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15/11/2018 | FRANCE | N°17NT01336

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 15 novembre 2018, 17NT01336


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Delta Entreprise a demandé au tribunal administratif de Rennes la restitution des sommes de 102 778 euros et 63 470 euros correspondant aux crédits d'impôt recherche auxquels elle estime avoir droit au titre des exercices 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1401837 du 1er mars 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 avril et 17 mai 2017, la SA Delta Entreprise, rep

résentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Delta Entreprise a demandé au tribunal administratif de Rennes la restitution des sommes de 102 778 euros et 63 470 euros correspondant aux crédits d'impôt recherche auxquels elle estime avoir droit au titre des exercices 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1401837 du 1er mars 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 avril et 17 mai 2017, la SA Delta Entreprise, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la restitution des sommes de 102 778 euros et 63 470 euros ;

3°) subsidiairement de désigner un expert ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le projet consistant à mettre au point une combinaison de matériaux, équipements et solutions constructives, garantissant l'obtention du label BBC Effinergie avant l'entrée en application de la réglementation thermique RT 2012, vise à mettre au point des modèles de maisons virtuels et à réaliser des maisons répondant à des exigences de performances substantiellement améliorées, de façon standardisée et sans procéder à de nouvelles modélisations visuelles coûteuses ; elle souhaite garantir, de la conception à la remise des clefs, que les maisons qu'elle construit répondent aux exigences de la RT 2012 au jour de leur livraison et pendant leur occupation ; les problématiques sont nombreuses et portent sur l'étanchéité de l'air, les équipements énergétiques et l'isolation du bâti ; sur l'étanchéité de l'air, elle a atteint la valeur technique exigée malgré quelques dépassements ; sur les équipements, elle s'est orientée vers les solutions les plus satisfaisantes comme les chaudières à gaz et à condensation ou une pompe à chaleur air-eau selon la disponibilité du gaz de ville avec des planchers chauffants et une ventilation traitée ; sur l'isolation du bâti, le projet, qui a combiné de plusieurs façons les techniques de construction des murs en mettant en oeuvre des matériaux particuliers tels que la brique " monomur ", le béton cellulaire, un produit à base de pierre ponce et la mousse polyéthane ;

- elle a procédé à des tests en 2010 et 2011 sur ses chantiers, a mis en place une veille technologique et a élaboré une présélection des solutions techniques ;

- Le directeur technique, ayant participé aux projets, les dépenses de personnel le concernant sont éligibles ; le refus de prendre en compte ces dépenses est contraire au rescrit n° 2012/37 du 10 juillet 2012, repris par la doctrine BOI-BIC-RICI-10-10-20-20 n° 40.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SA Delta Entreprise ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la SA Delta Entreprise.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme (SA) Delta Entreprise, qui exerce notamment une activité de construction de maisons individuelles, relève appel du jugement du 1er mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant au bénéfice d'un crédit d'impôt recherche d'un montant de 102 778 euros au titre de l'exercice clos en 2010 et de 63 470 euros au titre de l'exercice clos en 2011.

2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales (...) imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) ". Aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III au même code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : / (...) c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté ". Il résulte de ces dispositions que ne peuvent être prises en compte pour le bénéfice du crédit d'impôt recherche que les dépenses exposées pour le développement ou l'amélioration substantielle de matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services, dont la conception ne pouvait être envisagée, eu égard à l'état des connaissances techniques à l'époque considérée, par un professionnel averti, par simple développement ou adaptation de ces techniques.

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si les opérations réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du crédit d'impôt recherche eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ces opérations, et, notamment, d'examiner si les opérations de développement expérimental en cause présentent un caractère de nouveauté au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts.

Sur les projets de recherche :

4. Le crédit d'impôt recherche de la SA Delta Entreprise porte sur la construction de maisons individuelles labellisées " Bâtiment Basse Consommation " répondant aux normes de performance énergétique de la réglementation thermique 2012, dite RT 2012, applicable aux constructions neuves à compter du 1er janvier 2013. Pour ce faire, la société a élaboré deux projets, l'un consistant à mettre au point une combinaison de matériaux, équipements et solutions constructives garantissant l'obtention du label avant l'entrée en application de la réglementation thermique RT 2012 et l'autre consistant à tester les matériels électriques dits " pieuvres " préfabriquées dans le but d'améliorer les performances techniques et économiques des maisons en cours de construction.

En ce qui concerne le projet consistant à mettre au point une combinaison de matériaux, équipements et solutions constructives garantissant l'obtention du label BBC Effinergie avant l'entrée en application de la réglementation thermique RT 2012 :

5. Il ressort de l'instruction que ce projet a consisté à résoudre les problématiques portant sur l'étanchéité à l'air, les équipements énergétiques et l'isolation du bâti.

6. D'une part, en matière de recherche d'étanchéité à l'air, la société requérante a résolu, sans que cette résolution présente un caractère innovant, les problèmes de traitement des entrées d'air hygroréglables par l'intégration des gaines aux coffres de volets roulants ou par la mise en oeuvre de joints intérieurs et extérieurs entre les menuiseries et la maçonnerie.

7. D'autre part, en matière d'équipements énergétiques, elle s'est orientée vers des solutions déjà existantes de modes de chauffage et de production d'eau chaude comme les chaudières à gaz et à condensation ou la pompe à chaleur air-eau, combinées à des planchers chauffants et accompagnées d'une ventilation traitée par un simple flux hygroréglable. Elle a également réalisé une étude sur un système de chauffe-eau solaire avec une relève à base de gaz séparé.

8. Enfin, en matière d'isolation du bâti, le projet, qui a combiné de plusieurs façons des techniques de construction des murs en mettant en oeuvre des matériaux peu utilisés tels que la brique dite " monomur ", le béton cellulaire, un produit à base de pierre ponce et la mousse polyéthane, résulte d'une simple utilisation optimale de techniques existantes en vue de respecter une norme technique imposée par la RT 2012.

9. Il résulte de ce qui précède qu'alors même qu'elle a procédé à des tests en 2010 et 2011 sur ses chantiers, a mis en place une veille technologique et a élaboré une présélection des solutions techniques pour garantir la construction de maisons devant recevoir le label BBC-Effinergie, le projet expérimental, dans ses trois composantes, résulte d'une simple utilisation de techniques existantes et ne présente pas un caractère de nouveauté. Dès lors, la SA Delta Entreprise n'est pas fondée à demander le bénéfice du crédit d'impôt recherche sur le fondement de l'article 244 quater B du code général des impôts.

En ce qui concerne le projet relatif à l'étude des incidences techniques dues à l'utilisation des réseaux électriques préfabriqués dits " en pieuvres " :

10. Le projet concerne l'étude des incidences de l'utilisation de réseaux électriques préfabriqués dits " en pieuvre " sur la durée des chantiers et la qualité des constructions. La société requérante a procédé à des tests sur des maisons en cours de construction, à la mise en oeuvre de pieuvres électriques, qui sont préfabriquées par des industriels, afin de prévoir une pose standardisée et résoudre les problèmes de mise en oeuvre. Ces tests ne relèvent pas d'une opération de développement expérimental mais d'une application des techniques et matériaux existants qui s'inscrit dans une démarche d'optimisation économique des chantiers et ne présente pas un caractère de nouveauté. Malgré la mise en place d'une veille technologique et l'élaboration d'une présélection des solutions techniques, la SA Delta Entreprise n'est pas davantage fondée à demander le bénéfice du crédit d'impôt recherche pour ce projet sur le fondement de l'article 244 quater B du code général des impôts.

Sur les dépenses de personnel :

11. Il résulte de ce qui précède aux points 9 et 10 du présent arrêt que le moyen tiré du caractère éligible des dépenses de personnel est inopérant tant au regard de l'application de la loi fiscale que sur le fondement de son interprétation administrative.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SA Delta Entreprise n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés à l'instance doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SA Delta Entreprise est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Delta Entreprise et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 25 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.

Le rapporteur,

J.-E. GeffrayLe président,

F. Bataille

Le greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT01336


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01336
Date de la décision : 15/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : SELARL MAUBANT SARRAZIN VIBERT (FISCALEX)

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-11-15;17nt01336 ?
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