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10/05/2019 | FRANCE | N°18NT04180

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 10 mai 2019, 18NT04180


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les arrêtés du 7 novembre 2018 par lequel la préfète du Cher a ordonné sa remise aux autorités bulgares et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1803958 du 16 novembre 2018, la magistrate désignée par la présidente de ce tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 novembre 2018 et un mémoire complémentaire enregistré le 26 janvier 2019, M. B..., représ

enté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés du 7 novem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les arrêtés du 7 novembre 2018 par lequel la préfète du Cher a ordonné sa remise aux autorités bulgares et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1803958 du 16 novembre 2018, la magistrate désignée par la présidente de ce tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 novembre 2018 et un mémoire complémentaire enregistré le 26 janvier 2019, M. B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés du 7 novembre 2018 de la préfète du Cher mentionnés plus haut ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Cher d'enregistrer sa demande d'asile et de lui remettre une attestation de demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il a bien sollicité le statut de demandeur d'asile au sens de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- sa situation ne relève pas des dispositions du règlement dit " Dublin III " dès lors qu'il a déjà obtenu l'asile auprès des autorités bulgares ;

- il était nécessaire d'attendre que l'office français de protection des réfugiés et apatrides se prononce sur la recevabilité de sa demande ;

- les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ont été méconnus, compte tenu des risques encourus en Bulgarie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2018, la préfète du Cher conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 et le protocole relatif au statut des réfugiés signés à New York le 31 janvier 1967 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique le rapport de M. Sacher et les observations de Me C...substituant MeA....

Considérant ce qui suit :

1. M. D...B..., ressortissant érythréen, a déclaré lors de son entretien à la préfecture du Cher être entré le 21 juin 2018 irrégulièrement en France afin d'y déposer une demande d'asile. Toutefois, il est apparu que ses empreintes digitales avaient déjà été enregistrées dans le système Eurodac en Bulgarie le 21 novembre 2017 et en Italie les 5 et 25 juillet 2017, avant son entrée sur le territoire français. Saisies le 7 septembre 2018 d'une demande de reprise en charge sur le fondement du point b du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013, les autorités bulgares ont refusé leur responsabilité au titre du règlement européen de Dublin, le 10 septembre 2018 au motif qu'elles avaient délivré à M. B...le statut de réfugié. Les autorités bulgares, qui ont dès lors été à nouveau saisies aux fins d'une " réadmission Schengen " du requérant sur le fondement de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité dans les motifs de la décision attaquée, ont donné leur accord, le 12 septembre 2018, à la réadmission de M. B...après avoir confirmé que ce dernier avait obtenu le statut de réfugié. Par arrêté du 7 novembre 2018, la préfète du Cher a décidé de remettre M. B...aux autorités bulgares selon la " procédure Schengen ". Par arrêté du même jour, la préfète du Cher l'a assigné à résidence. M. B...relève appel du jugement en date du 16 novembre 2018 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur la décision de réadmission d'office :

2. Aux termes du 2 du A de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et du protocole signé à New York le 31 janvier 1967, doit être considérée comme réfugiée toute personne " qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ". Aux termes du 1 de l'article 31 de cette même convention : " Les Etats contractants n'appliqueront pas de sanctions pénales, du fait de leur entrée ou de leur séjour irréguliers, aux réfugiés qui, arrivant directement du territoire où leur vie ou leur liberté était menacée au sens prévu par l'article premier, entrent ou se trouvent sur leur territoire sans autorisation, sous la réserve qu'ils se présentent sans délai aux autorités et leur exposent des raisons reconnues valables de leur entrée ou présence irrégulières ". Aux termes du 1 de l'article 33 de cette même convention : " Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ".

3. Si, en vertu de ces stipulations, une personne qui s'est vu reconnaître le statut de réfugié dans un Etat partie à la convention de Genève à raison de persécutions subies dans l'Etat dont elle a la nationalité ne peut plus, aussi longtemps que le statut de réfugié lui est maintenu et effectivement garanti dans l'Etat qui lui a reconnu ce statut, revendiquer auprès d'un autre Etat, sans y avoir été préalablement admise au séjour, le bénéfice des droits qu'elle tient de la convention de Genève, il est toutefois loisible à cette personne, dans le cas où elle a été préalablement admise au séjour en France dans le cadre des procédures de droit commun applicables aux étrangers, de demander à ce que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides exerce à son égard la protection qui s'attache au statut de réfugié.

4. Toutefois, une personne qui, s'étant vu reconnaître le statut de réfugié dans un Etat partie à la convention de Genève, sur le fondement de persécutions subies dans l'Etat dont elle a la nationalité, demande néanmoins l'asile en France, doit, s'il est établi qu'elle craint avec raison que la protection à laquelle elle a conventionnellement droit sur le territoire de l'Etat qui lui a déjà reconnu le statut de réfugié n'y est plus effectivement assurée, être regardée comme sollicitant pour la première fois la reconnaissance du statut de réfugié.

5. Aux termes de l'article L. 723-11 du code de l'entrée de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'office peut prendre une décision d'irrecevabilité écrite et motivée, sans vérifier si les conditions d'octroi de l'asile sont réunies, dans les cas suivants : 1° Lorsque le demandeur bénéficie d'une protection effective au titre de l'asile dans un Etat membre de l'Union européenne ".

6. Il est constant que M. B...n'a pas été admis préalablement au séjour en France dans le cadre des procédures de droit commun applicables aux étrangers. Par suite, il ressort des textes précités qu'il ne peut se prévaloir de sa demande d'asile présentée le 18 juillet 2018 auprès de la préfecture de l'Essonne, ni de l'attestation de sa demande d'asile délivrée par la préfecture du Cher le 22 octobre 2018, sauf à établir qu'il craint avec raison que la protection à laquelle il a conventionnellement droit en Bulgarie qui lui a déjà reconnu le statut de réfugié n'y est plus effectivement assurée. A cette fin, M. B...fait état de l'hostilité de la Bulgarie à l'égard des demandeurs d'asile et des réfugiés. Si le requérant se prévaut d'une lettre de mise en demeure de la commission européenne concernant la mise en oeuvre incorrecte de la législation de l'Union en matière d'asile en Bulgarie, les infractions relevées par les autorités européennes concernent essentiellement les demandeurs d'asile alors que M. B...dispose désormais en Bulgarie non plus d'un statut de demandeur d'asile, mais de celui de réfugié. Si, par ailleurs, M. B...produit des extraits de rapports soulignant l'existence en Bulgarie de violences contre les migrants et d'un manque de sanction à l'encontre des incitations à la haine raciale, ces seuls éléments se bornent à faire état de tensions au sein de la société bulgare sans pouvoir établir à eux seuls que M. B...ne bénéficierait pas d'une protection adéquate dans le pays qui lui a désormais reconnu le statut de réfugié. Enfin, si M. B...indique également avoir été personnellement victime de violences et de traitements dégradants, les éléments apportées n'établissent pas que ces violences, à les supposer établies à son encontre, se réitéreraient à son retour en Bulgarie, alors même qu'il y dispose désormais du statut de réfugié.

7. Il ressort de ce qui précède que M. B...ne peut se prévaloir de sa demande d'asile présentée le 18 juillet 2018 auprès de la préfecture de l'Essonne, ni de l'attestation de sa demande d'asile délivrée par la préfecture du Cher le 22 octobre 2018. Par suite, doit être écarté le moyen tiré de l'existence d'un dépôt de demande d'asile préalable et d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 723-11 du code de l'entrée de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel au demeurant aurait vraisemblablement conduit à une décision d'irrecevabilité de sa demande de l'aveu même du requérant.

8. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni a des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Pour les raisons exposées au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... serait exposé à un risque de traitement inhumain ou dégradant en Bulgarie. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté.

Sur la décision portant assignation à résidence :

9. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ".

10. L'arrêté décidant la remise du requérant aux autorités bulgares n'étant pas entaché d'illégalité, le requérant ne peut soutenir que l'arrêté d'assignation à résidence serait dépourvu de base légale, à raison de l'illégalité de l'arrêté de remise. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Cher. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, celles à fin d'injonction et d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D...B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B...et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise à la préfète du Cher.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. Sacher, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 mai 2019.

Le rapporteur,

E. SACHERLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 18NT04180


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT04180
Date de la décision : 10/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Eric SACHER
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : PERE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-05-10;18nt04180 ?
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