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28/01/2019 | FRANCE | N°17NT03731

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 28 janvier 2019, 17NT03731


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 8 août 2016 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, annulé la décision du 14 décembre 2015 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé de délivrer à la société Trelleborg Sealing Solutions Condé l'autorisation de licencier M. C...pour faute et a, d'autre part, autorisé la société T.S.S. Condé à procéder à ce licenciement.

Par un ju

gement n° 1601961 du 3 octobre 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 8 août 2016 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, annulé la décision du 14 décembre 2015 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé de délivrer à la société Trelleborg Sealing Solutions Condé l'autorisation de licencier M. C...pour faute et a, d'autre part, autorisé la société T.S.S. Condé à procéder à ce licenciement.

Par un jugement n° 1601961 du 3 octobre 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 décembre 2017 et 12 juillet 2018, M. C..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 3 octobre 2017 ;

2°) d'annuler la décision de la ministre chargée du travail du 8 août 2016 ;

3°) de mettre à la charge de la société Trelleborg Sealing Solutions le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'autorisation de licenciement décidée par la ministre est insuffisamment motivée ;

- elle ne prend pas en compte l'intégralité de ses mandats ;

- les fautes qu'il a commises ne sont pas suffisantes pour justifier le licenciement ; la ministre a pris en compte des éléments postérieurs au refus de l'inspecteur du travail ; l'appréciation des faits retenue par la ministre est contestable en ce qui concerne son absence injustifiée le 5 octobre 2015 ; en ce qui concerne le prétendu refus d'obéir à sa hiérarchie le 12 octobre 2015, il convient de prendre en compte les désorganisations de la société ; s'il a eu un retard de trente minutes qu'il reconnaît le 12 octobre 2015, il s'agit du premier en plus de 18 ans d'ancienneté ; il n'a pu se livrer à un tamponnage intempestif le 13 octobre 2015 dès lors qu'il participait à une réunion de comité ; il conteste avoir eu un comportement violent le 16 octobre 2015 et le doute doit profiter au salarié ;

- la mesure envisagée est en lien avec les mandats détenus par M.C....

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2018 la société Trelleborg Sealing Solutions, représentée par la SELARL Teitgen et Viottolo, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. C...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est tardive et par suite irrecevable :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé, en s'en rapportant à son mémoire en défense de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., substituant MeA..., représentant M.C....

Considérant ce qui suit

Les faits, la procédure :

1. La société Trelleborg Sealing Solutions Condé, qui fabrique des articles en caoutchouc, a demandé, le 17 novembre 2015, à l'inspecteur du travail du Calvados l'autorisation de licencier, pour motif disciplinaire, M. C..., qu'elle a recruté le 19 octobre 1998 et qui détient les mandats, notamment, de membre titulaire du comité d'entreprise au sein de la délégation unique du personnel, de représentant syndical au comité d'entreprise et de délégué syndical. Par une décision du 14 décembre 2015, le directeur adjoint du travail, responsable de l'inspection du travail compétente, a refusé de délivrer l'autorisation sollicitée. Saisi par l'employeur d'un recours hiérarchique, la ministre chargée du travail a rejeté implicitement le recours puis a, par décision du 8 août 2016, retiré la décision implicite de rejet, annulé la décision du directeur adjoint du travail du 14 décembre 2015 et autorisé le licenciement de M.C....

2. M. C...relève appel du jugement du 3 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette autorisation de licenciement du 8 août 2016.

Sur la recevabilité de la requête :

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le jugement attaqué du 3 octobre 2017, notifié par le greffe du tribunal administratif de Caen le 5 octobre, n'a été retiré auprès des services de La Poste par M. C...que le 14 octobre 2017. Dès lors le délai de recours n'était pas expiré le 11 décembre 2014, jour de l'enregistrement de la présente requête. La fin de non recevoir soulevée en ce sens par la société Trelleborg Sealing Solutions ne peut dès lors qu'être écartée.

Sur les conclusions à fins d'annulation :

4. Lorsque le licenciement d'un salarié légalement investi de fonctions représentatives est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Un agissement du salarié intervenu en-dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat. Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail : " En cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié " ;

Sur la matérialité des faits :

5. Pour autoriser la société Trelleborg Sealing Solutions Condé à procéder au licenciement de M. C...la ministre chargée du travail a regardé comme matériellement établies et d'une gravité suffisante les fautes consistant, pour M. C...à avoir été absent de son travail le 5 octobre 2015, sans prévenir et sans justifier cette absence, à être arrivé au travail le 12 octobre 2015, avec un retard de trente minutes sans justification, à avoir refusé le 12 octobre 2015, d'obéir à sa hiérarchie et de travailler sur les presses Panstone de son îlot, enfin à avoir le 13 octobre 2015, tamponné à onze reprises un document de suivi qualité et annoté de sa main " Sa va comme Ça c'est suffisant ".

6. Le grief invoqué par l'entreprise, tiré de ce que M. C...aurait insulté un collègue de travail et adopté un comportement violent en tapant brutalement sur des objets à sa proximité dans un but d'intimidation, a été écarté par la ministre au bénéfice du doute. Ne fondant pas l'autorisation en litige, ce motif ne peut être discuté utilement au contentieux.

7. En premier lieu M. C...ne conteste pas avoir été absent de son poste de travail le 5 octobre 2015. Ni le fait d'avoir prévenu de cette absence par téléphone le jour même, ni le dépôt, le surlendemain, d'une demande de congé pour événement familial, dépourvue de justificatif comme d'explication circonstanciée, ne sont de nature à justifier cette absence.

8. En deuxième lieu il est constant que M. C...est arrivé avec une demi-heure de retard lors de sa prise de poste prévue à 5 heures du matin le 12 octobre 2015 ; que son poste étant occupé, il a refusé de travailler sur les presses restées vacantes, à un autre poste dont il en conteste pas qu'il était en relation avec ses attributions contractuelles ; qu'il a ensuite quitté sa zone de travail pour aller discuter avec les autres employés, sans qu'il ne résulte au demeurant des pièces du dossier qu'il aurait posé des heures de délégation l'autorisant durant les heures où il a discuté avec ses collègues. Un tel comportement caractérise un refus d'obéissance à sa hiérarchie.

9. En dernier lieu M. C...a reconnu avoir apposé sur un document de suivi qualité onze tampons ainsi que la mention manuscrite rappelée plus haut. Ce tamponnage intempestif, contraire à ses obligations contractuelles, est également fautif, sans qu'ait d'incidence la date des faits, en tout état de cause compris entre le 30 septembre et le 13 octobre 2015.

Sur la gravité des faits :

10. L'ensemble des griefs avancés par la société Trelleborg Sealing Solutions Condé et retenus par la ministre se sont déroulés sur un court laps de temps, soit du 5 au 15 octobre 2015. La société ne soutient pas que l'absence du 5 octobre ou le retard assorti de désobéissance du 12 octobre auraient eu des conséquences sur l'organisation du travail. Par ailleurs et contrairement aux allégations de l'employeur, il ne ressort pas des pièces du dossier que le tamponnage intempestif d'un document qualité, qui n'a recouvert aucune mention déjà apposée sur ce document et pouvait donner lieu à duplicata, serait susceptible de porter préjudice à la société Trelleborg Sealing Solutions Condé. Enfin il convient de prendre en compte l'ancienneté de M. C..., salarié de la société depuis plus de dix-sept ans à la date des faits, ainsi que les tensions qui caractérisaient la société à la date de la procédure, à la suite du déménagement de l'entreprise et du développement de la polyvalence.

11. Dans ces conditions les fautes commises par M. C...ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement en litige.

12. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

13. D'une part les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.C..., qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande la société Trelleborg Sealing Solutions Condé au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

14. D'autre part il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Trelleborg Sealing Solutions Condé le versement à M. C...d'une somme de 1 500 euros au même titre.

DECIDE :

Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Caen en date du 3 octobre 2017 est annulé.

Article 2 : La décision du 8 août 2016 par laquelle la ministre chargée du travail a retiré le rejet implicite du recours hiérarchique de la société Trelleborg Sealing Solutions Condé et autorisé le licenciement de M. C...est annulée.

Article 3 : La société Trelleborg Sealing Solutions Condé versera à M. C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à la société Trelleborg Sealing Solutions Condé et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M ; Pons, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 janvier 2019.

Le président,

J. FRANCFORTL'assesseur le plus ancien,

V. GELARD

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 17NT03731


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT03731
Date de la décision : 28/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SCP IPSO FACTO AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-01-28;17nt03731 ?
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