Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E...D...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 6 octobre 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 9 avril 2015 portant refus d'autorisation de son licenciement pour motif disciplinaire et a autorisé la SARL Résidence Les Patureaux à procéder à cette mesure.
Par un jugement n°1504121 du 30 mars 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 mai 2017 et 19 septembre 2017, Mme E...D..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 30 mars 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 6 octobre 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 9 avril 2015 portant refus d'autorisation de son licenciement pour motif disciplinaire et a autorisé son licenciement ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SARL Résidence Les Patureaux la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu à son argument tiré de ce que les reproches qui ont été formulés à son égard sont tous postérieurs à son élection en qualité de représentante du personnel ;
- la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie ; le doute aurait dû lui profiter ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- son licenciement s'inscrit dans un contexte de relations tendues entre la direction de l'EHPAD et son époux, dont la mère était l'une des résidentes ;
- il existe un lien entre son mandat et son licenciement.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 juillet 2017 et 9 janvier 2018, la SARL Résidence Les Patureaux, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que Mme D...lui verse la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
La requête a été communiquée au ministre du travail, lequel n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bouchardon,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de Me D'Huart, avocat de la SARL Résidence Les Patureaux.
1. Considérant que MmeD..., employée en qualité d'aide soignante depuis le 17 janvier 2011 au sein d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) géré par la SARL Résidence Les Patureaux, y exerçait les fonctions de déléguée du personnel ; que, le 17 février 2015, son employeur a sollicité auprès de l'inspecteur du travail l'autorisation de la licencier pour faute, lui reprochant d'avoir volontairement frappé un résident ; que, par une décision du 9 avril 2015, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement sollicité, considérant que la matérialité des faits n'était pas établie ; que la SARL Résidence Les Patureaux a formé un recours hiérarchique à l'encontre de cette décision ; que, par décision du 6 octobre 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspecteur du travail et accordé l'autorisation de licencier MmeD... ; que la requérante relève appel du jugement du 30 mars 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tenant à l'annulation de cette décision ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, dans sa version applicable à la date de la décision contestée : " (...) A défaut d'accord, le juge, à qui il appartient d'apprécier (...) le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. (...) Si un doute subsiste, il profite au salarié " ;
En ce qui concerne la matérialité et la gravité des faits :
3. Considérant qu'il est reproché à MmeD... d'avoir, le 31 janvier 2015, asséné un coup à un résident de l'EHPAD souffrant de la maladie d'Alzheimer à un stade avancé ;
4. Considérant que, pour accorder l'autorisation sollicitée, le ministre du travail s'est fondé sur le témoignage d'un membre du personnel de l'établissement, présent aux côtés de Mme D...le 31 janvier 2015 ; qu'ainsi, MmeF..., aide médico-psychologique, atteste qu'alors qu'elles étaient en présence d'un patient refusant d'être couché, Mme D...a dit à celui-ci qu' " [elle] ne se laisserait pas faire ", et lui a frappé le ventre ; que, le lendemain, alors qu'elle l'interrogeait sur ces faits qu'elle réprouvait, Mme D...lui a répondu " et bien, ça va, je ne lui ai pas fait mal ! " ; que ce témoignage est corroboré par l'attestation de MmeA..., aide-soignante de l'établissement, qui certifie, d'une part que Mme D...lui a confié que le résident l'avait tapée et qu'elle avait elle-même riposté et que si sa direction venait à lui parler de cet évènement, elle dirait qu' " [elle] s'est défendue " et " qu'[elle] ne lui a pas fait mal " et, d'autre part que Mme F...s'est également épanchée auprès d'elle et de trois autres collègues, " ne sachant que faire " devant cette situation ; que si la requérante produit de nombreux témoignages de collègues ou de familles de résidents qui louent son professionnalisme, ils ne sont pas de nature à faire naître un doute, au sens des dispositions susvisées de l'article L. 1235-1 du code du travail, sur la véracité des faits qui se sont déroulés ce 31 janvier 2015 ; qu'ainsi, en dépit des circonstances, d'une part, qu'il n'a pas été constaté de trace de rougeur sur le corps du résident, d'autre part, que Mme F...serait décrite comme une personne émotive, la matérialité des agissements fautifs reprochés par la SARL Résidence Les Patureaux à Mme D...doit être regardée comme établie ; que l'incontestable difficulté de la mission de soignant auprès de personnes fortement dépendantes et pouvant se montrer agressives ne peut justifier un tel comportement et constituer un critère d'atténuation ;
5. Considérant qu'eu égard à la gravité des faits reprochés à MmeD..., c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le ministre du travail a estimé que l'intéressée avait commis une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, d'autant que Mme D...avait déjà fait l'objet, le 31 octobre 2014, d'une mise à pied pour s'être laissé aller à un geste d'agressivité envers un résident en lui arrachant sa serviette après le repas et lui essuyant brusquement le visage, et pour avoir refusé d'aider deux résidents à se relever ;
6. Considérant par ailleurs que si la requérante soutient que son licenciement était en réalité motivé par les mauvaises relations entretenues entre la direction et son époux au sujet de la présence de sa belle-mère en tant que résidente au sein de l'EHPAD, elle ne le démontre pas par les pièces qu'elle produit ;
En ce qui concerne le lien avec le mandat :
7. Considérant que, contrairement à ce qu'elle soutient, l'existence d'un lien entre la procédure de licenciement engagée à son encontre et le mandat de déléguée du personnel exercé par Mme D...n'est pas établie par les pièces du dossier, et notamment par les comptes-rendus d'entretien professionnel et les courriers adressés par la requérante à sa direction ; que la procédure de licenciement contestée a été diligentée en raison de faits fautifs avérés qui, s'ils sont postérieurs à son élection, sont sans lien avec son mandat ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur les frais liés au litige :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la SARL Résidence Les Patureaux, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, la somme que Mme D...demande au titre des frais de procédure ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme D...une somme de 500 euros au titre des frais exposés par la SARL Résidence Les Patureaux et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Mme D...versera à la SARL Résidence Les Patureaux une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...D..., à la SARL Résidence Les Patureaux et à la ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 15 juin 2018, où siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- M. Pons, premier conseiller.
- M. Bouchardon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 juillet 2018.
Le rapporteur,
L. BOUCHARDONLe président,
J. FRANCFORT
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT01644