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29/10/2018 | FRANCE | N°17NT00008

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 29 octobre 2018, 17NT00008


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1501785 du 14 décembre 2016, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 janvier 2017, MmeC..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'an

nuler ce jugement ;

2°) de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1501785 du 14 décembre 2016, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 janvier 2017, MmeC..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pas été informée, en méconnaissance de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, du montant des droits et pénalités restant à sa charge à la suite du dégrèvement total des impositions correspondant aux rémunérations des heures supplémentaires ;

- la décision de dégrèvement partiel ne mentionne à aucun moment qu'une nouvelle mise en recouvrement est effectuée au regard de la nouvelle imposition ;

- les propositions de rectification, réponse aux observations du contribuable et décision de rejet de sa réclamation sont insuffisamment motivées ;

- elle justifie, pour l'application des articles 208 du code civil et 156 du code général des impôts, de l'état de besoin de ses parents à hauteur du montant de la pension alimentaire qu'elle leur versait ;

- l'administration doit, pour l'application des article 208 du code civil et 156 du code général des impôts, apprécier in concreto le respect du principe de proportionnalité entre le montant de la pension, du besoin du bénéficiaire et des revenus du débiteur mais ne peut, sans violer la loi, ajouter une condition non prévue en appréciant l'état de besoin au regard du niveau de vie résultant du seul critère aléatoire du PIB par habitant au Maroc ;

- elle est fondée à se prévaloir des principes fondamentaux de sécurité juridique et de confiance légitime face au comportement inconstant et incohérent de l'administration fiscale qui a admis pendant vingt ans la déductibilité de sommes plus importantes et qui retient un montant de 7 000 euros largement inférieur au montant retenu en 1995, deux fois et demie inférieur à celui retenu à l'issue du contrôle effectué en 2007 et inférieur au montant de 11 000 euros retenu pour les années 2012 et 2013 ;

- les dégrèvements accordés au titre des années 2009 et 2010 interdisent à l'administration fiscale de rehausser postérieurement ces impositions ;

- l'administration fiscale ne pouvait légalement appliquer l'intérêt de retard prévu par les dispositions de l'article 1727 du code général des impôts dans la mesure où elle a procédé à la déclaration de l'intégralité de ses revenus et s'est acquittée de ses impôts dans les délais légaux ;

- la majoration de 10% prévue par les dispositions de l'article 1758 A du code général des impôts n'est pas justifiée dès lors que ses déclarations ne comportent aucune omission ni inexactitude ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- l'administration fiscale n'a jamais demandé de justificatifs des dépenses de ses parents.

Par un mémoire, enregistré le 24 mai 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision de rejet partiel et de la méconnaissance des principes de droit communautaire relatifs à la sécurité juridique et à la confiance légitime sont inopérants ;

- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Malingue,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a, par proposition de rectification du 21 novembre 2012, ramené à 7 000 euros le montant annuel des pensions alimentaires que Mme C...avait déduit de ses revenus imposables au titre des années 2009 à 2011 à hauteur, respectivement, de 16 800 euros, 17 500 euros et 20 000 euros. Après procédure contradictoire, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu résultant de cette rectification ont été mises en recouvrement le 31 janvier 2015. A la suite du rejet, par décision du 6 juillet 2015, de la réclamation préalable qu'elle avait présentée sur ce chef de rectification, Mme C...a sollicité auprès du tribunal administratif de Caen la décharge de ces impositions supplémentaires. Elle relève appel du jugement du 14 décembre 2016 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dispose que : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ".

3. La proposition de rectification du 21 novembre 2012 mentionne l'impôt et l'année d'imposition concernée, les articles du code civil et du code général des impôts applicables ainsi que les éléments de fait justifiant du montant de pension alimentaire retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu de MmeC.... Par suite, elle est motivée et a mis la requérante à même de formuler ses observations, ce qu'elle a d'ailleurs fait par courrier du 8 janvier 2013. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification doit être écarté.

4. L'administration respecte l'obligation de motivation prévue par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales lorsque, pour répondre aux observations du contribuable, elle donne les informations qui lui permettent de comprendre sa décision, quel que soit le bien-fondé de la position qu'elle prend. Dans sa réponse du 8 octobre 2014, l'administration fiscale a fait valoir que l'absence de rectification sur les contrôles menés précédemment ne constitue pas une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait et que, si le montant des versements de pensions alimentaires était bien justifié, les justificatifs sur la réalité des dépenses et des besoins du bénéficiaire en fonction du niveau de vie du pays considéré étaient absents malgré la demande du service des 31 août et 25 octobre 2012. Par ces éléments de réponse aux observations faites par MmeC..., l'administration fiscale explique clairement les raisons de l'absence de prise en compte de la totalité des sommes déduites par la requérante au titre de la pension alimentaire. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la réponse aux observations du contribuable doit être écarté.

5. En deuxième lieu, dès lors qu'il a été demandé, par courrier du 31 août 2012, à Mme C...de fournir des justificatifs des versements de la pension alimentaire et qu'au cours de la procédure contradictoire, la seule rectification dont il a été question, s'agissant des pensions alimentaires, portait sur l'importance des aliments, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que l'administration fiscale a entaché la procédure d'imposition d'irrégularité en s'abstenant de lui demander des justificatifs de dépenses de ses parents.

6. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales est sans influence sur la procédure d'imposition dès lors que Mme C...n'a fait l'objet ni d'un examen de situation fiscale personnelle ni d'une vérification de comptabilité, seules hypothèses dans lesquelles ces dispositions sont applicables.

7. En quatrième lieu, lorsque l'administration, saisie d'une réclamation en ce sens, prononce le dégrèvement d'une imposition, sa décision a pour effet d'annuler le titre fondant le paiement de cette imposition, que ce titre résulte d'un acte de l'administration ou, si les dispositions applicables le prévoient, d'une simple déclaration du redevable. Par décision du 6 juillet 2015, l'administration fiscale a fait droit à la réclamation de Mme C...dans sa partie relative à l'imposition des heures supplémentaires et rejeté la demande portant sur les pensions alimentaires. Elle a alors procédé au dégrèvement des redressements liés aux impositions des heures supplémentaires, ce qui a eu pour effet d'annuler, dans cette mesure, les impositions mises en recouvrement le 31 janvier 2015. Les impositions correspondant à la déductibilité partielle des pensions alimentaires étant maintenues, il n'y avait pas lieu de procéder à une nouvelle mise en recouvrement. Par conséquent, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait dû être informée, dans la décision de dégrèvement partiel, d'une mise en recouvrement à venir.

8. En dernier lieu, contrairement à ce que soutient MmeC..., les dégrèvements de 2 148 euros et 10 680 euros qu'elle a obtenus en 2010 et 2012 au titre des années 2009 et 2010, notamment pour la prise en compte de rachat de cotisations, ne faisaient pas obstacle à la rectification portant sur les pensions alimentaires dont elle a fait l'objet à la suite d'un contrôle sur pièces.

Sur le bien-fondé des impositions :

9. L'article 156 du code général des impôts prévoit que : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...) sous déduction : (...) II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : (...) 2° (...) pensions alimentaires répondant aux conditions fixées par les articles 205 à 211, 367 et 767 du code civil à l'exception de celles versées aux ascendants quand il est fait application des dispositions prévues aux 1 et 2 de l'article 199 sexdecies (...) ". L'article 205 du code civil dispose que : " Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin. ". L'article 208 du code civil prévoit que : " Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les doit. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, si les contribuables sont autorisés à déduire du montant total de leurs revenus, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu, les versements qu'ils font à leurs parents privés de ressources, il incombe à ceux qui ont pratiqué ou demandé à pratiquer une telle déduction de justifier, devant le juge de l'impôt, de l'importance des aliments dont le paiement a été rendu nécessaire par le défaut de ressources suffisantes de leurs ascendants.

10. Il ressort des termes de la proposition de la rectification qu'après avoir indiqué que, pour apprécier les ressources nécessaires pour vivre à l'étranger, l'administration fiscale a tenu compte du produit intérieur brut par habitant du pays dans lequel réside le bénéficiaire de la pension alimentaire, soit 4 165 euros s'agissant du Maroc, le vérificateur a retenu un montant de 7 000 euros au titre de la pension alimentaire versée à la mère de Mme C...pour les années 2009 à 2011. Ce faisant, contrairement à ce que soutient la requérante, il n'a pas ajouté une condition à la loi en assimilant mécaniquement le besoin en aliments à l'écart entre ce ratio et les ressources propres du bénéficiaire mais il a, en prenant en compte les éléments de la situation personnelle des parents de Mme C...et en se référant à ce ratio en tant qu'indicateur de niveau de vie figurant au nombre des éléments à prendre en compte pour la détermination du besoin en aliments, procédé à une analyse concrète de la situation, telle que prévue par les dispositions citées au point 9 du présent arrêt.

11. Il est constant que la mère de MmeC..., dont l'absence d'imposition aux taxes locales et l'absence de couverture sociale sont justifiées, se trouve dans un état de besoin de nature à justifier le paiement d'une pension alimentaire. Toutefois l'administration fiscale a estimé que les versements effectués par la requérante excédaient l'obligation alimentaire à laquelle elle était tenue compte tenu des besoins de ses parents. Or, en se bornant à soutenir qu'outre les dépenses de la vie courante, ces derniers souffrent de multiples pathologies nécessitant des prises en charge médicales et soins réguliers et onéreux sans produire d'autre justificatif que deux factures du 11 septembre 2015 de 1090,50 et 1500,10 dirhams, Mme C...ne démontre pas que les aliments dont le paiement a été rendu nécessaire par le défaut de ressources suffisantes de ses parents sont supérieurs à la somme annuelle de 7 000 euros admise par l'administration fiscale en déduction de son revenu global.

12. MmeC..., qui reconnaît en appel qu'elle ne peut se prévaloir de prises de position formelle invocables sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, n'est pas fondée à invoquer une méconnaissance par l'administration fiscale de principes généraux de droit communautaire à l'encontre de cotisations d'impôt sur le revenu uniquement régies par la loi fiscale interne.

Sur les pénalités :

13. Mme C...se borne à reprendre en appel, sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 1727 et 1758 A du code général des impôts. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit donc être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 octobre 2018.

Le rapporteur,

F. MalingueLe président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°17NT00008

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00008
Date de la décision : 29/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : BENBANI KHADIJA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-10-29;17nt00008 ?
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