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02/07/2018 | FRANCE | N°17NT01738

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 02 juillet 2018, 17NT01738


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner l'Ecole Nationale Vétérinaire d'Alfort (ENVA) à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait du harcèlement moral et du licenciement abusif dont il a fait l'objet.

Par un jugement n°1600034 du 30 mars 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 juin 2017, M.C..., repré

senté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner l'Ecole Nationale Vétérinaire d'Alfort (ENVA) à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait du harcèlement moral et du licenciement abusif dont il a fait l'objet.

Par un jugement n°1600034 du 30 mars 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 juin 2017, M.C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 30 mars 2017 ;

2°) de condamner l'ENVA à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait du harcèlement moral et du licenciement abusif dont il a fait l'objet ;

3°) de mettre à la charge de l'ENVA la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la responsabilité pour faute de l'ENVA est engagée pour harcèlement moral, lequel est constitué par la dégradation de ses conditions de travail, par des actes de pression et d'humiliation de la part de son supérieur hiérarchique, le refus de classement dans le corps des ingénieurs d'études et le retrait de responsabilités ;

- l'absence de reconnaissance de son investissement et de sa valeur professionnelle et les agissements harcelants de la direction de l'école, l'ont conduit à être hospitalisé, pour un syndrome d'épuisement professionnel ;

- le harcèlement moral qu'il a subi est constitutif d'un préjudice moral pouvant être évalué à la somme de 50 000 euros ;

- son licenciement pour inaptitude est lié au harcèlement moral dont il a fait l'objet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2018, le directeur de l'ENVA conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons,

- les conclusions de M. François Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C...a été recruté par l'ENVA en qualité d'ingénieur informatique sous contrat à durée déterminée du 1er octobre 2001 au 30 septembre 2007, puis en qualité d'ingénieur informatique - responsable administratif, par un contrat à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2007. Après avoir été placé en arrêt de travail pour maladie de décembre 2011 jusqu'au 16 mars 2012, puis du 18 septembre 2012 au 20 janvier 2013, M. C..., qui était affecté au centre d'imageries et de recherches sur les affections locomotrices équines (CIRALE) à Dozulé, a été licencié, le 1er avril 2013, pour inaptitude physique. Il a adressé, le 7 janvier 2014, à l'ENVA une réclamation préalable tendant à obtenir une indemnisation pour des faits de harcèlement moral qu'il allègue avoir subis, en raison du licenciement abusif dont il aurait fait l'objet ainsi que pour des pertes de rémunération. Par décision implicite, le directeur de l'ENVA a rejeté le recours indemnitaire préalable formé par le requérant à l'encontre de cette décision. Par sa présente requête, M. C...relève appel du jugement du 30 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'ENVA à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait du harcèlement moral et du licenciement en lien avec ce harcèlement dont il aurait fait l'objet.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

En ce qui concerne le harcèlement moral :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 visée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) ". Pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.

3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. M. C...fait valoir qu'il a été victime d'un harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique, le directeur du CIRALE, consistant en des insultes, reproches et humiliations mais également en une modification de ses fonctions et responsabilités administratives et un refus de reclassement dans le corps des ingénieurs d'études. Il produit à l'appui de ses allégations des certificats médicaux attestant d'un état dépressif depuis 2009, la synthèse d'un audit social conduit en 2008 ainsi que des attestations d'anciens collègues. Toutefois, ces différents éléments, s'ils font état d'un comportement inadapté du directeur et révèlent un climat dégradé au sein du centre d'imageries à l'occasion, notamment, de réunions de service, ne suffisent pas pour faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. En effet, il ressort des attestations produites que le comportement verbal agressif du directeur du CIRALE pouvait concerner l'ensemble des personnels du centre, et notamment des personnels administratifs, des étudiants ou des vétérinaires, étant ainsi sans lien avec la personne du requérant. Il ne résulte pas davantage de l'instruction, et notamment des certificats médicaux produits faisant état de difficultés professionnelles, que l'état dépressif du requérant depuis 2006 soit lié à des faits de harcèlement commis à son encontre. S'agissant de la modification de la fiche de poste alléguée, aucun élément ne permet d'affirmer que cette modification excèderait les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Enfin, si M. C... fait valoir une absence de reconnaissance professionnelle, il résulte de l'instruction que le directeur du CIRALE a constamment émis des avis favorables aux demandes d'avancement et de reclassement formulées par le requérant, ainsi que pour d'autres agents du centre. Le requérant a en outre bénéficié de six augmentations de sa rémunération avec des changements de fonctions depuis son recrutement le 1er octobre 2001.

En ce qui concerne le licenciement pour inaptitude physique :

5. Il résulte de l'instruction que M. C...a été placé en congé maladie du 18 septembre 2012 au 20 janvier 2013. A l'issue de ce congé, le requérant a été examiné dans le cadre d'une visite dite de " pré-reprise " le 9 janvier 2013, puis d'une visite de reprise le 21 janvier 2013. A l'issue de la visite de " pré-reprise " du 9 janvier 2013, le médecin a estimé que le requérant présentait " un état de santé qui contre-indique une reprise à son poste d'informaticien et ne permet de faire des propositions de poste ou de tâches au CIRALE ". Cet avis a été confirmé le 21 janvier 2013 après la visite de reprise, le médecin précisant que M. C... ne présentait pas de contre-indication médicale au poste d'informaticien responsable administratif dans tout autre établissement de l'Ecole Vétérinaire. Suite à ces avis, l'employeur n'a pas été en mesure de reclasser le requérant sur l'un de ses deux autres sites situés à Maisons-Alfort (Val-de-Marne) et à Champignelles (Yonne), pour des motifs liés à la charge de travail des services informatiques et à la situation financière de l'Ecole. L'intéressé a alors été convoqué à un entretien préalable au cours duquel il n'est pas contesté qu'il a fait savoir qu'il n'accepterait pas de poste sur l'un des deux autres sites de l'établissement, notamment au regard de sa situation familiale. La commission consultative paritaire, qui s'est réunie le 15 mars 2013, a prononcé à l'unanimité un avis favorable au licenciement de M.C.... Il ne résulte pas de l'instruction, ainsi qu'il a été dit précédemment, que l'inaptitude physique de M. C...serait la conséquence d'un harcèlement moral dont il aurait été victime.

6. Il résulte de ce qui précède que l'administration n'a commis aucune faute. Par suite, M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'ENVA, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. C...au titre des frais liés au litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C...la somme réclamée par l'ENVA au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'ENVA sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et à l'Ecole Nationale Vétérinaire d'Alfort.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Pons, premier conseiller.

- M. Bouchardon, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 2 juillet 2018.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

J. FRANCFORT

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, en ce qui le concerne, et à tous huissiers à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°17NT01738


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01738
Date de la décision : 02/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CABINET CHANUT

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-07-02;17nt01738 ?
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