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30/04/2019 | FRANCE | N°17NT03382

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 30 avril 2019, 17NT03382


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 1er juillet 2015 par laquelle la directrice générale des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale lui a infligé un blâme.

Par un jugement n° 1503006 du 19 septembre 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 novembre 2017 et 31 janvier 2019, M. B..., représenté par MeE..., demande à

la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 19 septembre 2017 ;

2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 1er juillet 2015 par laquelle la directrice générale des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale lui a infligé un blâme.

Par un jugement n° 1503006 du 19 septembre 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 novembre 2017 et 31 janvier 2019, M. B..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 19 septembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 1er juillet 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que le mémoire déposé le 23 février 2017 par le ministre de l'éducation nationale ne lui a pas été communiqué ;

- il ne peut lui être reproché de ne pas avoir appliqué la circulaire du 25 juin 2012 du recteur de l'académie d'Orléans-Tours précisant le régime du complément de service dans la mesure où les dispositions du décret du 20 août 2014 ne sont entrées en vigueur qu'à la rentrée scolaire 2015 ;

- il n'a pas refusé de mettre en oeuvre les instructions données par le recteur en vue de l'organisation de la rentrée scolaire 2012 ;

- la circulaire du 25 juin 2012 était illégale dans la mesure où il appartient à l'autorité rectorale d'attribuer les compléments de service aux enseignants et que le Conseil d'Etat a jugé qu'aucune disposition applicable aux membres du corps des professeurs de lycée professionnel ne prévoit que l'administration peut appeler un enseignant nommé dans un établissement à compléter son service dans un autre établissement ;

- lorsque le conseil d'administration de l'établissement s'est prononcé sur la répartition des services entre les professeurs du lycée au mois de février 2012, Mme F...était la dernière arrivée et devait effectuer un complément de service au lycée Rabelais ; ce n'est qu'en juin 2012 qu'elle a fait une demande de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) or la circulaire lui a été adressée en fin d'année scolaire, à une période chargée ne lui permettant pas de voir qu'elle comportait une modification pour les personnels RQTH en application de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 ; il était en congé à la date à laquelle le rectorat a attiré son attention sur cette circulaire à la demande de Mme F...; au cours de l'été, il était loisible au recteur d'affecter à Mme D...le complément de service au lycée Rabelais ;

- il n'a manifesté aucune réticence à appliquer les instructions de sa hiérarchie d'autant qu'il n'avait aucun pouvoir de décision quant à l'attribution des compléments de service ;

- le conflit entre Mmes F...et D...résulte d'un changement de règlementation ; aucune perturbation du service ne lui est imputable ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas fautifs mais relèvent de l'insuffisance professionnelle ;

- cette sanction a nui à sa carrière dès lors qu'il n'a bénéficié d'aucune promotion.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

- et les observations de MeC..., représentant M.B....

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., qui a été nommé proviseur du lycée professionnel Joseph Cugnot à Chinon en septembre 2010, relève appel du jugement du 19 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er juillet 2015 du ministre chargé de l'éducation nationale prononçant à son encontre un blâme au motif qu'il avait " manqué à son devoir d'obéissance hiérarchique en ne mettant pas en oeuvre les instructions données par le recteur relatives à l'organisation en vue de la rentrée scolaire 2014, du service de MadameF..., enseignante reconnue comme travailleur handicapé ".

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes des deuxièmes et troisièmes alinéas de l'article R. 611-1 du code de justice administrative dans sa rédaction alors en vigueur : " La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur ou tout mémoire contenant des éléments nouveaux, est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.

3. Il est constant que devant le tribunal administratif d'Orléans le ministre de l'éducation nationale a produit un premier mémoire en défense le 26 septembre 2016, lequel a été communiqué à M.B.... Si le second mémoire produit par le ministre le 23 février 2017, soit plusieurs jours avant la clôture de l'instruction fixée au 3 mars 2017, ne lui a en revanche pas été communiqué, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la lecture de ce mémoire, qu'il comportait des éléments nouveaux, qui auraient dû obligatoirement être portés à sa connaissance dès lors que le ministre se borne à reprendre les arguments développés dans son mémoire précédent en y ajoutant quelques précisions. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en ne lui communiquant pas ce mémoire, le tribunal administratif aurait méconnu le principe du contradictoire et entaché d'irrégularité le jugement attaqué.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Aux termes d'une circulaire du 25 juin 2012 du recteur de l'académie d'Orléans-Tours prise dans le cadre des pouvoirs d'organisation des services de l'éducation nationale dans le ressort du rectorat concerné : " Le chef d'établissement annonce aux enseignants le ou les compléments de service à assurer dans d'autres établissements sur la base des quotités arrêtées par la division des moyens. Si aucun enseignant n'est volontaire, c'est l'agent qui a la plus faible ancienneté dans l'établissement sur poste définitif. Ne sont pas concernés initialement les personnes ayant la reconnaissance en qualité de travailleur handicapé (...) ".

5. En premier lieu, M. B...soutient qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir appliqué cette circulaire dans la mesure où les dispositions du décret du 20 août 2014 ne sont entrées en vigueur qu'à la rentrée scolaire 2015. Toutefois, si le tribunal administratif a cité à tort les dispositions de ce décret, il est constant que la décision contestée n'est pas fondée sur ce texte qui n'était pas en vigueur à la date des faits reprochés à M.B..., lesquels se sont déroulés en 2012 et non en 2014 comme mentionné par erreur simplement matérielle dans la décision contestée. De fait, la sanction prononcée est motivée par le fait que l'intéressé avait refusé d'appliquer les instructions données en juin 2012 par le recteur concernant la soustraction de la liste des agents devant effectuer un complément de service dans un autre établissement que celui où ils sont habituellement affectés des enseignants souffrant d'un handicap. Par suite, le moyen tiré de l'inexistence d'une règle qu'il n'aurait respecté ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983 : " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public (...) ". Ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, par une circulaire du 25 juin 2012, le recteur de l'académie d'Orléans-Tours a demandé aux responsables d'établissements d'annoncer aux enseignants le ou les compléments de service à assurer dans d'autres établissements tout en leur précisant que les personnels reconnus en qualité de travailleurs handicapés n'étaient pas concernés par ce dispositif. Pour contester la sanction de blâme qui lui a été infligée, M. B...soutient qu'on ne peut lui reprocher de ne pas avoir appliqué une circulaire illégale. Il n'est toutefois pas contesté que les dispositions de la circulaire du 25 juin 2012 du recteur d'Orléans-Tours visaient uniquement à exclure les agents reconnus travailleurs handicapés de l'obligation d'effectuer un complément de service dans une autre établissement que celui dans lequel ils sont habituellement affectés. Il n'est pas non plus contesté que le 21 juin 2012, le médecin du service médical du personnel avait précisément indiqué à M. B... qu'il serait souhaitable que MmeF..., récemment reconnue travailleur handicapé, n'effectue pas un complément de service au lycée Rabelais en supplément de celui qu'elle assurait déjà au lycée Cugnoy. Dans ces conditions, le requérant n'établit pas le caractère manifestement illégal et de nature à compromettre gravement l'intérêt public de la disposition de la circulaire du 25 juin 2012 du recteur de l'académie d'Orléans-Tours, laquelle s'appuyait tant sur les dispositions de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 que sur celles de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'une règlementation illégale à laquelle il n'était pas tenu d'obéir ne peut qu'être écarté.

7. En troisième lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

8. Il ressort des pièces du dossier que par un courriel du 16 juillet 2012, un agent du rectorat a appelé l'attention de M. B...sur la situation de MmeF..., professeur au lycée Cugnot reconnue travailleur handicapé au cours du mois de juin 2012, en lui précisant qu'en vertu de la circulaire du 25 juin 2012 elle ne pouvait assurer un complément de service dans un autre lycée. Il lui était donc expressément demandé de reconsidérer sa position désignant cette enseignante, au motif de son arrivée récente au lycée Cugnot, afin d'assurer un complément de service au lycée Rabelais. Par un courriel du 3 septembre 2012, M.B..., qui ne justifie pas avoir été en congé entre la fin du mois de juin et le début du mois de septembre 2012, a répondu au rectorat que la circulaire " arrivée dans les établissements le 29 juin " ne créait pas de droit, que la décision d'affectation concernant Mme F...était " le résultat de l'application de la loi " et que dans ce contexte difficile de rentrée scolaire " un changement de dernière minute sur l'attribution d'un complément de service aurait de graves conséquences " et concluait en envisageant expressément une issue contentieuse. La lecture de ce courriel ne laisse ainsi aucun doute sur la mauvaise volonté du requérant, qui a expressément refusé d'appliquer la circulaire du recteur et maintenu décision concernant MmeF.... Contrairement à ce qu'il soutient, ce refus de modifier sa proposition initiale et de se conformer à la circulaire de son supérieur hiérarchique, qui caractérise, compte tenu de son caractère délibéré, un refus d'obéissance et ne saurait être requalifié d'insuffisance professionnelle comme il le soutient, a eu des répercussions sur la situation dans son établissement ainsi qu'en atteste un courriel interne au rectorat figurant au dossier, dès lors que tant MmeD..., qui a appris sa désignation pour assurer ce complément de service au lycée Rabelais quelques jours seulement avant la rentrée scolaire, que MmeF..., ont en effet été placées en arrêt de travail en septembre et octobre 2012 à raison du stress engendré par ce retard d'information. En conséquence, M. B... a bien, contrairement à ce qu'il soutient, commis une faute de nature à justifier à son encontre une sanction disciplinaire. Par suite, les moyens tirés de ce que cette décision serait entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de qualification juridique ne peuvent qu'être écartés. Enfin, compte tenu des dysfonctionnements occasionnés par le retard dans la mise en oeuvre de cette circulaire rectorale, la sanction prononcée ne présente aucun caractère disproportionné en dépit de la circonstance que la notation de l'intéressé au titre de l'année 2012-2013 ne mentionne pas cet évènement.

9. En dernier lieu, M. B...soutient que la sanction litigieuse a nui à sa carrière dès lors qu'il n'a bénéficié d'aucune promotion. Cette circonstance, à la supposer établie, est toutefois sans incidence sur la légalité de la décision contestée qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, était justifiée et ne présentait aucun caractère illégal.

10. Il résulte de ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. B... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 avril 2019.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT03382


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT03382
Date de la décision : 30/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SCP HERALD

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-04-30;17nt03382 ?
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