Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La communauté de communes du pays de Château-Gontier a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 116 683,91 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'opération de diagnostic archéologique réalisée entre le 17 février et le 20 mai 2009 sur l'emprise de la zone industrielle Nord Bazouges.
Par un jugement n° 1301684 du 15 novembre 2016, le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à lui verser la somme de 46 303 euros, assortie des intérêts à compter du 29 mars 2010 et de la capitalisation des intérêts, et à prendre en charge les frais d'expertise à hauteur de 2 306,04 euros.
Procédure devant la cour :
Par un recours enregistré le 17 janvier 2017 et régularisée le 18 janvier 2017 le ministre de la culture demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 novembre 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la communauté de communes du pays de Château-Gontier.
Il soutient que :
- les premiers juges n'ont pas suffisamment motivé leur décision car ils n'indiquent pas en quoi le préjudice subi par la communauté de commune serait anormal et spécial, ni quelle répartition doit être faite entre les responsabilités de l'Etat, de la communauté de commune et du département de la Mayenne, ni ne justifient le caractère direct du lien de causalité entre la prescription de l'opération de diagnostic et le préjudice subi ;
- les travaux de rebouchage des tranchées ont été réalisés conformément à la pratique courante et ne peuvent donc être à l'origine d'un préjudice anormal et spécial ;
- il n'y a pas de lien de causalité direct entre le rôle de l'Etat, qui est de prescrire le diagnostic archéologique et d'en assurer la maîtrise scientifique, et le préjudice, qui résulte des conditions de rebouchage des tranchées, définies dans le cadre d'une convention entre la communauté de communes, aménageur, et le département de la Mayenne, opérateur, convention à laquelle l'Etat n'est pas partie ;
- à titre subsidiaire, les fautes commises par la communauté de communes du pays de Château-Gontier, qui en tant que partie à la convention a accepté les modalités de rebouchage des tranchées et a réceptionné les travaux sans réserves alors qu'elle était parfaitement informée de la destination finale des terrains concernées et les a cédé en ayant connaissance de la consistance des sols, sont de nature à exonérer complètement l'Etat de sa responsabilité.
Le recours a été communiqué le 31 janvier 2017 à la communauté de communes du pays de Château-Gontier et au département de la Mayenne qui n'ont pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du patrimoine ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Le Bris,
- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
1. Le préfet de la région Pays de la Loire a prescrit par un arrêté du 2 décembre 2008 la réalisation d'une opération d'archéologie préventive de diagnostic sur des terrains que la communauté de communes du pays de Château-Gontier destinait à être aménagés en zone industrielle. Il a confié la réalisation de cette opération au service départemental du patrimoine archéologique et musées du département de la Mayenne par un arrêté du 19 janvier 2009. Le département de la Mayenne (opérateur) a conclu le 16 février 2009 avec la communauté de communes du pays de Château-Gontier (aménageur) une convention définissant les modalités de réalisation de l'opération. Les travaux se sont déroulés entre le 17 février et le 20 mai 2009 et ont été réceptionnés sans réserve par la communauté de communes le 20 mai 2009. Cette dernière a décidé, par une délibération du 7 mai 2009, de céder une partie des terrains ayant fait l'objet du diagnostic à la SCI Melica, qui a dénoncé le 2 février 2010 la présence de puits non compactés consécutifs aux opérations de diagnostic archéologiques, nécessitant des travaux de stabilisation dont elle évaluait le coût à 33 000 euros TTC. Par un courrier du 26 mars 2010, la communauté de communes du pays de Château-Gontier a saisi le préfet de région d'une demande indemnitaire d'un montant de 641 000 euros TTC, correspondant selon elle au coût des travaux de viabilisation de l'ensemble des parcelles concernées par les opérations de diagnostic. A sa demande, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a désigné un expert ingénieur géotechnicien, qui a achevé son rapport le 27 juin 2011. La communauté de communes a alors demandé au tribunal de condamner l'Etat à lui verser la somme de 116 683,91 euros sur le fondement de sa responsabilité sans faute. Le ministre de la culture relève appel du jugement du 15 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser à la communauté de communes du pays de Château-Gontier la somme de 46 303 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2010 et de la capitalisation des intérêts, et à prendre en charge les frais de l'expertise à hauteur de 2 306,04 euros.
Sur la responsabilité sans faute de l'Etat :
2. Aux termes aux termes de l'article L. 522-1 du code du patrimoine : " L'Etat veille à la conciliation des exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social. Il prescrit les mesures visant à la détection, à la conservation ou à la sauvegarde par l'étude scientifique du patrimoine archéologique, désigne le responsable scientifique de toute opération d'archéologie préventive et assure les missions de contrôle et d'évaluation de ces opérations. ". Aux termes de l'article L. 523-7 du même code : " Une convention, conclue entre la personne projetant d'exécuter des travaux et (...) la collectivité territoriale (...) dont dépend le service archéologique territorial chargé d'établir le diagnostic d'archéologie préventive, définit les délais de réalisation des diagnostics et les conditions d'accès aux terrains et de fourniture des matériels, équipements et moyens nécessaires à la réalisation des diagnostics (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 523-8 du code du patrimoine dans sa rédaction alors en vigueur : " La réalisation des opérations de fouilles d'archéologie préventive mentionnées à l'article L. 522-1 incombe à la personne projetant d'exécuter les travaux ayant donné lieu à la prescription. ".
3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise établi le 27 juin 2011, que les dommages dont la communauté de communes du pays de Château-Gontier demande réparation résultent de la décision, actée à l'article 5-2 de la convention du 16 février 2009 que cette dernière a conclu avec le département de la Mayenne, et à laquelle l'Etat n'était pas partie, de combler les tranchées creusées pour les besoins du diagnostic par un " rebouchage simple avec dépôt de la terre végétale au sommet des remblais ". En effet, selon l'expert, cette technique induit une différence de densité et de résistance par rapport au reste du terrain qui fragilise tout aménagement dont la profondeur n'atteint pas la base des tranchées sur lesquelles il se situe. Il est constant d'ailleurs que la résistance moindre du sol au droit de ces tranchées a contraint effectivement la SCI Melica à réaliser des fondations plus profondes, à évacuer une quantité supplémentaire de déblais et à remblayer avec des matériaux de carrière pour un surcoût évalué à 33 300 euros, qui a été pris en charge par la communauté de communes. Si cette dernière a recherché devant les premiers juges la responsabilité sans faute de l'Etat et l'indemnisation par lui du préjudice correspondant selon elle au coût des travaux nécessaires à la remise dans son état initial du terrain concerné, il ne résulte toutefois pas des dispositions précitées du code du patrimoine que le choix des modalités de remise en état des terrains sur lesquels a été réalisée une opération d'archéologie préventive, lesquelles modalités sont sans rapport avec les volets scientifique et archéologique de cette opération, incombe à l'Etat. Par suite, et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Nantes, il n'existe pas, en l'espèce, de lien de causalité direct entre la décision du préfet de la région Pays de la Loire de prescrire un diagnostic d'archéologie préventive sur les terrains appartenant à la communauté de communes du Pays de Château-Gontier et les dommages provoqués par la technique de rebouchage des tranchées mise en oeuvre en application de la convention du 16 février 2009 à laquelle l'Etat n'était pas partie.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué, que le ministre de la culture est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nantes l'a déclaré responsable des préjudices subis par la communauté de communes du pays de Château-Gontier et l'a condamné à indemniser cette dernière.
Sur les frais de l'instance :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais et honoraires de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 4 612,08 euros TTC par une ordonnance du président du tribunal administratif de Nantes du 18 juillet 2011, à la charge définitive de la communauté de communes du pays de Château-Gontier.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1301684 du tribunal administratif de Nantes en date du 15 novembre 2016 est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Nantes par la communauté de communes du pays de Château-Gontier est rejetée.
Article 3 : Les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par le président du tribunal administratif de Nantes, liquidés et taxés à la somme de 4 612,08 euros TTC, sont mis à la charge définitive de la communauté de communes du pays de Château-Gontier.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la culture, à la communauté de communes du pays de Château-Gontier et au département de la Mayenne.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président,
- M. Berthon, premier conseiller,
- Mme Le Bris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 décembre 2018.
Le rapporteur,
I. Le BrisLe président,
O. Coiffet
Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de la culture en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT00196