La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/10/2018 | FRANCE | N°17NT01213

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 26 octobre 2018, 17NT01213


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière JEEO Cars a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2016 par lequel le maire de Jullouville lui a refusé la délivrance d'un permis de construire modificatif, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 26 janvier 2016.

Par un jugement n° 1600870 du 22 mars 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 18

avril et 18 décembre 2017 la Société civile immobilière JEEO Cars, représentée par MeB..., dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière JEEO Cars a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2016 par lequel le maire de Jullouville lui a refusé la délivrance d'un permis de construire modificatif, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 26 janvier 2016.

Par un jugement n° 1600870 du 22 mars 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 18 avril et 18 décembre 2017 la Société civile immobilière JEEO Cars, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 22 mars 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2016 par lequel le maire de Jullouville lui a refusé la délivrance d'un permis de construire modificatif ;

3°) d'annuler la décision du 26 janvier 2016 du maire de Jullouville ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Jullouville la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur de fait en estimant que deux motifs justifiaient la décision du maire de Jullouville ;

- les premiers juges ont procédé à une substitution de motifs qui n'avait pas été sollicitée par la collectivité ;

- les dispositions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme proscrivent toute substitution de motifs en cours d'instance ;

- le projet en cause pouvait être un simple projet modificatif compte tenu des modifications mineures en cause ;

Par un mémoire en défense enregistré le 16 octobre 2016, et un mémoire enregistré le 25 janvier 2018, la commune de Jullouville, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête pour les mêmes motifs que les premiers juges, à titre subsidiaire que soient substitués à la décision initiale deux nouveaux motifs tirés du caractère frauduleux de la demande de permis de construire et de la méconnaissance de l'article U12 du POS et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la SCI JEEO Cars au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Giraud,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., substituant MeB..., représentant la SCI Jeeo Cars, et les observations de MeC..., substituant MeD..., représentant la commune de Jullouville.

Une note en délibéré présentée pour la SCI Jeeo Cars aété enregistrée le 24 octobre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Jeeo Cars a présenté le 26 octobre 2015, auprès de la mairie de Jullouville (Manche), une demande de permis de construire modificatif pour transformer des garages privatifs en garages commerciaux, après avoir obtenu, par un permis de construire initial du 12 septembre 2014, l'autorisation de transformer la même surface, initialement à usage commercial, en garages à usage privatif. Par un arrêté du 15 janvier 2016, le maire de Jullouville a refusé de lui délivrer le permis modificatif demandé puis a rejeté implicitement le recours gracieux dirigé contre cet arrêté. La société relève appel du jugement du 22 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. L'arrêté contesté a refusé le permis modificatif sollicité au motif que " la présente demande porte sur le changement de destination de l'intégralité du garage privatif vers un usage commercial, que la demande initiale portait sur le changement de destination dudit garage alors à usage commercial vers un usage privatif ; la présente demande de modification annulerait le changement de destination accordé par l'arrêté initial et ne peut donc être considérée comme une modification mais nécessite une nouvelle demande ". Les premiers juges n'ont pas, contrairement à ce qui est allégué, procédé à une substitution de motifs d'office mais ont seulement confirmé le motif retenu par la commune selon lequel le changement de destination nécessitait un nouveau permis. Ainsi, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait irrégulier au motif que le tribunal aurait procédé d'office à une substitution de motifs doit être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme : " Sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires : (...) c) Les travaux ayant pour effet de modifier (...) la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s'accompagnent d'un changement de destination entre les différentes destinations définies à l'article R. 123-9. Il ressort des pièces du dossier que les changements, objet de la demande de permis de construire modificatif, ne peuvent être regardés, par leur nature ou leur ampleur, comme remettant en cause sa conception générale. A ce titre, la seule circonstance que ces modifications portent sur le changement de destination du bâtiment ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce qu'elles fassent l'objet d'un permis modificatif. Par suite, le motif justifiant la décision contestée est entaché d'illégalité.

4. Cependant, pour établir que la décision contestée était légale, le maire de Jullouville, dans son mémoire en défense communiqué à la SCI JEEO Cars, a soulevé un autre motif que ceux mentionnés dans sa décision du 15 janvier 2016, tiré de ce que la demande de permis de construire initial de la société requérante présentait un caractère frauduleux. Il ressort en effet des pièces du dossier, que le permis de construire en litige fait suite à un permis de construire initial délivré le 12 septembre 2014. Dans la demande de permis de construire initial, et notamment dans la courte description du projet joint, il était indiqué qu'il s'agissait de la " réhabilitation d'une construction existante pour y aménager un garage privatif avec espace de repli à l'étage " et que le projet consistait à transformer 150m2 de surface commerciale en surface d'habitation. La notice d'insertion faisait, ensuite, état de " la restructuration d'une partie d'un bâtiment de type commercial pour y aménager des garages privatifs (...) le projet consiste dans la restructuration d'une partie du bâtiment avec quelques modifications d'ouverture sur l'extérieur et la création d'une cour fermée côté est. Il est prévu l'aménagement de garages privatifs au RDC et d'un plancher béton à l'étage pouvant servir d'espace de repli en cas d'inondation centennale ". Ainsi la nature commerciale de l'activité envisagée dans le bâtiment objet du refus de permis de construire contesté a clairement été dissimulée par la SCI caractérisant ainsi une intention frauduleuse.

5. Il résulte de l'instruction que le maire aurait pris la même décision s'il s'était fondé seulement sur ce dernier motif. Il y a lieu, dès lors, de procéder à la substitution demandée sans que la société requérante puisse utilement se prévaloir de ce que l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme empêcherait l'autorité administrative de soulever en cours d'instance un autre motif que ceux figurant initialement dans sa décision.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI JEEO Cars n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Le présent arrêt, qui rejette la requête de la SCI JEEO Cars, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction de l'intéressé doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Jullouville, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la SCI JEEO Cars demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la SCI JEEO Cars, le versement à la commune de Jullouville de la somme de 1 500 euros que celle-ci demande au titre des frais de même nature qu'elle a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI JEEO Cars est rejetée.

Article 2 : La SCI JEEO Cars versera à la commune de Jullouville, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI JEEO Cars et à la commune de Jullouville.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018, où siégeaient :

- M. Perez, président de chambre,

- Mme Brisson, président-assesseur,

- M. Giraud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 octobre 2018.

Le rapporteur,

T. GIRAUDLe président,

A.PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT01213


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01213
Date de la décision : 26/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Thomas GIRAUD
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SELARL JURIADIS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-10-26;17nt01213 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award