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15/03/2019 | FRANCE | N°17NT01359

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 15 mars 2019, 17NT01359


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le conseil régional de l'ordre des pharmaciens des Pays-de-la-Loire a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 12 mai 2014 par lequel la directrice de l'agence régionale de santé des Pays-de-la-Loire a autorisé le transfert de l'officine exploitée par l'Eurl Pharmacie Richelieu du centre commercial Leclerc, Chemin des Roches à Luçon (Vendée), vers le nouveau centre commercial Leclerc, situé 2 route de Fontenay, dans la même commune.

Par un jugement n° 1409462 du 2 mars

2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le conseil régional de l'ordre des pharmaciens des Pays-de-la-Loire a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 12 mai 2014 par lequel la directrice de l'agence régionale de santé des Pays-de-la-Loire a autorisé le transfert de l'officine exploitée par l'Eurl Pharmacie Richelieu du centre commercial Leclerc, Chemin des Roches à Luçon (Vendée), vers le nouveau centre commercial Leclerc, situé 2 route de Fontenay, dans la même commune.

Par un jugement n° 1409462 du 2 mars 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 28 avril 2017 et 28 mai 2018 le conseil régional de l'ordre des pharmaciens des Pays-de-la-Loire, représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 mars 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 mai 2014 de la directrice de l'agence régionale de santé des Pays-de-la-Loire ainsi que la décision implicite du ministre des affaires sociales et de la santé rejetant son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de MmeD..., gérante de l'Eurl Pharmacie Richelieu, et de l'agence régionale de santé des Pays-de-la-Loire une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa demande de première instance était recevable car le recours hiérarchique formé par sa présidente auprès du ministre a été autorisé lors d'une réunion du 26 juin 2014, ainsi que cela ressort du procès-verbal qu'il produit ;

- le transfert autorisé compromet l'approvisionnement en médicaments de la population d'origine, notamment celle du quartier Porte-Joie, qui se trouve à une distance de 1,5 à 2 km du nouvel emplacement ; la distance entre les deux lieux est proche d'1 km et il faut 15 minutes pour la parcourir, ce qui n'est pas neutre ; il apporte la preuve que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il existe des immeubles disponibles à la vente susceptibles d'accueillir l'officine dans le centre ville de Luçon ;

- il n'y a pas de population résidente dans le quartier d'accueil de l'officine, qui est principalement composé de terres agricoles ; la population de passage dans le centre commercial ne peut suppléer à cette absence : dès lors le transfert ne saurait remplir la condition prévue par l'article L. 5125-3 du code de la santé publique qui est de répondre de façon optimale aux besoins de la population résidant dans le quartier d'accueil ; les projets immobiliers invoqués par la gérante de la pharmacie sont hypothétiques ;

- le lieu de transfert envisagé ne permet pas d'assurer le service de garde ou d'urgence dans des conditions optimales, ce qui est pourtant une condition prévue par l'article L. 5125-3 du code de la santé publique.

Par des mémoires en défense enregistrés les 28 juillet 2017, 24 mai, 11 juin et 23 août 2018 l'EURL Pharmacie Richelieu, représentée par la Selarl Sapone-Blaesi, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du conseil régional de l'ordre des pharmaciens des Pays-de-la-Loire la somme de 6 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- la demande de première instance du conseil régional de l'ordre des pharmaciens des Pays-de-la-Loire était irrecevable car il n'est pas établi que le recours hiérarchique formé par sa présidente devant le ministre contre la décision litigieuse aurait été exercé valablement ;

- les moyens invoqués par le conseil régional de l'ordre des pharmaciens des Pays-de-la-Loire ne sont pas fondés ;

- son projet répond parfaitement aux conditions définies par l'ordonnance n°2018-3 du 3 janvier 2018 relative à l'adaptation des conditions de création, de transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie.

Par un mémoire enregistré le 17 août 2018 le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par le conseil régional de l'ordre des pharmaciens des Pays-de-la-Loire ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Bris,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- les observations de MeC..., représentant le conseil régional de l'ordre des pharmaciens des Pays-de-la-Loire, et de MeA..., substituant la Selarl Sapone-Blaesi, représentant l'Eurl Pharmacie Richelieu.

Considérant ce qui suit :

1. L'Eurl Pharmacie Richelieu a demandé le 4 octobre 2013 à l'agence régionale de santé des Pays de Loire d'autoriser le transfert de son officine du centre commercial Leclerc, anciennement situé Chemin des Roches à Luçon (Vendée), vers le nouvel emplacement de ce centre commercial, 2 route de Fontenay, à une distance d'environ 900 mètres à vol d'oiseau. Par une décision du 31 janvier 2014, la directrice de l'agence régionale de santé a prolongé pour six mois l'instruction du dossier et a demandé à l'Eurl Pharmacie Richelieu de chercher un nouvel emplacement au sein des quartiers résidentiels situés à l'Est de la commune. Cette recherche n'ayant pas abouti, la directrice de l'agence régionale de santé a finalement autorisé le transfert de l'officine par une décision du 12 mai 2014, confirmée par le ministre des solidarités et de la santé à la suite d'un recours hiérarchique formé par le conseil régional de l'ordre des pharmaciens des Pays-de-la-Loire. Ce dernier relève appel du jugement du 2 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 mai 2014 et du rejet implicite de son recours hiérarchique.

2. Aux termes de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique dans sa rédaction alors en vigueur : " Les créations, les transferts et les regroupements d'officines de pharmacie doivent permettre de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d'accueil de ces officines. Les transferts et les regroupements ne peuvent être accordés que s'ils n'ont pas pour effet de compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente de la commune ou du quartier d'origine. / Les créations, les transferts et les regroupements d'officines de pharmacie ne peuvent être effectués que dans un lieu qui garantit un accès permanent du public à la pharmacie et permet à celle-ci d'assurer un service de garde ou d'urgence mentionné à l'article L. 5125-22. ".

3. Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative ne peut autoriser le transfert d'une officine de pharmacie qu'à la double condition, d'une part, qu'il permette de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans le quartier d'accueil et, d'autre part, qu'il n'ait pas pour effet de compromettre l'approvisionnement de la population résidente du quartier d'origine. Cette double condition doit être remplie quand bien même l'ancien et le nouvel emplacement de l'officine pour laquelle le transfert est demandé sont situés dans le même quartier.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'Eurl Pharmacie Richelieu a sollicité une autorisation de transfert du fait du déplacement du centre commercial Leclerc, qui a eu pour effet de laisser son ancien local au sein d'un ensemble immobilier désaffecté. Il n'est pas contesté que, cette situation ne pouvant se poursuivre indéfiniment pour des raisons économiques et de sécurité que le directeur du centre commercial, propriétaire du local, a exposées à la gérante de l'officine dans un courrier en date du 16 avril 2014, l'Eurl Pharmacie Richelieu se trouvait de ce fait dans l'obligation de trouver un nouvel emplacement.

5. Il ressort également des pièces du dossier que la commune de Luçon, qui comptait 9 536 habitants au 1er janvier 2014 sur un territoire de 31 km2, possède cinq officines de pharmacies. Deux d'entre elles sont situées au coeur de l'agglomération, deux autres à l'Ouest, à peu de distance l'une de l'autre, et la cinquième, qui fait l'objet du litige, à l'Est, à l'extrémité de la zone urbanisée de la commune. Le déplacement envisagé vers le nouveau centre commercial Leclerc ayant pour effet d'éloigner l'officine de cette zone urbanisée d'environ 1 kilomètre, pour la rapprocher de zones agricoles pourvues de très peu d'habitations et qui n'ont pas vocation à être urbanisées, l'agence régionale de santé des Pays de la Loire a, ainsi qu'il a été dit au point 1, invité la gérante de l'Eurl Pharmacie Richelieu à rechercher un local dans les quartiers " Chemin de l'Hermitage " et " Chemin de la Croix Durand ", mieux pourvus en population résidente et situés entre le coeur de l'agglomération, desservi par les deux officines du centre ville, et l'ancien emplacement de la Pharmacie Richelieu. Cependant, l'Eurl Pharmacie Richelieu a justifié de ses démarches en ce sens, ainsi que de leur caractère infructueux, en produisant des courriers du maire de Luçon du 17 avril 2014, de deux agences immobilières en date du 12 février et 14 février 2014, et d'un office notarial du 10 février 2014. C'est donc après avoir constaté " qu'aucun local n'est disponible dans le secteur proposé pour le transfert " que, par la décision contestée du 12 mai 2014 l'administration a finalement accordé la licence sollicitée. Le conseil régional de l'ordre des pharmaciens des Pays-de-la-Loire, en produisant devant la cour cinq annonces immobilières postérieures de plusieurs années à la décision contestée, dont trois concernent des maisons ou immeubles d'habitation et les deux autres des locaux commerciaux dont la localisation exacte n'est pas précisée et qui sont de dimension très restreinte, ne démontre pas qu'une implantation de l'officine au sein des quartiers résidentiels situés à l'Est de Luçon était possible à court ou moyen terme à la date de la décision contestée.

6. Par suite, dans les conditions particulières de l'espèce, et alors que la distance entre l'ancien et le nouvel emplacement de l'officine peut être parcourue par un piéton en 15 minutes, qu'une navette municipale doit relier le centre ville de Luçon au nouveau centre commercial en traversant le quartier Est, et que le transfert a pour effet de rapprocher l'officine de la population de la commune de Saint-Gemmes-La-Plaine, située au Nord-Est de Luçon et qui ne possède pas de pharmacie, le conseil régional de l'ordre des pharmaciens des Pays-de-la-Loire n'est pas fondé à soutenir que l'agence régional de santé a fait une inexacte application des dispositions citées au point 2 du premier alinéa de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique en autorisant l'Eurl Pharmacie Richelieu à transférer son officine au 2, route de Fontenay.

7. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient le conseil régional de l'ordre des pharmaciens des Pays-de-la-Loire, que les nouveaux locaux de l'Eurl Pharmacie Richelieu, qui sont dotés d'un accès extérieur permettant d'assurer le service de garde et d'urgence pendant la fermeture du centre commercial, ne répondraient pas aux exigences prévues par le second alinéa des dispositions citées au point 2 de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir opposée par l'Eurl Pharmacie Richelieu, que le conseil régional de l'ordre des pharmaciens des Pays-de-la-Loire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les frais de l'instance :

9. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle que soit mise à la charge de l'Etat et de l'Eurl Pharmacie Richelieu, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, la somme que le conseil régional de l'ordre des pharmaciens des Pays-de-la-Loire demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du conseil régional de l'ordre des pharmaciens des Pays-de-la-Loire le versement à l'Eurl Pharmacie Richelieu d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par le conseil régional de l'ordre des pharmaciens des Pays-de-la-Loire est rejetée.

Article 2 : Le conseil régional de l'ordre des pharmaciens des Pays-de-la-Loire versera à l'Eurl Pharmacie Richelieu la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au conseil régional de l'ordre des pharmaciens des Pays-de-la-Loire, au ministre des solidarités et de la santé et à l'Eurl Pharmacie Richelieu.

Délibéré après l'audience du 28 février 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président assesseur,

- M. Berthon, premier conseiller,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 mars 2019.

Le rapporteur

I. Le BrisLe président

O. Coiffet

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT01359


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01359
Date de la décision : 15/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle LE BRIS
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SEQUEVAL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-03-15;17nt01359 ?
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