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18/02/2019 | FRANCE | N°17NT02016

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 18 février 2019, 17NT02016


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...et M. C...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1601675 du 25 avril 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 juillet 2017 et 25 avril 2018, Mme A...et M

.C..., représentés par MeD..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...et M. C...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1601675 du 25 avril 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 juillet 2017 et 25 avril 2018, Mme A...et M.C..., représentés par MeD..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils avaient droit à l'application du régime de l'abattement pour durée de détention des parts de la société Beming que M. C...a cédées en 2011, prévu par l'ancien article 150-0 D bis du code général des impôts dès lors qu'il les a acquises antérieurement au 1er janvier 2006 ;

- en 2011, ils n'étaient pas soumis à une obligation déclarative de plus-values ;

- ils se prévalent de l'interprétation donnée de la loi fiscale par l'instruction administrative publiée le 22 janvier 2007 sous la référence BOI n° 5-C-1-07 ;

- le nouveau régime de report d'imposition sous condition de remploi, qui a remplacé en 2011 celui de l'abattement pour durée de détention, a remis en cause d'une manière rétroactive une exonération qui aurait été légalement acquise ; il a instauré une obligation déclarative de plus-value ;

- le nouvel article 150-0 D ter du code général des impôts, issu de la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, n'est pas conforme à l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité ;

- le régime du report d'imposition sous condition de remploi porte atteinte aux principes de sécurité juridique et de confiance, d'espérance et d'attente légitimes au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en imposant la plus-value à un taux de 100 %, l'administration a pris une sanction disproportionnée et porté atteinte au principe du droit à l'erreur en cas de bonne foi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'en l'absence de moyens, les conclusions relatives aux prélèvements sociaux sont irrecevables et que les moyens soulevés par Mme A...et M. C...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

- les observations de MeD..., représentant Mme A...et M.C....

Considérant ce qui suit :

1. Le 7 juillet 2011, M. C...a cédé 490 parts de la société Beming pour un montant de 95 000 euros, sans déclarer la plus-value dans la déclaration n° 2042 ou dans celle n° 2074 relative aux plus-values ou moins-values en 2011. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration, par une proposition de rectification du 15 décembre 2014, a remis en cause l'exonération résultant de l'absence de déclaration et a assujetti les intéressés à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre de l'année 2011. Par un jugement du 25 avril 2017, dont Mme A...et M. C...relèvent appel, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces cotisations supplémentaires.

2. Aux termes de l'article 150-0 D bis du code général des impôts, issu de l'article 80 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 : " I.1. L'imposition de la plus-value retirée de la cession à titre onéreux d'actions ou de parts de sociétés ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts peut être reportée si les conditions prévues au II sont remplies. / Le report est subordonné à la condition que le contribuable en fasse la demande et déclare le montant de la plus-value dans la déclaration prévue à l'article 170. (...) ".

3. En premier lieu, compte tenu de la date de la cession, soit le 7 juillet 2011, ces dispositions de l'article 150-0 D bis du code général des impôts, étaient applicables aux plus-values réalisées entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2013.

4. En deuxième lieu, Mme A...et M. C...ne pouvaient pas bénéficier du mécanisme de report d'imposition sous condition de remploi prévu par l'article 150-0 D bis du code général des impôts dès lors qu'ils n'ont pas satisfait à l'obligation de déclaration qui leur incombait en application des dispositions de 150-0 D bis du code général des impôts. Ils ne sauraient valablement soutenir qu'ils ignoraient, compte tenu de l'intervention de l'article 80 de la loi de finances pour 2012, leurs obligations déclaratives exactes et qu'ils ont estimé que la plus-value de cession était exonérée et que, s'ils se sont mépris, c'est du fait de l'instabilité législative. Par ailleurs, s'ils revendiquent le droit à l'erreur, un tel droit n'est pas reconnu par la loi fiscale, hormis les cas prévus par les articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales.

5. En troisième lieu, les requérants soutiennent que l'administration ne pouvait pas fonder les rectifications litigieuses sur sa propre interprétation de la loi fiscale, soit les points 83 et suivants de l'instruction publiée au BOI 5 C 1 07 du 22 juillet 2007. Toutefois, l'imposition ne repose pas sur cette instruction mais sur la loi fiscale.

6. En quatrième lieu, l'imposition de la plus-value n'étant pas une sanction, le moyen invoqué par Mme A...et M. C...et tiré de ce que l'administration a pris une sanction disproportionnée est inopérant.

7. En cinquième lieu, Mme A...et M.C..., ne peuvent en dehors de la procédure de question prioritaire de constitutionnalité, ne peuvent contester la conformité de l'article 150-0 D ter du code général des impôts issu de la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 au regard de l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité et des principes de sécurité juridique et de proportionnalité des peines.

8. Enfin, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". Une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte. A défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations. Lorsque le législateur modifie pour l'avenir des dispositions fiscales adoptées sans limitation de durée, il ne prive les contribuables d'aucune espérance légitime au sens de ces stipulations.

9. L'imposition due par le contribuable à raison de plus-values placées en report d'imposition est liquidée selon des règles fixées par le législateur postérieurement à la période au cours de laquelle le fait générateur de l'imposition est intervenu. Lorsque le législateur permet à un contribuable, à sa demande, d'obtenir le report de l'imposition d'une plus-value, le contribuable qui exerce cette faculté doit être regardé comme ayant accepté les conséquences du rattachement de cette plus-value à l'année au cours de laquelle intervient l'événement qui met fin au report d'imposition. Ainsi, en excluant du bénéfice de l'abattement pour durée de détention les plus-values placées en report d'imposition avant la date d'entrée en vigueur de cet abattement, le législateur n'a privé les requérants d'aucune espérance légitime au sens de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a, par suite, pas porté atteinte à un droit garanti par ces stipulations.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir opposée par le ministre de l'action et des comptes publics, que Mme A...et M. C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions relatives aux frais liés au litige, au demeurant non chiffrées, doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...et M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., à M. E... C...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 février 2019.

Le rapporteur,

J.-E. GeffrayLe président,

F. Bataille

Le greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT02016


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02016
Date de la décision : 18/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : DPZ AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-02-18;17nt02016 ?
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