Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, les décisions du 6 novembre 2017 par lesquelles le préfet de la Sarthe l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel la même autorité l'a assigné à résidence pour une durée de six mois.
Par un jugement n°s 1709874 et 1710403 du 20 mars 2018, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à sa demande, a enjoint au préfet de la Sarthe de procéder à un nouvel examen de la situation administrative de M. A...dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 avril et le 16 juillet 2018, le préfet de la Sarthe demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle ne méconnaît pas les dispositions du 2° et du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il a procédé à un examen d'ensemble de la situation de M. A... ;
- il s'en remet à ses écritures de première instance pour les autres moyens soulevés par M.A....
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2018, M.A..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) de confirmer le jugement attaqué ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnaît les dispositions des 2° et 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il maintient l'ensemble des moyens soulevés en première instance.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 août 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Chollet.
1. M.A..., ressortissant guinéen né le 15 janvier 1993 à Conakry (Guinée - Conakry), a été interpellé par les autorités de police au Mans le 4 novembre 2017 pour des faits de recel de vol et s'est vu notifier par le préfet de la Sarthe, le 6 novembre 2017, d'une part, un arrêté portant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, d'autre part, un arrêté portant assignation à résidence. M. A...en a demandé l'annulation au tribunal administratif de Nantes qui, par un jugement du 20 décembre 2018, dont le préfet relève appel, a fait droit à sa demande.
Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Pour annuler la décision faisant obligation à M. A...de quitter le territoire français, et, par voie de conséquence, celles refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné, portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et portant assignation à résidence, le tribunal administratif de Nantes a considéré que le requérant était entré en France à l'âge de treize ans, qu'il ne disposait plus d'aucune attache en Guinée, que l'ensemble de sa famille réside en France et que, en dépit des condamnations pénales prononcées à son encontre par le tribunal des enfants puis par le tribunal correctionnel d'Angers de 2011 à 2014 pour lesquelles il a purgé cinq peines de prison d'une durée totale de trente-et-un mois, la décision portant obligation de quitter le territoire français portait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Il a par suite annulé cette mesure d'éloignement pour méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
3. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A...a été condamné à plusieurs reprises pour des infractions pénales graves, à savoir notamment à six mois de prison le 22 mai 2012 pour des faits d'agression sexuelle, vol avec violence, à six mois de prison le 14 novembre 2012 pour des faits de violence, aggravée par deux circonstances, suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours et dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui, récidive et menace de crime ou délit contre les personnes ou les biens à l'encontre d'un dépositaire de l'autorité publique, à 10 mois de prison le 4 juin 2013 pour des faits de menaces de mort réitérées, outrage à une personne chargée d'une mission de service public, vol avec violence n'ayant pas entrainé une incapacité totale de travail et usage illicite de stupéfiant, à sept mois de prison pour des faits d'extorsion par la violence, menace ou contrainte de signature, port sans motif légitime d'arme blanche ou incapacitante de catégorie D et à deux mois de prison le 7 avril 2014 pour des faits d'abus de confiance. En outre, M. A...a été interpellé par les autorités de police au Mans le 4 novembre 2017 pour des faits de recel de vol ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt. M. A...se prévaut néanmoins des liens personnels et familiaux qu'il possède en France et notamment la présence de son père de nationalité française et de ses demi frères et soeurs, ainsi que de son fils né le 4 avril 2012 à Melun. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A... est célibataire et ne justifie pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de son fils qu'il n'a reconnu que le 27 novembre 2015. En outre, il ne justifie pas de manière probante être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine par la production d'attestations de proches. Dans ces conditions, eu égard à l'ensemble de la situation de M.A..., et notamment à la persistance de son comportement délictueux, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle a poursuivis en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, le préfet de la Sarthe est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler les arrêtés du 6 novembre 2017, le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur ce motif.
4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Nantes ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, la décision contestée comporte les circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; / (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A...est entré en France le 13 août 2006, soit quelques mois après son treizième anniversaire, sous couvert d'un visa valable du 31 juillet 2006 au 29 septembre 2006. Dès lors, il ne réside pas habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 2° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers doit être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; / (...) ".
9. Il est constant que M. A...est père d'un enfant né le 4 avril 2012 à Melun et est séparé de la mère de l'enfant, ressortissante malienne. Il ressort des pièces du dossier qu'il est néanmoins dépourvu de l'autorité parentale sur cet enfant, dont il n'est au demeurant pas établi qu'il soit de nationalité française, au sens de l'article 372 du code civil, la reconnaissance de l'enfant étant intervenue plus de trois ans après sa naissance. S'il soutient contribuer à l'entretien et à l'éducation de son fils, M. A...n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations et ne justifie d'aucun lien avec son fils, y compris pendant ses périodes d'incarcération. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
10. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3 du présent arrêt, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle de l'intéressé.
Sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
11. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation par voie de conséquence de la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire.
12. La décision contestée comporte les circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée.
Sur la décision fixant le pays de destination :
13. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation par voie de conséquence de la décision fixant le pays de destination.
14. La décision contestée comporte les circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans :
15. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".
16. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation par voie de conséquence de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
17. En deuxième lieu, la décision contestée comporte les circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée.
18. En troisième lieu, compte-tenu de la situation personnelle de M. A...telle que décrite au point 3 du présent arrêt, ce dernier ne fait valoir aucune circonstance humanitaire particulière justifiant qu'une interdiction de retour ne soit pas prononcée contre lui.
Sur la décision portant assignation à résidence :
19. Aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai (...) / (...) ".
20. En premier lieu, la décision contestée comporte les circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée.
21. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le requérant, qui ne justifie pas être en possession d'un passeport ou d'une pièce d'identité en cours de validité, a déclaré être hébergé chez sa tante 9 passage Savary à Angers lors de son interpellation et n'exerce aucune activité professionnelle. Il ne justifie pas d'une adresse certaine, stable et fixe au Mans, contrairement à ce qu'il soutient, en produisant une attestation d'hébergement non datée d'une connaissance. Dans ces conditions, et compte-tenu de la situation personnelle de M.A..., telle que décrite au point 3 du présent arrêt, le préfet a pu légalement et sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, l'assigner à résidence à Angers jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation de quitter le territoire français.
22. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Sarthe est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé les arrêtés du 6 novembre 2017 portant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixant le pays à destination duquel M. A...est susceptible d'être éloigné, lui interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et l'assignant à résidence pour une durée de six mois, et lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation administrative de M. A...dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.
Sur les frais liés au litige :
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État la somme que le conseil de M. A...demande au titre des frais exposés en appel non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 mars 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A....
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 décembre 2018.
Le rapporteur,
L. CholletLe président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01548 2
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