Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes :
1 - d'annuler la décision du 10 novembre 2014 par laquelle la directrice de l'Agence pour l'Enseignement Français à l'Etranger (AEFE) a refusé de faire droit à sa demande de protection fonctionnelle ;
2 - d'annuler la décision du 19 janvier 2015 par laquelle la directrice de l'AEFE a décidé de ne pas renouveler son contrat ;
3 - de condamner l'AEFE à lui verser une somme de 500 000 euros en réparation du préjudice subi.
Par un jugement nos 1500340, 1502860, 1505420 du 11 juillet 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 septembre 2017, MmeB..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 11 juillet 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 10 novembre 2014 par laquelle la directrice de l'AEFE a refusé de faire droit à sa demande de protection fonctionnelle ;
3°) d'annuler la décision du 19 janvier 2015 par laquelle la directrice de l'AEFE a décidé de ne pas renouveler son contrat ;
4°) de condamner l'AEFE à lui verser une somme de 500 000 euros en réparation du préjudice subi ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la décision portant refus de protection fonctionnelle :
- en soumettant l'octroi de la protection fonctionnelle à deux conditions cumulatives, dont une n'est pas prévue par la loi, l'AEFE a ajouté à la loi une disposition restrictive des droits de l'agent et a méconnu les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que les faits de harcèlement moral qu'elle a subis n'étaient pas constitués en l'espèce, les agissements du proviseur du lycée français de Douala excèdent le cadre normal du pouvoir hiérarchique ;
- elle a subi une agression physique de la part du proviseur le 5 septembre 2014 ;
- l'altération de sa santé physique et mentale est en lien avec les agissements de harcèlement subis ;
Sur la décision portant refus de renouvellement de contrat :
- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors que cette décision est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude professionnelle et, de manière générale, sur sa manière de servir et se trouve ainsi prise en considération de sa personne ;
- aucun reproche n'a jamais été formulé ni aucune sanction décidée à son encontre, compte tenu de ses qualités professionnelles ;
- les éléments développés à l'appui du rapport du 8 septembre 2014 du proviseur du lycée français de Douala ne sont ni objectifs, ni factuels ;
Sur les préjudices allégués :
- son préjudice moral et financier est établi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2018, l'AEFE conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pons,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- les observations de MeA..., substituant MeC..., représentant MmeB....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...a été détachée auprès de l'AEFE et recrutée dans le cadre d'un contrat de résident conclu pour la période du 1er décembre 2012 au 31 août 2015 afin d'exercer les fonctions de conseiller principal d'éducation, faisant fonction d'adjoint au chef d'établissement du lycée français de Douala (Cameroun). S'estimant victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, la requérante a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par décision du 10 novembre 2014, la directrice de l'AEFE a refusé de faire droit à cette demande. Le 19 janvier 2015, la directrice de l'AEFE a également décidé de ne pas renouveler le contrat de l'intéressée. Par sa présente requête, Mme B...relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 10 novembre 2014 et du 19 janvier 2015 et à la condamnation de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger à lui verser une somme de 500 000 euros en réparation du préjudice subi.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral :
2. D'une part, aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction alors applicable : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. / Lorsqu'un fonctionnaire a été poursuivi par un tiers pour faute de service et que le conflit d'attribution n'a pas été élevé, la collectivité publique doit, dans la mesure où une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions n'est pas imputable à ce fonctionnaire, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui. / La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. / La collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ". Pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.
3. D'autre part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral et a demandé en vain le bénéfice de la protection fonctionnelle, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. En premier lieu, en se référant, après avoir cité les troisième et quatrième alinéas de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, à l'absence de faute personnelle pour qu'un agent public puisse bénéficier de la protection fonctionnelle de la part de la collectivité publique dont il dépend, la décision attaquée s'est bornée à citer la réserve prévue par les dispositions de l'alinéa 2 de ce même article, sans aucunement indiquer que ce serait pour ce motif que la protection fonctionnelle aurait été refusée. Par suite, le moyen selon lequel la directrice de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger aurait entaché sa décision d'une erreur de droit en ajoutant une condition non prévue par les textes doit ainsi être écarté.
5. En second lieu, Mme B...soutient avoir fait l'objet d'agissements constitutifs de harcèlement moral de la part du nouveau proviseur du lycée français de Douala à compter de la rentrée 2014. Toutefois, si l'intéressée affirme avoir fait l'objet d'accusations mensongères et d'humiliations, elle se borne à produire des copies de courriels dans lesquels elle décrit des conditions de travail dégradées et un conflit relationnel patent entre elle-même et le nouveau proviseur. Ces éléments ne sont pas suffisants pour faire présumer l'existence des agissements de harcèlement moral allégués excédant le cadre normal du pouvoir hiérarchique entre le 27 août 2014, date de son retour de congé, et le 8 septembre suivant, date à partir de laquelle elle a bénéficié d'un arrêt de travail. Mme B...n'établit pas davantage la réalité de l'agression physique dont elle assure avoir été victime en se bornant à produire un témoignage indirect, alors que d'autres agents ayant participé à cette réunion contestent la matérialité des faits relatés. L'AEFE fait par ailleurs valoir, en produisant plusieurs rapports des précédents supérieurs hiérarchiques de Mme B...et courriers de personnels enseignants du lycée, que l'intéressée faisait preuve d'un comportement inadapté à l'égard de ses supérieurs et des autres agents en refusant notamment toute autorité et en manifestant une certaine hostilité à leur égard. Ces éléments produits par l'AEFE ne sont pas sérieusement contestés, la circonstance que la requérante ait bénéficié d'appréciations favorables au cours des années antérieures et reçu le soutien de certains parents d'élèves, ou que l'ambassadrice de France au Cameroun ait signalé une crise de gouvernance au sein du lycée par un courriel formel adressé à l'AEFE le 15 octobre 2014, ne suffit pas à les remettre en cause. Par suite, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 novembre 2014 par laquelle la directrice de l'AEFE a refusé de faire droit à sa demande de protection fonctionnelle.
En ce qui concerne la décision de non- renouvellement de contrat :
6. Le titulaire d'un contrat à durée déterminée ne saurait se prévaloir d'un droit au renouvellement de ce contrat et l'administration peut toujours, pour des motifs tirés de l'intérêt du service ou pris en considération de la personne, qu'ils aient ou non un caractère disciplinaire, ne pas renouveler le contrat d'un agent public recruté pour une durée déterminée et, par là même, mettre fin aux fonctions de l'intéressé.
7. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que pour refuser de renouveler le contrat de l'intéressée, la directrice de l'AEFE, saisie d'une demande en ce sens de l'ambassadrice de France au Cameroun, s'est fondée sur les difficultés rencontrées par Mme B...à la rentrée 2014 et son comportement inadapté. Ces difficultés sont attestées par un rapport du proviseur en date du 8 septembre 2014, et confirmées par l'ambassadrice de France au Cameroun dans son courriel du 15 octobre 2014, pointant une crise de gouvernance au sein du lycée et faisant part de ses " fortes inquiétudes sur l'avenir immédiat de l'établissement ". Si la requérante allègue n'avoir rencontré aucune difficulté avec ses supérieurs hiérarchiques, antérieurement au conflit relationnel l'opposant au nouveau proviseur du lycée de Douala, en produisant notamment une lettre de recommandation du précédent proviseur de ce lycée, il ressort d'un courrier de ce dernier, produit par l'agence, dans lequel il s'explique sur le sens de cette lettre de recommandation, qu'il avait également rencontré des difficultés avec la requérante lorsqu'il était en poste au lycée français de Douala. Mme B...ne produit aucun élément probant de nature à remettre en cause ces éléments. Dans ces conditions, le non-renouvellement du contrat de l'intéressée est justifié par des motifs tirés de l'intérêt du service et la directrice de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, décider de ne pas renouveler ce contrat. Par suite, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 janvier 2015 par laquelle la directrice de l'AEFE a décidé de ne pas renouveler son contrat.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
8. Il résulte de ce qui précède que l'AEFE n'a commis aucune faute. Par suite, les conclusions indemnitaires de Mme B...ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par Mme B...au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B...et à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 décembre 2018.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'Europe et des affaires étrangères, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02827