Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2018 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant transfert aux autorités italiennes afin qu'elles prennent en charge l'instruction de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 1800295 du 25 janvier 2018, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet d'autoriser M. A... B...à solliciter l'asile en France.
Procédure devant la cour :
I. Par une première requête enregistrée le 14 février 2018 sous le n° 18NT00623, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée devant le tribunal par M. A...B....
Le préfet soutient que :
- le compte rendu de l'audience figurant dans le jugement ne démontre pas que M. C... se soit prévalu, comme l'a retenu le premier juge, de mauvais traitements et d'insuffisances dans son accueil en Italie. Le tribunal a donc fondé sa décision sur une erreur de fait.
- contrairement à ce qu'indique le jugement attaqué, il a bien contesté l'existence de problèmes rencontrés par le requérant à son entrée en Italie.
- sa décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu de l'absence de défaillances systémiques dans l'accueil et le traitement des demandeurs d'asile.
II. Par une deuxième requête enregistrée également le 14 février 2018 sous le n° 18NT00660, le préfet d'Ille-et-Vilaine a demandé à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 25 janvier 2018 mentionné plus haut.
Le préfet soutient que, compte tenu du caractère sérieux des moyens invoqués à l'appui de sa demande d'annulation du jugement en cause, il y a lieu pour la cour, en application des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lenoir a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...B..., ressortissant soudanais, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 2 septembre 2017 selon ses déclarations et a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié auprès de la préfecture d'Ille-et-Vilaine le 18 octobre 2017. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes avaient été relevées une première fois le 26 juillet 2017 en Italie. Le préfet d'Ille-et-Vilaine a alors saisi le 2 novembre 2017 les autorités de ce pays d'une demande de réadmission de l'intéressé sur le fondement de l'article 13-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Les autorités italiennes ont implicitement accepté de prendre en charge M. A...B.... Par un arrêté du 18 janvier 2018, le préfet d'Ille-et-Vilaine a prononcé la remise de M. A...B...aux autorités italiennes responsables de sa demande d'asile. Par jugement du 25 janvier 2018, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet d'autoriser M. C...à solliciter l'asile en France. Le 14 février 2018, le préfet d'Ille-et-Vilaine a, d'une part, demandé à la cour de prononcer l'annulation de ce jugement et a, d'autre part, demandé, qu'il soit sursis à son exécution.
Sur la jonction :
2. Les affaires n° 18NT00623 et n° 18NT00660 sont relatives à un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu dès lors de les joindre afin de statuer par un même arrêt.
Sur l'affaire n° 18NT00623 :
3. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable.". (...) 2. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, selon l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Enfin, la mise en oeuvre par les autorités françaises de l'article 17 doit être assurée à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, aux termes duquel : " les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif " ainsi qu'à la lumière des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales selon lequel : " Nul ne peut être soumis à la torture ni a des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
4. Il résulte de la combinaison de l'ensemble de ces textes que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe, dans le 1° de son article 3, qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1° de l'article 17 du règlement, laquelle procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre, notamment lorsqu'il estime que les conditions prévues par le 2° de l'article 3 du règlement sont remplies.
5. En l'espèce, M. A...B...a fait valoir, devant le juge de première instance, qu'il a subi des mauvais traitements en Italie, compte tenu de la prise forcée d'empreintes digitales à laquelle il a été soumis et des conditions inhumaines de son séjour, et qu'il existait, du fait de la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve l'Italie, confrontée à un afflux sans précédent de réfugiés, de très sérieux risques que sa demande d'asile ne soit pas effectivement examinée compte tenu de la saturation des capacités d'accueil des réfugiés et migrants. Toutefois, ces déclarations faites à l'audience, non appuyées par des éléments précis et concordants et formellement contestées par le préfet dans son mémoire en défense, ne suffisaient à établir ni l'existence de tels manquements ni que la demande d'asile de l'intéressé aurait été exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il ne ressort pas davantage du dossier que M. A...B...serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a estimé que son arrêté du 18 janvier 2018 portant remise de M. A...B...aux autorités italiennes aurait été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 18 janvier 2018 portant remise de M. A...B...aux autorités italiennes.
Sur l'affaire n°18NT00660 :
7. Compte tenu de ce qui précède, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions du préfet d'Ille-et-Vilaine tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1800295 du 25 janvier 2018 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Rennes.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1800295 du 25 janvier 2018 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande de M. A...B...tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 janvier 2018 du préfet d'Ille-et-Vilaine sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 18NT00660
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Copie en sera transmise au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 26 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 novembre 2018.
Le président-rapporteur,
H. LENOIRLe président assesseur
J. FRANCFORT
Le greffier,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 18NT00623, 18NT00660