Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... B...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la métropole Brest métropole (ci-après " Brest métropole ") à lui verser une somme de 8 415,73 euros au titre du paiement de l'allocation de retour à l'emploi ainsi qu'une somme de 80 000 euros au titre de la réparation des préjudices subis du fait du refus opposé par la collectivité à ses demandes de réintégration.
Par un jugement n° 1403339 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a condamné Brest Métropole à verser à Mme B... :
- au titre de l'article 1er de ce jugement, une indemnité correspondant à l'allocation de retour à l'emploi (ARE) qu'elle aurait dû percevoir au titre de la période du 1er octobre 2011 au 31 août 2013 ;
- au titre de l'article 2, une indemnité de 8 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, une indemnité de 8 000 euros au titre des troubles dans les conditions de l'existence et du préjudice moral, ainsi qu'une indemnité correspondant aux pertes de gains professionnels subis entre le 1er avril et le 31 août 2013, déduction faite de l'indemnité allouée le cas échéant pour la même période au titre de l'ARE en application de l'article 1er.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 février 2017 et 12 mars 2018, MmeB..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 1er décembre 2016 en tant que, par son article 2, il n'a fait que partiellement droit à ses demandes indemnitaires ;
2°) de condamner Brest métropole à lui verser la somme de 80 000 euros, soit 10 000 euros pour les troubles dans les conditions d'existence, 30 000 euros pour le préjudice de carrière, 30 000 euros pour la perte de gains professionnels et 10 000 euros de préjudice moral ;
3°) de mettre à la charge de Brest métropole le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en plus des fautes déjà alléguées par elle en première instance, Brest métropole a commis des faits de harcèlement moral et l'a contrainte à une démission forcée ;
- sur les troubles dans les conditions d'existence, elle a traversé des mois très difficiles en raison de la baisse importante de ses revenus ;
- sur le préjudice de carrière, elle a été contrainte d'abandonner une carrière prometteuse alors qu'elle remplissait les conditions statutaires pour obtenir une promotion et a toujours fait l'objet d'évaluations très positives et a du postuler sur un emploi dans l'éducation nationale qui ne la satisfait pas complètement ;
- la perte de gains professionnels est indéniable et doit être réévaluée en fonction des éléments qu'elle apporte ;
- les agissements de Brest métropole ont causé à Mme B...un préjudice moral très important par leurs répercussions sur sa vie personnelle et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2018, Brest métropole, représentée par le cabinet Coudray, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa responsabilité ne saurait être engagée sur les fondements du harcèlement moral et de la démission forcée ;
- les prétentions indemnitaires de Mme B...sont excessives.
Par ordonnance du 5 février 2018 la clôture d'instruction a été fixée au 12 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant MmeB..., et de MeC..., représentant Brest Métropole.
Une note en délibéré, présentée pour MmeB..., a été enregistrée le 26 octobre 2018.
Considérant ce qui suit :
Les faits :
1. Mme B..., assistante socio-éducative auprès de Brest métropole, a été placée en disponibilité pour convenances personnelles pour une durée de trois ans à compter du 9 avril 2011. Elle a toutefois sollicité par téléphone, dès le mois de juin 2011, sa réintégration dans les services de la métropole et a confirmé sa demande par deux courriers des 6 juillet et 12 août 2011, en souhaitant une reprise de fonctions au 1er octobre 2011. Le 30 septembre 2011 Mme B... a été informée qu'elle était maintenue en disponibilité en l'absence de poste vacant correspondant à son grade. Elle a alors demandé à la collectivité le versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi. En dépit de multiples relances, l'intéressée n'a reçu aucun versement et n'a pas davantage été réintégrée. Elle a présenté le 22 juillet 2013 sa démission, qui a été acceptée le 25 juillet 2013 pour prendre effet le 1er septembre 2013. Par jugement du 1er décembre 2016 le tribunal administratif de Rennes a condamné Brest métropole à verser à MmeB..., d'une part, les allocations de retour à l'emploi auxquelles elle avait droit en application de l'article L. 5422-1 du code du travail, et, d'autre part, diverses sommes en indemnisation des préjudices consécutifs au refus de son employeur de la réintégrer. Mme B...relève appel de ce jugement en tant que le tribunal administratif de Rennes n'a donné que partiellement satisfaction à ses demandes indemnitaires.
Sur le principe de la responsabilité :
2. Aux termes de l'article 72 de la loi du 26 janvier 1984 : " La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d'origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite.(...) Le fonctionnaire mis en disponibilité, soit d'office à l'expiration des congés institués par les 2°, 3° et 4° de l'article 57 de la présente loi, soit de droit, sur demande, pour raisons familiales, est réintégré à l'expiration de sa période de disponibilité dans les conditions prévues aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article 67 de la présente loi. Dans les autres cas, si la durée de la disponibilité n'a pas excédé trois années, une des trois premières vacances dans la collectivité ou l'établissement d'origine doit être proposée au fonctionnaire. ". Il résulte de ces dispositions qu'un fonctionnaire placé en disponibilité pour convenances personnelles sollicitant sa réintégration anticipée ne justifie pas d'un droit à être réintégré en surnombre en cas d'absence de vacance de poste correspondant à son grade, mais doit se voir proposer un des trois premiers postes vacants dans son grade, dans un délai raisonnable en fonction de l'évolution des effectifs de l'employeur et compte tenu de son grade.
3. Il est constant que Mme B... ne s'est vu proposer aucun poste vacant entre le 1er octobre 2011 et le 25 juillet 2013, date à laquelle la collectivité a accepté sa démission. Or il résulte de l'instruction qu'une première vacance d'emploi dans le grade des assistants socio-éducatifs au sein de Brest métropole a été déclarée le 15 décembre 2011 pour un poste à pourvoir au 1er janvier 2012. Par ailleurs la requérante produit un extrait des offres d'emploi publiées par Brest métropole, révélant que deux emplois destinés à un assistant socio-éducatif étaient à pourvoir au 1er avril 2013. La collectivité, qui ne conteste pas avoir omis de proposer l'un de ces trois postes à la requérante, n'apporte aucune explication concernant la situation des effectifs, susceptible de justifier l'absence de proposition de réintégration faite à l'intéressée avant sa démission au mois de juillet 2013.
4. Dans ces circonstances il y a lieu de considérer que l'absence de toute proposition de réintégration formulée à l'intéressée à la date du 1er avril 2013, date à laquelle trois postes avaient été déclarés vacants correspondant à son grade, révèle une faute de Brest métropole, de nature à engager la responsabilité de cette collectivité sur la période allant du 1er avril au 25 juillet 2013.
5. En revanche et dans la mesure où l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires définit le harcèlement moral comme le fait de faire subir à un agent des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail, la circonstance que Mme B...ne se soit pas vu, de manière irrégulière, proposer de réintégration, ne saurait caractériser une situation de harcèlement moral, dès lors que les agissements fautifs de l'administration ont été commis alors qu'elle n'était pas en service.
6. Par ailleurs si Mme B...soutient que les actions de Brest métropole l'ont amenée à donner sa démission sous la contrainte, il ne ressort pas de l'instruction que la requérante aurait fait l'objet de manoeuvres dolosives dans le but de la pousser à démissionner.
7. Il résulte de ce qui précède que la responsabilité de Brest métropole est seulement susceptible d'être engagée sur le fondement de la faute commise résultant de sa carence à réintégrer Mme B...dans un délai raisonnable sur un des trois premiers postes vacants correspondant à son grade.
Sur le préjudice :
En ce qui concerne la période de responsabilité :
8. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il convient de faire débuter la période de responsabilité de Brest métropole au 1er avril 2013, date à laquelle trois postes avaient été déclarés vacants dans son grade. Mme B...n'est donc pas fondée à demander que l'on tienne compte du préjudice subi à compter la date du 1er octobre 2011 à laquelle elle avait demandé sa réintégration.
En ce qui concerne la perte de gains professionnels :
9. La requérante, qui n'apporte en cause d'appel aucune argumentation ou justification nouvelles et ne critique pas le jugement attaqué sur ce point, ne démontre pas que les premiers juges se seraient mépris, au point 12 du jugement attaqué, en ordonnant la réparation des pertes de gains professionnels correspondant à la différence entre la rémunération que la requérante aurait perçue si elle avait été réintégrée, à l'exception des primes et indemnités liées à l'exercice effectif des fonctions, et la rémunération qu'elle a perçue pendant cette même période, qui s'élève, selon justificatifs fournis, à la somme de 10 841,66 euros, sous réserve le cas échéant de l'indemnité susceptible de lui être allouée au titre de l'ARE pour la même période.
En ce qui concerne le préjudice de carrière :
10. Il résulte de l'instruction et notamment des évaluations antérieures à son entrée à Brest métropole, versées au dossier par Mme B...pour les années 2003 à 2009, que le parcours de la requérante témoignait d'une implication dans son activité professionnelle et de sa volonté de progresser dans sa carrière pour parvenir à un niveau d'encadrement. Toutefois ces éléments ne sont pas suffisants pour justifier d'une perte sérieuse de chance d'accès au grade supérieur de conseiller territorial socio-éducatif, dès lors notamment que la requérante n'a exercé effectivement ses fonctions au sein de Brest métropole que pendant quatre mois et demi, dont une partie à temps partiel, et que la collectivité soutient sans être démentie qu'elle n'a pas recruté à ce grade de conseiller socio-éducatif.
11. Au surplus il résulte du rapprochement des bulletins de paie produits par Mme B...relativement à l'emploi de professeur contractuel qu'elle a exercé pendant sa période de mise en disponibilité que cette activité lui a procuré à compter du printemps 2013 un traitement afférent à l'indice 453, supérieur à celui relatif à l'indice 420 qu'elle percevait au jour de sa radiation.
12. Dans ces conditions Mme B...ne démontre pas que les premiers juges auraient fait une appréciation insuffisante de son préjudice de carrière en lui allouant 8 000 euros au titre de l'incidence professionnelle de la faute commise par Brest métropole.
En ce qui concerne les troubles dans les conditions de l'existence et le préjudice moral :
13. Il résulte de l'instruction que les fautes commises par Brest métropole du fait de l'absence persistante de versement à Mme B... des allocations auxquelles elle avait droit, et de l'absence de proposition de réintégration dans un délai raisonnable, ont entraîné pour l'intéressée des difficultés financières à l'origine de troubles dans les conditions d'existence, ainsi qu'un préjudice moral, lié aux répercussions de cette attitude sur la vie personnelle de l'intéressée. Il sera fait une plus juste appréciation de ce chef de préjudice en portant l'indemnisation correspondante à 12 000 euros au lieu des 8 000 euros retenus à ce titre par les premiers juges.
14. Il résulte de ce qui précède que Mme B...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a limité à 8 000 euros l'indemnisation accordée au titre de ses troubles dans les conditions d'existence et de son préjudice moral au lieu d'évaluer ce préjudice à une somme de 12 000 euros.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeB..., qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie principalement perdante, la somme que demande Mme B...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Brest Métropole le versement à Mme B...d'une somme de 1 500 euros au même titre.
DECIDE :
Article 1er : L'indemnité que Brest Métropole est condamnée à verser à Mme B...au titre des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral est fixée à 12 000 euros
Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Rennes du 1er décembre 2016 est réformé en ce qu'il est contraire à l'article 1er.
Article 3 : Il est mis à la charge de Brest métropole le versement à Mme B...d'une somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...et les conclusions d'appel de Brest métropole sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B...et à Brest métropole.
Délibéré après l'audience du 26 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 novembre 2018.
Le rapporteur,
J. FRANCFORTLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT00533