Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le syndicat CGT de l'établissement public de santé mentale (EPSM) Charcot de Caudan (Morbihan) a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 15 octobre 2014 par laquelle le directeur de cet établissement a rejeté sa demande du 28 août 2014 tendant, d'une part, à l'abrogation du document " cadre de l'organisation du travail " définissant les règles internes de gestion du travail, s'agissant de l'ouverture de droits à jours RTT en matière de congés maternité et autres congés autorisés dont le motif est étranger à une raison de santé, et, d'autre part, à la mise en conformité des règles de l'établissement avec les dispositions de l'article 115 de la loi de finances du 29 décembre 2010, du décret du 4 janvier 2002 et l'instruction DGOS/RH3/DGCS du 9 février 2012.
Par un jugement n° 1404669 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 7 février et 22 août 2017 et le 9 mai 2018 le syndicat CGT de l'établissement public de santé mentale Charcot de Caudan, représenté par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 1er décembre 2016 ;
2°) d'annuler la décision précitée du 15 octobre 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'EPSM de Caudan la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier car ses mentions ne permettent pas de vérifier si le conseil du syndicat a été régulièrement averti du jour et de l'heure de l'audience ;
- ce jugement est par ailleurs insuffisamment motivé dès lors qu'il n'a pas visé les dispositions de l'article 14 du décret du 4 janvier 2002 ni répondu à l'argumentation invoquant le bénéfice de ces dispositions ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il résultait des dispositions du décret du 4 janvier 2002 que les agents placés en congés de maladie, de longue maladie, ou de longue durée, ainsi que les agents en congé de maternité, de paternité, d'adoption, d'accompagnement de personnes en fin de vie ou bénéficiant de jours d'absence pour événements familiaux, s'ils se trouvent dans une position statutaire d'activité qui leur permet de satisfaire aux obligations relatives à la durée légale du temps de travail, ne pouvaient être regardés ni comme exerçant effectivement leurs fonctions ni comme se trouvant à la disposition de leur employeur et en situation de devoir se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles ; un agent public qui est en congé de maternité reste soumis à l'ensemble des droits et obligations résultant de son statut et ne peut être regardé comme ne remplissant pas les différents critères du travail effectif ;
- l'absence de référence, par l'article 115 de la loi de finances du 29 décembre 2010, aux catégories de congés autres que les congés pour raison de santé implique que ces autres congés sont de nature à ouvrir droit, en l'absence de travail effectif, à l'acquisition de jours de repos au titre de la RTT ; il n'appartient pas au pouvoir règlementaire de déroger à la loi ; les fonctionnaires hospitaliers qui sont, selon les dispositions de l'article 14 du décret du 4 janvier 2002, dans une situation particulière, peuvent ainsi prétendre sur le fondement de ce texte à la réduction du temps de travail alors qu'ils sont placés en congé maternité ;
- la décision contestée méconnait l'instruction DGOS/RH3/DGCS du 9 février 2012 relative à la protection sociale des fonctionnaires hospitaliers contre les risques maladie et accident de service qui affirme expressément le principe selon lequel tout congé non lié à des raisons de santé génère des RTT, ainsi que la réponse faite par le ministre au syndicat le 15 mars 2013 ;
- l'article L. 3141-5 du code du travail prévoit également qu'une période de congé maternité est considérée comme période de travail effectif pour la détermination de la durée de congé ;
- la décision contestée méconnait les dispositions du 3°de l'article 2 de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation du droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, selon lesquelles toute discrimination directe ou indirecte est interdite en raison de la grossesse ou de la maternité, y compris du congé de maternité ;
- elle méconnaît également les dispositions de la directive 2006/54/CE du parlement européen et du Conseil en date du 5 juillet 2006, qu'il est possible d'invoquer directement dès lors que la loi du 27 mai 2008 transpose ses dispositions de manière imparfaite, et qui interdisent tout traitement moins favorable de la femme.
Par des mémoires enregistrés les 7 et 29 mai 2018 l'EPSM Charcot de Caudan, représenté par le cabinetC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge du syndicat CGT de l'EPSM de Caudan au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens invoqués par le syndicat CGT de l'EPSM de Caudan ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- la loi 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation du droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ;
- la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ;
- le décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- les observations de MeB..., substituant MeC..., représentant l'établissement public de santé mentale Charcot de Caudan.
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat CGT de l'établissement public de santé mentale (EPSM) Charcot de Caudan a, le 28 août 2014, saisi le directeur de cet établissement d'une demande tendant à l'abrogation du document " cadre de l'organisation du travail " définissant les règles internes de gestion du travail, s'agissant de l'ouverture de droits à jours RTT en matière de congés maternité et autres congés autorisés dont le motif est étranger à une raison de santé. Estimant que le document incriminé devait considérer toutes les absences pour maladie, accidents de travail, congés maternité, paternité, autorisations d'absence divers comme du temps de travail permettant de l'ouverture de droits à jours RTT, il a également, en conséquence, sollicité la mise en conformité des règles de l'établissement avec les dispositions de l'article 115 de la loi de finances du 29 décembre 2010, du décret du 4 janvier 2002 et de l'instruction DGOS/RH3/DGCS du 9 février 2012. Par une décision du 15 octobre 2014, l'EPSM Charcot de Caudan a rejeté cette demande. Le syndicat CGT de l'EPSM de Caudan relève appel du jugement du 1er décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté son recours dirigé contre cette décision du 15 octobre 2014.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il ressort des mentions du jugement attaqué, lesquelles font foi jusqu'à preuve contraire, que " les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ". Ces mentions sont au demeurant confirmées par les pièces du dossier de première instance, selon lesquelles l'avis de l'audience, qui s'est tenue le 3 novembre 2016, a été transmis avec accusé de réception et reçu le 14 octobre 2016 par MeA..., conseil du syndicat CGT de l'EPSM de Caudan. Le moyen du syndicat requérant tiré de ce que le jugement attaqué aurait été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière doit ainsi être écarté.
3. En second lieu, si le syndicat CGT de l'EPSM de Caudan a, dans sa demande de première instance, cité les dispositions de l'article 14 du décret du 4 janvier 2002, il n'a cependant développé dans ses écritures aucune argumentation dirigée contre la décision contestée du 15 octobre 2014 au regard de ces dispositions. Par suite, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé faute pour les premiers juges d'avoir répondu à son argumentation.
Sur la légalité de la décision du 15 octobre 2014 :
4. Aux termes de l'article 1er du décret du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail en ce qui concerne la fonction publique hospitalière : " La durée du travail est fixée à 35 heures par semaine dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée. Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées. ". L'article 5 de ce décret dispose que : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles (...) ". Enfin l'article 10 de ce décret prévoit que : " Les agents bénéficient d'heures ou de jours supplémentaires de repos au titre de la réduction du temps de travail qui doivent ramener leur durée de travail moyenne à 35 heures hebdomadaires. Ces jours et ces heures peuvent être pris, le cas échéant, en dehors du cycle de travail, dans la limite de 20 jours ouvrés par an ".
5. Il résulte des dispositions précitées, et ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, que l'octroi de jours supplémentaires de repos au titre de la réduction du temps de travail est lié à l'accomplissement effectif, au cours d'un cycle de travail déterminé, d'une durée de travail hebdomadaire de plus de 35 heures. Il en résulte également que les agents placés en congés de maladie, de longue maladie ou de longue durée, ainsi que les agents en congé de maternité, de paternité, d'adoption, d'accompagnement de personne en fin de vie, ou bénéficiant de jours d'absences pour événements familiaux en vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, s'ils se trouvent dans une position statutaire d'activité qui leur permet de satisfaire aux obligations relatives à la durée légale du temps de travail, ne peuvent toutefois être regardés ni comme exerçant effectivement leurs fonctions, ni comme se trouvant à la disposition de leur employeur et en situation de devoir se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.
6. Si l'article 115 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a expressément précisé, s'agissant des fonctionnaires relevant de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ou des agents non titulaires, que les congés pour raison de santé ne pouvaient générer de droits à jours supplémentaires de repos lié au dépassement de la durée annuelle du travail, il ne saurait être déduit de l'absence de mention, par le législateur, des autres catégories de congés que les agents bénéficiant de tels congés, et notamment du congé de maternité, seraient en droit d'acquérir des jours de repos au titre de la réduction du temps de travail, alors même qu'ils ne seraient pas en situation de travail effectif. Par suite, en édictant le document " cadre de l'organisation du travail " dont l'abrogation est demandée, l'EPSM de Caudan n'a pas fait une inexacte application des dispositions rappelées au point 4.
7. Par ailleurs, les dispositions de l'article 14 du décret déjà cité du 4 janvier 2002, qui se bornent à définir les modalités de décompte des obligations hebdomadaires de service, dans le cas d'agents n'ayant pas effectué l'intégralité de leur temps de travail quotidien en raison d'une absence autorisée ou justifiée, ne sont pas applicables aux agents en situation de congé de maternité, de paternité, d'adoption, d'accompagnement de personne en fin de vie, ou bénéficiant de jours d'absences pour événements familiaux. Par suite, le syndicat requérant ne saurait utilement déduire de ces dispositions qu'elles ont pour effet d'ouvrir droit, s'agissant, comme il a été dit ci-dessus, des congés maternité et autres congés autorisés dont le motif est étranger à une raison de santé, à l'acquisition de jours de repos au titre de la réduction du temps de travail. Un tel moyen, qui est inopérant, ne peut qu'être écarté.
8. Le syndicat requérant ne peut davantage utilement se prévaloir des dispositions de l'instruction DGOS/RH3/DGCS du 9 février 2012 relative à la protection sociale des fonctionnaires hospitaliers contre les risques maladie et accident de service de la direction générale de l'organisation des soins du ministère de la santé. Cette instruction, qui au demeurant se borne à indiquer que ne sont pas concernés par l'article 115 de la loi du 29 décembre 2010 tous les congés dont le motif est étranger à une raison de santé, est dépourvue de valeur réglementaire. Il en va de même en tout état de cause de la réponse donnée au syndicat par le directeur de l'offre de soins du ministère des affaires sociales et de la santé dans un courrier du 15 mars 2013.
9. A supposer que le syndicat requérant ait entendu, en outre, se prévaloir de l'article L. 3141-5 du code du travail qui prévoit " qu'une période de congé maternité est considérée comme période de travail effectif pour la détermination de la durée de congé ", ces dispositions, qui sont au demeurant étrangères à la question de la réduction du temps de travail, ne sont pas applicables aux agents régis par les dispositions de la loi du 9 janvier 1986.
10. Contrairement à ce qu'avance le syndicat requérant, les dispositions du document " cadre de l'organisation du travail " en litige définissant au sein de l'EPSM de Caudan les règles internes de gestion du travail s'agissant de l'ouverture de droits à jours de RTT, qui traite, au regard de la notion de durée de travail effectif des agents telle qu'évoquée par l'article 5 du décret du 4 janvier 2002, de façon identique les congés de maternité, les congés de paternité et les autres congés autorisés dont le motif est étranger à une raison de santé, ne sont par nature constitutives d'aucune discrimination. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaitrait les dispositions du 3°de l'article 2 de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation du droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, qui prévoient que " toute discrimination directe ou indirecte est interdite en raison de la grossesse ou de la maternité, y compris du congé de maternité ", ne peut qu'être écarté.
11. La directive 2006/54/CE du parlement européen et du Conseil en date du 5 juillet 2006, après avoir énoncé dans son article 2 que " la discrimination inclut " a) tout traitement moins favorable d'une femme lié à la grossesse ou au congé de maternité au sens de la directive 92/85/CEE ", prévoit dans son article 14 que " Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe est proscrite dans les secteurs public ou privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne : (...) - les conditions d'emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement ainsi que la rémunération, comme le prévoit l'article 141 du traité ". Si le syndicat requérant soutient que les dispositions réglementaires contenues dans le document cadre litigieux définissant au sein de l'EPSM de Caudan les règles internes de gestion du travail s'agissant de l'ouverture de droits à jours de RTT méconnaissent, s'agissant en particulier des congés maternité, le principe de non discrimination tel qu'énoncé par ces dispositions communautaires, un tel moyen ne peut, pour les mêmes considérations que celles exposées au point précédent et tenant à ce que ce document traite de la même façon tous les congés autorisés dont le motif est étranger à une raison de santé, quel que soit le sexe de l'agent concerné, qu'être écarté.
12. Enfin, si l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement qui est illégal, est tenue d'y déférer, que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature ou que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date, la légalité du document " cadre de l'organisation du travail " définissant les règles internes de gestion du travail, s'agissant de l'ouverture de droits à jours de RTT en matière de congés maternité et autres congés autorisés dont le motif est étranger à une raison de santé, est confirmée par le présent arrêt. Par suite, le directeur de l'EPSM de Caudan a pu sans commettre d'illégalité rejeter par la décision contestée du 15 octobre 2014 la demande tendant à l'abrogation des dispositions réglementaires contenues dans le document intitulé " cadre de l'organisation du travail ", dont il était saisi par le syndicat requérant.
13. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les conclusions présentées devant les premiers juges tendant à la mise en conformité des règles de l'EPSM de Caudan avec les dispositions de l'article 115 de la loi de finances du 29 décembre 2010, du décret du 4 janvier 2002 et de l'instruction DGOS/RH3/DGCS du 9 février 2012 ne pouvaient qu'être rejetées par la décision contestée du 15 octobre 2014, qui n'est pas davantage sur ce point entachée d'illégalité.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat CGT de l'EPSM Charcot de Caudan n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'EPSM Charcot de Caudan, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par le syndicat requérant au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat CGT de l'EPSM de Caudan le versement à cet établissement d'une somme de 1 500 euros au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du syndicat CGT de l'EPSM Charcot de Caudan est rejetée.
Article 2 : Le syndicat CGT de l'établissement versera la somme de 1 500 euros à l'EPSM Charcot de Caudan au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat CGT de l'établissement public de santé mentale Charcot de Caudan et à l'établissement public de santé mentale Charcot de Caudan.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 décembre 2018.
Le rapporteur,
O. CoiffetLe président,
I. Perrot
Le greffier,
M. D...
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17NT00540 2