Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 16 mars 2017 du préfet du Loiret lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 1702513 du 14 novembre 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 avril et 5 octobre 2018 M. A..., représenté par Me Duplantier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 14 novembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 mars 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, le tout dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Il soutient que :
- en ne saisissant pas la commission du titre de séjour, le préfet a entaché sa décision de titre de séjour d'un vice de procédure au regard des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- sa situation justifie la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 de ce code ;
- l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour prive de base légale la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 juin 2018, le préfet du Loiret, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coiffet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... relève appel du jugement du 14 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 mars 2017 du préfet du Loiret lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., ressortissant guinéen né en Côte-d'Ivoire, qui est entré en France en septembre 2013, a épousé, le 28 juin 2014, une ressortissante gabonaise qui était titulaire, à la date de l'arrêté contesté, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Son épouse, dont il n'est pas contesté qu'elle est entrée en France en 2004 pour bénéficier d'une prise en charge nécessitée par son handicap et rejoindre l'ensemble de sa famille, laquelle atteste avoir hébergé M. A... plusieurs mois avant son mariage, s'est vu délivrer par la suite un certificat de résidence de dix ans. Si M. A..., lui-même titulaire d'une carte d'invalidité assortie d'un taux d'incapacité de 80%, n'est pas dépourvu de toute attache en Côte-d'Ivoire, où résident notamment sa mère et son fils né en 1998, la situation du couple et notamment de l'épouse du requérant rend difficilement envisageable la reconstitution de leur cellule familiale dans l'un des pays dans lesquels l'intéressé ou son épouse serait admissible. La circonstance que M. A... relèverait, à la date de l'arrêté contesté du 16 mars 2017, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à sa situation. Dans ces conditions, le refus de titre de séjour opposé à M. A... par le préfet du Loiret a porté au droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et a, ainsi, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette illégalité rend illégale, par voie de conséquence, la mesure d'éloignement avec fixation du pays de renvoi dont ce refus a été assorti.
4. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Pour l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, il y a lieu, eu égard au motif de l'annulation prononcée par le présent arrêt, et sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, d'enjoindre au préfet du Loiret de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et ce, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat, le versement à Me Duplantier de la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1979 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
D E C I D E
Article 1er : Le jugement n° 1702513 du 14 novembre 2017 du tribunal administratif d'Orléans est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 16 mars 2017 du préfet du Loiret est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Loiret de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Duplantier, avocat de M. A..., la somme de 1 200 euros, dans les conditions fixées aux articles 37 de la loi du 10 juillet 1979 et 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par M. A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Le Bris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 novembre 2018.
Le rapporteur,
O. Coiffet
Le président,
I. Perrot
Le greffier,
M. D...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18NT014392