Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 31 août 2015 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé son licenciement.
Par un jugement n° 1501798 du 21 février 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 avril 2017 et 8 mai 2018, Mme B...C..., représentée par le cabinet d'avocats Athon-Perez, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 21 février 2017 du tribunal administratif de Caen ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 août 2015 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé son licenciement ;
3°) d'enjoindre au ministre de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de la somme de 2 000 euros au titre des frais engagés en première instance et de la somme de 2 000 euros au titre des frais engagés en cause d'appel.
Elle soutient que :
- le jugement devra être annulé pour irrégularité, en l'absence de signature ;
- sur le fond, l'arrêté du 31 août 2015 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 92-1189 du 6 novembre 1992 relatif au statut particulier des professeurs de lycée professionnel ;
- l'arrêté du 12 mai 2010 fixant les modalités d'évaluation et de titularisation des professeurs des écoles stagiaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bouchardon ;
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public ;
- et les observations de Me Mandin, avocate de MmeC....
1. Considérant que Mme C...a été admise à la session 2012 du concours externe de recrutement pour l'accès au corps des professeurs de lycée professionnel dans la section " économie et gestion ", option " comptabilité et gestion " et a été nommée professeur stagiaire à compter du 1er septembre 2012 dans l'académie de Caen ; qu'à l'issue de cette année de stage, elle s'est vu refuser, par délibération du jury académique d'évaluation et de titularisation des professeurs de lycées professionnels stagiaires de l'enseignement public, le bénéfice du certificat d'aptitude au professorat de lycée professionnel ; que le recteur de l'académie de Caen l'a toutefois autorisée à effectuer une seconde année de stage, à l'issue de laquelle, le 15 juin 2015, le jury académique a émis un avis défavorable à sa titularisation ; que, par un arrêté du 31 août 2015, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé en conséquence son licenciement ; que Mme C...relève appel du jugement du 21 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision de licenciement ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la minute du jugement attaqué est, conformément aux dispositions précitées, signée du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier de l'audience qui s'est tenue le 26 janvier 2017 ; que la circonstance que l'expédition du jugement notifiée à Mme C...ne comporte pas ces signatures est sans incidence ; que, dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité dans la forme du jugement doit être écarté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 10 du décret du 6 novembre 1992 susvisé, dans sa version applicable à la date de la décision contestée : " Les candidats reçus aux concours prévus à l'article 4 et remplissant les conditions de nomination dans le corps sont nommés fonctionnaires stagiaires et affectés pour la durée du stage dans une académie par le ministre chargé de l'éducation. Les prolongations éventuelles du stage sont prononcées par le recteur de l'académie dans le ressort de laquelle le stage est effectué. Le stage a une durée d'un an. Au cours de leur stage, les professeurs stagiaires bénéficient d'une formation organisée, dans le cadre des orientations définies par l'Etat, par un établissement d'enseignement supérieur, visant l'acquisition des compétences nécessaires à l'exercice du métier (...). Elle est accompagnée d'un tutorat (...). A l'issue du stage, la titularisation est prononcée par le recteur de l'académie dans le ressort de laquelle le stage est accompli, sur proposition du jury. La titularisation confère le certificat d'aptitude au professorat de lycée professionnel. Le recteur de l'académie dans le ressort de laquelle le stage a été effectué peut autoriser l'accomplissement d'une seconde année de stage. A l'issue de cette période, l'intéressé est soit titularisé par le recteur de l'académie dans le ressort de laquelle il a effectué cette seconde année, soit licencié, soit réintégré dans son grade d'origine ou dans son corps, cadre d'emplois ou emploi d'origine (...) " ;
5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 12 mai 2010 susvisé : " Un jury académique nommé par le recteur est constitué par corps d'accès (...) " ; et qu'aux termes de l'article 5 du même arrêté : " Après délibération, le jury établit la liste des fonctionnaires stagiaires qu'il estime aptes à être titularisés (...). Les stagiaires qui n'ont pas été jugés aptes à être titularisés à l'issue de la première année de stage et qui accomplissent une deuxième année de stage subissent obligatoirement une inspection. " ;
6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le jury académique se prononce à l'issue d'une période de formation et de stage ; que, s'agissant non d'un concours ou d'un examen mais d'une procédure tendant à l'appréciation de la manière de servir qui doit être faite en fin de stage, cette appréciation peut être censurée par le juge de l'excès de pouvoir en cas d'erreur manifeste ;
7. Considérant, en premier lieu, que Mme C...soutient que c'est à tort que le jury n'a pas pris en compte la circonstance que, durant son année de stage, elle a été amenée à dispenser une matière pour laquelle elle n'avait pas reçu une formation adéquate ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que la matière " communication ", dont elle a eu à assurer l'enseignement durant cette année scolaire 2014/2015, s'inscrivait non dans une perspective de communication au sens large, mais dans celle applicable à la gestion au quotidien de l'entreprise (règles et enjeux de la communication téléphonique, rédaction de courriels dans le cadre de la découverte de l'environnement technologique d'une entreprise, archivage des données notamment), voire dans la perspective d'une aide aux élèves dans leur recherche de stage ; que, par ailleurs, la circonstance que son tuteur, dans son rapport du 15 mai 2015, fasse état de ce qu'elle " ne maitrise pas toute la discipline mais y travaille " n'est pas de nature à révéler que Mme C...aurait été évaluée sur la base de l'enseignement de cette seule matière ; qu'en tout état de cause, il ressort des termes des évaluations produites au dossier que les séquences d'enseignement qui ont donné lieu à ces évaluations ne portaient pas spécifiquement sur la matière " communication " ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que si Mme A...fait valoir qu'elle a accompli son année de stage dans des conditions difficiles au sein du lycée d'Alençon, en raison d'une part d'un climat hostile au regard de ses origines antillaises et d'autre part de l'éloignement entre l'établissement et son domicile et sa famille proche, de telles circonstances ne sont pas, en elles-mêmes, de nature à établir le caractère infondé des avis portés sur son aptitude professionnelle ; qu'ainsi, dès lors que ces circonstances ne permettent pas d'établir qu'elle n'aurait pas été mise en mesure de faire la preuve de ses aptitudes, Mme C...ne saurait sérieusement arguer du fait qu'elle n'aurait pas bénéficié de conditions d'exercice favorables durant son stage ;
9. Considérant, en troisième lieu, que les appréciations portées sur les aptitudes de la requérante pendant ses années accomplies en tant que de professeur contractuelle antérieurement à son stage sont sans incidence, dès lors que l'appréciation portée par l'autorité compétente sur l'aptitude à exercer les fonctions et sur la manière de servir ne se rapporte qu'au stage effectué par le candidat admis au concours de recrutement ; que Mme C...ne saurait davantage utilement se prévaloir des appréciations portées tant par son chef d'établissement que par son tuteur à l'occasion de sa première année de stage ;
10. Considérant, en dernier lieu, que l'avis du 3 mai 2015 du chef d'établissement au sein duquel était affectée la requérante durant son année de stage fait état de ce que, si Mme C..." travaille beaucoup ", plusieurs difficultés " font penser qu'il n'est pas souhaitable de la laisser enseigner ", s'agissant de son positionnement dans la classe (autorité, bienveillance) et de ses difficultés " à analyser sa pratique et à se positionner pédagogiquement en donnant du sens à ses activités " ; que, suite à sa visite du 5 mai 2015, l'inspecteur de l'éducation nationale souligne pour sa part, en émettant un avis défavorable à la titularisation de l'intéressée, que si Mme C..." montre une réelle volonté de bien faire et d'appliquer les conseils de sa tutrice ", " les enseignements [qu'elle dispense] ne sont pas conformes aux textes officiels / ne sont pas adaptés aux besoins et rythmes d'apprentissage de tous les élèves " et que l'enseignante " éprouve des difficultés à appliquer avec discernement le règlement intérieur / à tirer parti des apports de ses recherches pour les exploiter dans sa pratique quotidienne / à remettre son enseignement et ses méthodes en question " ; que ces carences, relevées au cours de la seconde année de stage, ont été corroborées par le jury académique qui a estimé, d'une part, que Mme C...n'était pas apparue en mesure de progresser durant son année de stage, se montrant incapable de prendre en compte l'intérêt des élèves, de respecter le règlement intérieur de l'établissement, de respecter les référentiels de formation, plus globalement de concevoir et de mettre en oeuvre son enseignement, et, d'autre part, que lors de l'entretien, elle " n'a pas adopté une position d'écoute et se montre dans l'incapacité d'analyser ses pratiques professionnelles " ; qu'ainsi, eu égard à l'ensemble des évaluations des compétences de Mme C...durant son année de stage, la délibération du jury académique du 15 juin 2015 refusant de lui délivrer le certificat d'aptitude professionnelle au professorat de lycée professionnel, laquelle n'apparaît pas comme révélant une contradiction vis-à-vis des progrès reconnus à l'intéressée par les professionnels qui l'ont évaluée, n'est pas fondée sur une appréciation manifestement erronée de son aptitude professionnelle et de sa manière de servir ; que, par suite, à supposer que Mme C...ait entendu se prévaloir, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision du jury, un tel moyen doit être écarté ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme C...ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
Sur frais liés au litige :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme que Mme C...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, tant devant la cour, qu'en première instance ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et au ministre de l'éducation nationale.
Délibéré après l'audience du 29 juin 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- M. Pons, premier conseiller,
- M. Bouchardon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 juillet 2018.
Le rapporteur,
L. BOUCHARDONLe président,
J. FRANCFORT
La greffière,
E. HAUBOIS La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT01269