce qui précède que la société Meduane Habitat et la ministre sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 31 mai 2017 autorisant le licenciement de M. C...pour motif disciplinaire.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de mettre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Meduane Habitat sollicite au titre des frais de justice. Par suite, les conclusions en ce sens de cette société doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°s 1608034, 1702440, 1706467 du 25 mai 2018 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la société Meduane Habitat tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Meduane Habitat, à M. A... C...et à la ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 10 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique le 6 juin 2019
Le président- rapporteur,
H. LENOIRL'assesseur le plus ancien,
V. GELARD
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT02694