Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, à titre principal, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 et 2010 et, à titre subsidiaire, des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1406581 du 2 décembre 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er février 2017, M. A...C..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration fiscale a, en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, omis d'indiquer la teneur des documents et informations qu'elle a obtenus de tiers et qu'elle a utilisés pour procéder aux rectifications ;
- l'administration fiscale n'a pas, en méconnaissance de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, indiqué les voies et délais de recours sur le procès-verbal de restitution ;
- les dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues dès lors que l'administration a conservé des copies des documents qu'elle avait saisis ;
- l'administration fiscale a mis en oeuvre une procédure d'examen de situation fiscale personnelle antérieurement à l'envoi de l'avis de vérification ;
- la représentation par Me Prigentn'étant pas justifiée par la production d'un mandat, il a été privé de la garantie de débat oral qui lui avait été offerte ; cette attitude est contraire au principe de loyauté ;
- l'absence d'application de la cascade, simple ou complète, par l'administration fiscale vicie la procédure d'imposition ;
- son foyer permanent d'habitation, au sens et pour l'application de l'article 2 paragraphe 4 de la convention internationale conclue entre la France et le Luxembourg, se situe au Luxembourg où il y a établi son lieu de séjour principal, ce qui fait obstacle à ce que l'administration l'assimile à un contribuable français domicilié en Francesur le fondement de l'article 4 B du code général des impôts.
Par un mémoire, enregistré le 6 juin 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- il a ordonné un dégrèvement de 4 158 euros à la suite de la décision n° 2016-610 QPC du 10 février 2017 du Conseil constitutionnel ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son article 55 ;
- la convention franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 modifiée ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Malingue,
- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'un examen de situation fiscale personnelle et du contrôle des établissements stables des sociétés IMTP Belgique et IMTP Luxembourg dont M. C...était l'exploitant, les bénéfices de ces deux sociétés ont été imposés en tant que revenus distribués entre les mains de ce dernier. Les impositions supplémentaires en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en résultant ont été mises en recouvrement, respectivement, les 30 avril 2013 et 30 juin 2013. Après le rejet de sa réclamation préalable par décision du 27 mai 2014, M. C...a sollicité auprès du tribunal administratif de Nantes la décharge de ces impositions. Il relève appel du jugement du 2 décembre 2016 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
Sur l'étendue du litige :
2. Par décision du 29 mars 2017, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration a prononcé un dégrèvement, s'élevant à la somme de 4 158 euros, en droits et pénalités, des contributions sociales dues au titre des années 2009 et 2010. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Dès lors, il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur le principe de l'imposition en France :
3. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut, par elle-même, directement servir de base légale à une imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
4. L'article 4 A du code général des impôts prévoit que : " Les personnes qui ont leur domicile fiscal en France sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française ". L'article 4 B du même code dispose que : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques (...) ".
5. Il n'est pas contesté que les prestations fournies par les sociétés IMTP Belgique et IMTP Luxembourg, dont M. C...était le gérant et l'unique salarié et dont l'activité portait sur la vente et l'entretien d'engins de chantier, étaient exécutées en France où se trouvait l'atelier de ce dernier. Dans ces conditions, M. C...doit être regardé comme ayant eu son domicile fiscal en France au cours des années 2009 et 2010 en application du b du 1 de l'article 4 B du code général des impôts.
En ce qui concerne l'application de la convention franco-luxembourgeoise :
6. L'article 2 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 stipule que : " (...) 4. Le domicile fiscal des personnes physiques est au lieu de la résidence normale entendue dans le sens de foyer permanent d'habitation ou, à défaut, au lieu du séjour principal (...) ".
7. M.C..., qui est divorcé et sans enfant à charge, considère que, même s'il dispose d'un lieu d'habitation à Saint Denis d'Anjou où il est propriétaire d'une maison, il a son domicile fiscal au Luxembourg dès lors qu'il habitait à Bascharage où il était locataire d'un logement. Toutefois, alors qu'il n'est pas contesté que M. C...exerçait une activité professionnelle en France, impliquant donc sa présence régulière sur le territoire français, aucune des pièces produites n'est de nature à justifier qu'il avait établi le lieu de son séjour principal au Luxembourg au sens des stipulations du 4 de l'article 2 de la convention franco-luxembourgeoise. Cette convention ne fait donc pas, en l'espèce, obstacle à l'application de la loi fiscale.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
8. En premier lieu, en vertu de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales l'administration fiscale est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir les rectifications. Il résulte de la proposition de rectification du 21 décembre 2012 que, pour établir les rectifications en litige, le vérificateur s'est fondé sur les procès-verbaux d'audition et de garde à vue des 19 septembre et 12 décembre 2011 de M.C..., qu'il avait obtenus dans le cadre de l'exercice de son droit de communication auprès du tribunal de grande instance du Mans et qu'il a joints en annexes ainsi que, s'agissant des éléments motivés par référence aux propositions de rectification concernant les sociétés IMTP Belgique et IMTP Luxembourg qui étaient également annexés, sur les factures communiquées par M. C...aux services de gendarmerie et qui faisaient l'objet d'une liste détaillée dans ces propositions de rectification. Par conséquent, M. C...n'est pas fondé à soutenir que la teneur des renseignements et documents obtenus de tiers ne lui a pas été communiquée en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.
9. En deuxième lieu, il n'appartient qu'au juge judiciaire d'apprécier la régularité des opérations de visite et de saisie effectuées sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales. Par conséquent, M.C..., qui n'établit ni même n'allègue avoir saisi le juge judiciaire d'une contestation relative à la régularité des opérations de visite et de saisie menées à la suite de l'autorisation délivrée par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance du Mans par ordonnance du 14 septembre 2011, ne peut soutenir devant le juge de l'impôt que les dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues dans la mesure où l'administration a conservé une copie des documents qu'elle avait saisis et où elle a omis de mentionner les délais et voies de recours sur le procès-verbal de restitution du 22 novembre 2011.
10. En troisième lieu, en vertu de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, un examen de situation fiscale personnelle ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Dès lors qu'aucune question sur la situation fiscale personnelle de M. C...ne lui a été posée avant l'avis de vérification qui lui a été présenté le 21 janvier 2012 et qu'aucun élément ne permet d'établir que, bien qu'elle disposât des éléments saisis dans le cadre de la visite effectuée le 15 septembre 2011, l'administration fiscale ait procédé, avant l'envoi de l'avis, à un rapprochement entre ses revenus et ses déclarations fiscales, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'examen de situation fiscale personnelle dont il a fait l'objet a débuté antérieurement à l'envoi de l'avis de vérification.
11. En quatrième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 4 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : " Nul ne peut, s'il n'est avocat, assister ou représenter les parties, postuler et plaider devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit, sous réserve des dispositions régissant les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et les avoués près les cours d'appel ". Aux termes de l'article 6 de la même loi : " Les avocats peuvent assister et représenter autrui devant les administrations publiques, sous réserve des dispositions légales et réglementaires ". Il résulte de ces dispositions que, sous réserve des dispositions législatives et réglementaires excluant l'application d'un tel principe dans les cas particuliers qu'elles déterminent, les avocats ont qualité pour représenter leurs clients devant les administrations publiques sans avoir à justifier du mandat qu'ils sont réputés avoir reçu de ces derniers dès lors qu'ils déclarent agir pour leur compte. Aucune disposition législative ou réglementaire applicable au déroulement de la procédure d'imposition ne subordonne la possibilité pour un avocat de représenter un contribuable à la justification du mandat qu'il a reçu. Par conséquent, M. C...n'est pas fondé à soutenir que, faute pour l'administration fiscale de produire le mandat de représentation qu'il avait donné à Me Prigentpour le représenter dans le cadre du contrôle, la procédure d'imposition est viciée.
12. En cinquième lieu, alors qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a fait application du mécanisme de la cascade simple, M. C...n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que l'absence de mise en oeuvre de ce mécanisme vicie la procédure d'imposition.
13. Enfin, dès lors qu'il est constant qu'aucune demande tendant au bénéfice du mécanisme de la cascade complète n'a été présentée par les sociétés IMTP Belgique et IMTP Luxembourg sur le fondement de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales, M. C...n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que l'absence de mise en oeuvre du mécanisme de la cascade complète vicie la procédure d'imposition dont il a fait l'objet.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Le surplus de sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit donc être rejeté.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. C...à hauteur, en droits et pénalités, de la somme de 4 158 euros au titre des contributions sociales pour les années 2009 et 2010.
Article 2 : Le surplus de la requête de M. C...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- Mme Malingue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 octobre 2018.
Le rapporteur,
F. MalingueLe président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT00410
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