Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...E...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 26 mars 2015 par laquelle la société Orange a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de faits survenus le 5 janvier 2015.
Par un jugement n° 1501538 du 16 mai 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 juillet et 20 septembre 2017, Mme C...E..., représentée par la société d'avocats Masse-Dessen-Thouvenin-Coudray, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 mai 2017 du tribunal administratif d'Orléans ;
2°) d'annuler la décision du 26 mars 2015 par laquelle la société Orange a refusé de reconnaître l'imputabilité au service d'un accident survenu le 5 janvier 2015 ;
3°) d'enjoindre à la société Orange de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la société Orange le versement à son profit de la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les moyens de légalité interne étaient irrecevables ; le jugement est en tout état de cause irrégulier dès lors que le tribunal n'a pas informé les parties de ce qu'il allait fonder sa décision sur un moyen relevé d'office ;
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- la société Orange s'est crue en situation de compétence liée au regard de l'avis de la commission de réforme ;
- la procédure suivie devant la commission de réforme est irrégulière dès lors qu'aucun médecin spécialiste n'était présent lors de l'examen de sa situation ; en outre, l'obligation d'impartialité de l'un des membres a été méconnue ;
- c'est à tort que le tribunal a refusé de qualifier son accident d'accident de service.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2018, la société Orange, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme E...la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
Par lettre du 25 juin 2018, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des moyens d'appel fondés sur la légalité externe de la décision contestée en tant qu'ils constituent une demande nouvelle en appel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bouchardon, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public ;
- et les observations de MmeE....
Une note en délibéré, enregistrée le 5 juillet 2018, a été déposée pour MmeE....
1. Considérant que MmeE..., fonctionnaire de la société Orange exerçant les fonctions d'assistante sociale, relève appel du jugement du 16 mai 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande, tendant à l'annulation de la décision du 26 mars 2015 par laquelle la société Orange a refusé de reconnaître l'imputabilité au service d'un accident survenu le 5 janvier 2015 suite à un entretien téléphonique avec son supérieur ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant, en premier lieu, que si dans sa demande devant le tribunal administratif d'Orléans, Mme E...a fait remarquer " il est à noter qu'Orange n'a pas estimé utile d'informer le médecin du travail de [son] état de stress traumatique, ni immédiatement, ni pour conseil, ni pour avis sur l'imputabilité ", ces développements ne sauraient s'analyser comme un moyen de légalité externe tendant à reconnaître l'irrégularité de la procédure suivie par son employeur, sur lequel le tribunal aurait omis de se prononcer dans son jugement au demeurant suffisamment motivé ;
3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué (...) " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que, dans sa demande devant le tribunal administratif d'Orléans datée du 27 avril 2015, Mme E...n'avait soulevé à l'encontre de la décision du 26 mars 2015 que des moyens de légalité interne ; que ce n'est que dans son mémoire en réplique, enregistré au greffe du tribunal le 22 avril 2017, soit après inscription de l'affaire au rôle de l'audience du 2 mai 2017, qu'elle a soulevé deux moyens tenant à la légalité externe de la décision et procédant par suite d'une cause juridique distincte de ceux invoqués dans le délai de recours contentieux ; que, dans ces conditions, en relevant d'office un tel moyen d'ordre public, sans avoir procédé à sa communication, les premiers juges n'ont pas commis d'irrégularité ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, serait entaché d'irrégularité ;
Sur la recevabilité des moyens d'appel :
6. Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit Mme E...n'a soulevé devant le tribunal administratif d'Orléans que des moyens tirés de l'illégalité interne de la décision en litige ; que si, devant la cour, elle soutient en outre que la décision qu'elle conteste serait insuffisamment motivée et aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière, de tels moyens, fondés sur une cause juridique distincte, constituent devant la cour une demande nouvelle, irrecevable en appel ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
7. Considérant, en premier lieu, que si Mme E...soutient que la décision contestée est illégale dès lors que son signataire n'est autre que la personne avec laquelle elle a eu le différend à l'origine de sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service, elle n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations visant à établir que le principe d'impartialité aurait été méconnu, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A...D..., directeur des ressources humaines de la direction Normandie Centre d'Orange, aurait manifesté une animosité particulière à son égard ; que ce moyen doit être écarté ;
8. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 35. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident " ;
9. Considérant qu'un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet accident du service, le caractère d'un accident de service ; qu'il appartient au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce ;
10. Considérant que si Mme E...produit, d'une part, un certificat médical daté du 13 janvier 2015 du docteur Aurfrère, médecin généraliste, qui fait état de ce que l'arrêt de travail prescrit jusqu'au 4 février suivant trouve son origine dans une " souffrance au travail " et, d'autre part, le témoignage d'une stagiaire, alors encadrée par MmeE..., qui relate que le 5 janvier 2015, date de l'accident allégué, la requérante était en pleurs après une conversation téléphonique avec son supérieur, ces éléments ne sont pas assortis de précisions suffisantes permettant de tenir pour établi que la pathologie psychiatrique dont elle allègue souffrir depuis le 5 janvier 2015 suite à un entretien téléphonique houleux avec un supérieur, serait en lien avec un événement excédant le cadre de relations hiérarchiques normales, et serait ainsi imputable à la dégradation brutale de son contexte professionnel ; que la preuve de l'imputabilité au service de l'accident dont elle se prévaut ne peut dès lors être regardée comme établie ; que l'administration a pu en conséquence, suivant l'avis de la commission de réforme du 12 mars 2015 et sans qu'il apparaisse qu'elle s'y croyait tenue, refuser de reconnaître l'imputabilité au service de l'état de santé de Mme E...sans commettre ni erreur de fait, ni erreur d'appréciation ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
12. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision contestée, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Orange, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par Mme E...et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme E...une somme de 500 euros au titre des frais exposés par la société Orange et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.
Article 2 : Mme E...versera à la société Orange une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...E...et à la société Orange.
Délibéré après l'audience du 29 juin 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- M. Pons, premier conseiller,
- M. Bouchardon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 juillet 2018.
Le rapporteur,
L. BOUCHARDONLe président,
J. FRANCFORT
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02199