Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le centre hospitalier de l'agglomération montargoise (CHAM) a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la réduction des cotisations primitives de taxe sur les salaires à hauteur de 495 417 euros au titre de l'année 2013 et 528 291 euros au titre de l'année 2014.
Par un jugement no 1603287 du 13 juin 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2017, le CHAM, représenté par Me Goldstein, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette réduction ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier : d'une part, les premiers juges ont omis de répondre de manière suffisamment motivée au moyen tiré de ce que le centre hospitalier de l'agglomération Montargoise ne pouvait constituer des secteurs distincts d'activité ; d'autre part, les premiers juges ont omis de viser et de statuer sur le moyen tiré de ce qu'une activité se trouvant hors champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ne peut être assimilée à un secteur d'activité distinct en matière de taxe sur les salaires ;
- les conditions d'une sectorisation des activités du centre hospitalier de l'agglomération Montargoise ne sont pas réunies dès lors que les prestations proposées concourent toutes au traitement des patients et sont exercées par les mêmes moyens en matériels et personnels ; l'assiette de la taxe doit être calculée en multipliant la totalité des rémunérations des personnels du centre hospitalier par le rapport entre le chiffre d'affaires non passible de la taxe sur la valeur ajoutée, en excluant à compter du 1er janvier 2013 de ce numérateur l'activité des EHPAD, et le chiffre d'affaires total, soit un taux de 87 % et non celui de 97% retenu lors des déclarations ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut, à titre principal, à ce que soit rejetée la requête et, à titre subsidiaire, à ce que soit opérée une compensation avec l'impôt sur les sociétés dû au titre des années 2013 et 2014 au titre de l'activité lucrative des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.
Il fait valoir que les moyens invoqués par le CHAM ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chollet,
- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public,
- et les observations de Me Goldstein, avocat représentant le centre hospitalier de l'agglomération Montargoise.
Une note en délibéré présentée pour le centre hospitalier de l'agglomération Montargoise a été enregistrée le 15 octobre 2018.
Considérant ce qui suit :
1. Le centre hospitalier de l'agglomération Montargoise (CHAM) est un établissement public de santé qui exerce ses activités sur quatre sites, le premier groupant l'établissement hospitalier, une unité de soins de longue durée (USLD) " Les chemins fleuris " intégrée au corps de l'hôpital proprement dit et un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) " La clairière ", le deuxième l'EHPAD et l'USLD " La cerisaie ", le troisième concernant l'EHPAD " Au fil de l'eau " et le quatrième un institut de formation en soins infirmiers (IFSI).
2. Par deux réclamations du 21 décembre 2015, le CHAM a estimé que l'activité des EHPAD était assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée pour les années 2013 et 2014 et a demandé, en conséquence, un remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée du fait de la modification de la clé de répartition forfaitaire, appliquée pour le calcul de la taxe sur la valeur ajoutée déductible, qui passerait de 3 % à 12 % des recettes totales par l'exclusion du numérateur des nouvelles recettes ainsi taxables, d'autre part la modification du calcul de la taxe sur les salaires en tenant compte d'un rapport d'assujettissement de 87 % au lieu de 97 %.
3. Par décision du 3 août 2016, l'administration fiscale n'a pas fait droit à ses demandes aux motifs, d'une part, que le recours à cette nouvelle clé de répartition, qui constitue une dérogation au principe de l'affectation prévu par le 1 du I de l'article 271 du code général des impôts, pour déterminer le montant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible serait susceptible de porter atteinte aux intérêts du Trésor, en l'absence d'éléments probants suffisants permettant de déterminer si cette clé ne concourrait pas à accorder plus de taxe sur la valeur ajoutée déductible que si l'établissement public avait procédé à une affectation des biens ou à une sectorisation des activités, d'autre part, que le recours à un rapport général dans le calcul de l'assiette de la taxe sur les salaires ne peut être accepté soit parce qu'une sectorisation de l'activité d'EHPAD est possible soit parce qu'il convient d'affecter les personnels aux différentes activités exercées.
4. Après rejet de ses réclamations par décision du 3 août 2016, le CHAM a saisi le tribunal administratif d'Orléans, qui par jugement du 13 juin 2017, dont il relève appel, a rejeté sa demande tendant uniquement à la réduction des cotisations primitives de taxe sur les salaires à hauteur de 495 417 euros au titre de l'année 2013 et de 528 291 euros au titre de l'année 2014.
Sur la régularité du jugement :
5. Le CHAM soutient que les premiers juges ont omis de répondre, d'une part, au moyen tiré de ce qu'il ne pouvait constituer des secteurs distincts d'activités, et, d'autre part, au moyen tiré de ce qu'une activité se trouvant hors champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ne peut être assimilée à un secteur d'activité distinct au sens strict en matière de taxe sur les salaires. Toutefois, en répondant dans les points 5 et 6 du jugement que le CHAM n'établissait pas le caractère commun des locaux, des matériels et du personnel à l'ensemble de ses activités, les premiers juges ont écarté implicitement mais nécessairement ce moyen et cet argument. Le jugement répond ainsi à l'exigence de motivation posée par l'article L. 9 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé des impositions :
6. Aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts, les employeurs doivent payer une taxe sur les salaires " lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total (...) ". Aux termes du 1 de l'article 209 de l'annexe II du code général des impôts : " Les opérations situées hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et les opérations imposables doivent être comptabilisées dans des comptes distincts pour l'application du droit à déduction. / Il en va de même pour les secteurs d'activité qui ne sont pas soumis à des dispositions identiques au regard de la taxe sur la valeur ajoutée. / (...) ". L'activité d'une entité peut être répartie en secteurs distincts si les services de cette entité peuvent être utilisés indépendamment les uns des autres, s'ils comportent la mise en oeuvre de techniques et de moyens de production séparés et s'ils font l'objet d'une comptabilisation distincte. Lorsque les activités d'une entité sont, pour l'exercice de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, réparties en plusieurs secteurs distincts au sens de l'article 209 de l'annexe II au code général des impôts, les dispositions de l'article 231 de ce code doivent recevoir application à l'intérieur de chacun de ces secteurs, en sorte que l'assiette de la taxe sur les salaires soit, pour chacun d'eux, déterminée en appliquant au montant des rémunérations versées au personnel qui lui est spécialement affecté, le rapport qui lui est propre entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Seule la taxe sur les salaires afférente aux rémunérations des personnels qui seraient concurremment affectés à plusieurs secteurs doit être établie en appliquant à ces rémunérations le rapport existant, pour l'entité dans son ensemble, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total.
7. Le CHAM, personne morale de droit public, qui est en principe non assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, en l'absence de distorsion de concurrence, pour ses activités administrative, sociale et éducative, en vertu de l'article 256 B du code général des impôts, fait valoir que ses différentes prestations sont réalisées au sein de locaux communs, au moyen de personnels et de matériels mis en commun et soutient qu'en conséquence aucune sectorisation, ni au sein de l'établissement hospitalier dont les activités sont globalement hors champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ou au sein des EHPAD entrant globalement dans ce champ ni en conséquence au sein de l'ensemble de ses activités, n'était possible. A cet égard, il souligne que l'ensemble des rémunérations du personnel est passible de la taxe sur les salaires dès lors que le personnel de l'hôpital est fréquemment amené à réaliser des vacations pour les USLD ou les EHPAD en fonction de leurs besoins et qu'il n'est pas dressé de feuilles de paie distinctes pour chaque cas où un membre du personnel intervient concurremment pour des prestations soumises ou non à la taxe sur la valeur ajoutée. Il en conclut qu'il n'y a pas lieu d'affecter le personnel selon qu'il concoure ou non à la réalisation de prestations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, l'activité hors champ ne constituant pas, au surplus, en elle-même un secteur d'activité.
8. Le CHAM invoque, par sa demande rappelée au point 2 du présent arrêt, le droit de calculer rétroactivement la taxe sur les salaires avec un rapport d'assujettissement de 87 % au titre des années 2013 et 2014. Il lui appartient, en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve du caractère exagéré des impositions primitives calculées selon ses déclarations initiales. Le CHAM produit à cet effet des états de frais, des fiches de paye et des tableaux de synthèse. Toutefois, ces éléments ne permettent pas d'établir que les activités, notamment celles qui sont hors champ de la taxe sur la valeur ajoutée, comptabilisées distinctement pour l'application du droit à déduction de la taxe en application du 1 de l'article 209 de l'annexe II au code général des impôts, et qui constituent pourtant l'essentiel des activités de l'établissement hospitalier, des USLD et de l'IFSI selon ses propres déclarations, ne comportent pas la mise en oeuvre de personnels, de matériels et de locaux distincts. Il n'en justifie pas davantage dans une note en délibéré, par la production non commentée de ses comptes annuels établis pour l'exercice clos en 2014. Il ne justifie ainsi pas l'impossibilité de constituer des secteurs distincts à compter du 1er janvier 2013, date à partir de laquelle il a assujetti l'activité des EHPAD à la taxe sur la valeur ajoutée.
9. Le CHAM fait en outre valoir que les activités hors champ de la taxe sur la valeur ajoutée ne peuvent, sur le fondement de la loi, être érigées en secteur distinct et que l'administration ne peut à cet égard se prévaloir de ses propres instructions. Toutefois, si l'administration estime que la comptabilisation des opérations hors champ doit être " assimilée " à un secteur d'activité, elle a pu légalement refuser les dégrèvements sollicités par le CHAM au seul motif qu'il aurait pu et dû procéder à une sectorisation de ses activités dès lors qu'il n'établit pas que les prestations sont réalisées sur des sites communs, dans des locaux communs avec des personnels communs pour l'essentiel et des matériels communs aux différentes unités.
10. Il résulte de ce qui précède que le CHAM n'est pas fondé à soutenir que l'assiette de la taxe doit être calculée en multipliant la totalité des rémunérations par le rapport entre le chiffre d'affaires non passible de la taxe sur la valeur ajoutée, en excluant à compter du 1er janvier 2013 de ce numérateur l'activité des EHPAD, et le chiffre d'affaires total.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le CHAM n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du centre hospitalier de l'agglomération Montargoise est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de l'agglomération Montargoise et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 octobre 2018.
Le rapporteur,
L. CholletLe président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No17NT02275