La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/05/2019 | FRANCE | N°17NT01656

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 24 mai 2019, 17NT01656


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 21 juillet 2015 par laquelle le préfet de la Manche lui a notifié la déchéance de ses droits à la dotation jeune agriculteur et lui a demandé le remboursement de l'aide à l'installation dont il avait bénéficiée.

Par un jugement n° 1501875 du 30 mars 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 30 mai 2017 et 4

juillet 2018 M. B...A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 21 juillet 2015 par laquelle le préfet de la Manche lui a notifié la déchéance de ses droits à la dotation jeune agriculteur et lui a demandé le remboursement de l'aide à l'installation dont il avait bénéficiée.

Par un jugement n° 1501875 du 30 mars 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 30 mai 2017 et 4 juillet 2018 M. B...A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 30 mars 2017 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de la Manche du 21 juillet 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le préfet de la Manche s'est cru à tort en situation de compétence liée pour lui réclamer le remboursement de l'aide à l'installation qu'il avait perçue alors que l'article D. 343-18-2 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction alors en vigueur prévoit seulement que, dans une telle circonstance, l'administration " peut " demander ce remboursement.

Par un mémoire enregistré le 7 juin 2018 le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il soutient que le moyen invoqué par M. A...n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Bris,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant M.A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A...a bénéficié par un arrêté du 17 juillet 2009 d'une dotation d'installation en tant que jeune agriculteur pour un montant de 14 976 euros financée pour moitié par l'Etat français et pour moitié par des fonds européens. A l'issue d'une période de 5 ans, un contrôle a été effectué par la direction départementale des territoires et de la mer, dont il est ressorti que l'intéressé avait perçu un revenu professionnel global moyen supérieur à trois fois le montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). Après l'avoir invité, par un courrier du 16 juin 2015, à présenter ses observations, le préfet de la Manche a, par une décision du 21 juillet 2015, prononcé la déchéance de ses droits à l'aide à l'installation et lui a demandé de rembourser la totalité des sommes perçues à ce titre. M. A... relève appel du jugement du 30 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article D. 343-3 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction alors en vigueur : " En vue de faciliter leur première installation, il peut être accordé aux jeunes agriculteurs qui satisfont aux conditions fixées par la présente section les aides suivantes : / 1° Une dotation d'installation en capital ; / 2° Des prêts à moyen terme spéciaux ". Aux termes de l'article D. 343-12 de ce code : " Ne peut bénéficier de la dotation d'installation un agriculteur présentant un projet faisant ressortir, au terme d'un délai de cinq ans, un revenu professionnel global supérieur à un montant fixé par l'arrêté prévu à l'article D. 343-7. ". Enfin, aux termes du dernier alinéa de l'article D. 343-18-2 du même code : " Lorsqu'il est constaté au terme de la cinquième année suivant son installation que la moyenne du revenu professionnel global du bénéficiaire des aides est supérieure à un montant fixé par l'arrêté prévu à l'article D. 343-7, le préfet peut demander le remboursement de la dotation d'installation. Avant toute demande de remboursement, le préfet met en demeure l'intéressé de produire sous le délai d'un mois les justificatifs de sa situation. ".

3. Il ressort de la décision du 21 juillet 2015 et du courrier qui l'accompagnait ainsi que des observations produites par le ministre en défense que le préfet de la Manche a estimé que, dès lors qu'il avait été constaté que M. A...avait tiré de son activité pendant ses cinq premières années d'exercices un revenu professionnel global supérieur à trois fois le montant du SMIC, il était tenu de lui demander le remboursement de la dotation d'installation perçue en tant que jeune agriculteur. Cependant, il ressort des termes cités au point précédent de l'article D. 343-18-2 du code rural et de la pêche maritime que le préfet pouvait prendre une telle décision dans cette circonstance mais non qu'il était tenu de le faire. La circonstance que l'attribution de l'aide était subordonnée à la présentation d'un projet faisant ressortir, au terme d'un délai de cinq ans, un revenu professionnel global inférieur à cette limite, condition à laquelle il n'est au demeurant pas contesté que le dossier présenté par M. A...satisfaisait, est à cet égard sans incidence.

4. Par ailleurs, le ministre soutient que le préfet se trouvait dans le cas d'espèce en situation de compétence liée parce que l'administration de chaque Etat membre se trouve dans l'obligation de récupérer une aide indûment versée sur le fondement d'un texte de l'Union européenne en application du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 qui prévoit notamment, à son article 4, que " 1. Toute irrégularité doit entraîner, en règle générale, le retrait de l'avantage indument obtenu ". Il ressort cependant des arrêts du 21 septembre 1983 Deutsche Milchkontor et autres (C-205/82 à C-215/82) et du 12 mai 1998 Steff-Houlberg Export et autres (C-366/95) de la Cour de justice des Communautés européennes que les modalités de cette récupération sont soumises aux règles de droit national, sous réserve que l'application de ces règles se fasse de façon non discriminatoire au regard des procédures visant à trancher des litiges nationaux du même type et qu'elle ne porte pas atteinte à l'application et à l'efficacité du droit de l'Union ou n'ait pas pour effet de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile la récupération des sommes octroyées. Ainsi, le droit de l'Union ne s'oppose pas à ce que l'autorité administrative exerce dans ce domaine son pouvoir d'appréciation et même, le cas échéant, exclut la répétition d'une aide indûment versée en prenant en compte des critères tels que la protection de la confiance légitime, la disparition de l'enrichissement sans cause, l'écoulement d'un délai ou un comportement de l'administration elle-même.

5. Dès lors, M. A...est fondé à soutenir que le préfet de la Manche, qui devait dans le cas d'espèce exercer son pouvoir d'appréciation, a commis une erreur de droit en s'estimant lié par la circonstance que le contrôle administratif mené au terme de ses cinq premières années d'activité avait permis de constater que son revenu professionnel global avait été supérieur à trois fois le SMIC. Par suite, la décision du 21 juillet 2015 par laquelle le préfet a prononcé la déchéance de ses droits à la dotation d'installation et lui a demandé de rembourser la totalité des sommes perçues à ce titre doit être annulée.

6. Il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 30 mars 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande

Sur les frais de l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A...de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1501875 du 30 mars 2017 du tribunal administratif de Caen et la décision du préfet de la Manche en date du 21 juillet 2015 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. A...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président assesseur,

- M. Berthon, premier conseiller,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 mai 2019.

Le rapporteur

I. Le BrisLe président

O. Coiffet

Le greffier

M. D...

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°17NT01656


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01656
Date de la décision : 24/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle LE BRIS
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : CABINET DMT DENIS MESCHIN LE TAILLANTER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-05-24;17nt01656 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award