Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E...C...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 4 août 2014 autorisant son licenciement pour motif économique, ainsi que la décision implicite puis expresse du 27 mars 2015 par laquelle le ministre chargé du travail a rejeté son recours hiérarchique.
Par un jugement nos 1501359, 1501605 du 5 mai 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 juillet 2017, M.C..., représenté par la SELARL Brun, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 5 mai 2017 ;
2°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 4 août 2014 autorisant son licenciement pour motif économique, ainsi que la décision implicite puis expresse du 27 mars 2015 par laquelle le ministre chargé du travail a rejeté son recours hiérarchique ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les décisions sont entachées d'erreur de fait en l'absence de motif économique de licenciement avéré au niveau du groupe Asteelflash ;
- la société Asteelflash Bretagne n'a pas respecté son obligation de recherche sérieuse de reclassement, les offres proposées n'étant pas individualisées ;
- la société Asteelflash Bretagne n'a pas respecté son obligation conventionnelle de reclassement, telle que définie par l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969 et par la convention collective de branche de la métallurgie :
* son reclassement devait être envisagé dans le cadre du groupe en France ou à l'étranger ;
* le mandataire judiciaire n'a entrepris aucune démarche tendant à rechercher des emplois disponibles dans le département du Finistère au sein des entreprises métallurgiques et en ne saisissant pas la commission territoriale de l'emploi compétente de manière utile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2018, MeB..., mandataire judiciaire de la société Asteelflash Bretagne, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. C...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 août 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés et renvoie à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pons,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant MeB....
Considérant ce qui suit :
1. La société Asteelflash Bretagne, filiale du groupe Asteelflash, ayant pour activité l'assemblage de composants électroniques, a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Quimper le 4 septembre 2009. Par ordonnance du juge-commissaire du 22 septembre 2009, le liquidateur judiciaire, MeB..., a été autorisé à licencier l'ensemble du personnel de la société. Le 5 juin 2014, Me B...a demandé à l'inspecteur du travail du Finistère l'autorisation de licencier, pour motif économique, M. C..., employé depuis 1997 en qualité de technicien, détenant les mandats de délégué syndical, de membre titulaire du comité d'entreprise et de représentant des salariés. L'inspecteur du travail a fait droit à cette demande par décision du 4 août 2014. Saisi d'un recours hiérarchique le 29 septembre 2014, le ministre chargé du travail a confirmé la décision de l'inspecteur du travail le 27 mars 2015. Par sa présente requête, M. C...relève appel du jugement du 5 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 4 août 2014 autorisant son licenciement pour motif économique, ainsi que la décision implicite puis expresse du 27 mars 2015 par laquelle le ministre chargé du travail a rejeté son recours hiérarchique.
Sur l'étendue des conclusions en litige :
2. Lorsque le silence gardé par l'administration sur une demande dont elle a été saisie a fait naître une décision implicite de rejet, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement se substitue à la première décision. Dans ce cas, des conclusions à fin d'annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde. Il en résulte que les conclusions de la requête dirigées contre la décision implicite du ministre chargé du travail ayant rejeté la demande de M. C...tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 4 août 2014 autorisant le licenciement économique de l'intéressé, doivent être regardées comme dirigées contre la décision du 27 mars 2015 par laquelle le ministre a expressément rejeté son recours hiérarchique.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié.
4. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 631-17 du code de commerce que, dès lors qu'un licenciement a été autorisé par une ordonnance du juge-commissaire, la réalité des difficultés économiques de l'entreprise et la nécessité des suppressions de postes ne peuvent être contestées qu'en exerçant les voies de recours ouvertes contre ce jugement et ne peuvent être discutées utilement devant l'administration.
5. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licenciement du requérant est intervenue à la suite d'un jugement du 4 septembre 2009 du tribunal de commerce de Quimper ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société Asteelflash Bretagne. Par décision du 22 septembre 2009, le juge commissaire a autorisé la procédure de licenciement collectif pour motif économique de l'ensemble des salariés de la société. Dans ces conditions, M. C... ne saurait utilement soutenir que le ministre en charge du travail et l'inspecteur du travail, qui sont tenus par l'appréciation portée par le juge-commissaire sur l'existence du motif économique, n'auraient pas examiné les difficultés de l'entreprise au niveau du groupe auquel elle appartient.
6. En deuxième lieu, pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.
7. Il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 16 novembre 2009, une liste de 36 postes disponibles au sein du groupe Asteelflash a été adressée à l'intéressé, comprenant notamment une dizaine de postes sur le site de Redon, en Ille-et-Vilaine, dont un poste de manutentionnaire, des postes d'opérateur en électronique, deux postes d'agent de gestion de production et un poste d'approvisionneur. Trois postes d'opérateur en électronique ont notamment été proposés à Cleurie, Soisson, Saumur, ainsi que des postes de technicien et d'opérateur sur le site de Duttlenheim en Alsace. La liste de postes proposés était accompagnée d'un engagement de l'employeur à financer une aide à la formation à hauteur de 1 500 euros, à maintenir la rémunération à son niveau préalable au reclassement, à verser une indemnité incitative de reclassement de 10 000 euros, à indemniser le voyage de reconnaissance sur place de l'employé, à prendre en charge les frais de déménagement jusqu'à 4 500 euros, et à fournir une aide au reclassement au conjoint. L'intéressé a reçu une deuxième offre personnalisée le 20 juillet 2010 accompagnée d'une fiche de poste d'approvisionneur logistique en Normandie et par lettre du 25 mars 2014, Me B...a transmis à M. C...une liste de postes comprenant notamment un poste d'agent de planification situé à Redon, détaillant le montant de la rémunération, la durée de travail hebdomadaire et le niveau de diplôme requis. Enfin, à la demande du requérant, une offre de " technicien méthode " ouverte en Alsace accompagnée d'une fiche de poste lui a été transmise par courrier du 16 juillet 2014. M. C...ne soutient ni même n'allègue que les postes proposés ne correspondaient pas à son profil. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la recherche de reclassement réalisée par la société n'aurait pas été suffisamment sérieuse et individualisée. Par suite, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que l'inspecteur du travail puis le ministre chargé du travail, ont estimé que la société Asteelflash Bretagne avait satisfait à son obligation de reclassement de M. C....
8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qui est allégué, le reclassement de l'intéressé a été envisagé dans le cadre du groupe en France et à l'étranger. Ainsi que l'a relevé le tribunal, le requérant ne saurait utilement se prévaloir des stipulations de l'article 5 de l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969 dès lors que M. C... s'est vu proposer des offres de reclassement adaptées et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le licenciement collectif en question posait des problèmes de reclassement non résolus. M. C... ne saurait davantage se prévaloir utilement d'une absence de saisine de la commission territoriale de l'emploi compétente, dans le cadre de l'obligation conventionnelle de recherche de reclassement prévue par la convention collective de branche de la métallurgie, dès lors que l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969 ne rend obligatoire la saisine de la commission paritaire de l'emploi compétente qu'en cas le licenciement collectif pour motif économique d'au moins dix salariés occupés dans le même établissement sur une période de trente jours.
9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C... demande au titre des frais liés au litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... la somme réclamée par Me B..., mandataire judiciaire de la société Asteelflash Bretagne, au titre des mêmes frais.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Me B..., mandataire judiciaire de la société Asteelflash Bretagne, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...C..., à Me B..., mandataire judiciaire de la société Asteelflash Bretagne et à la ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 décembre 2018.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne à la ministre du travail, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02024