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25/06/2018 | FRANCE | N°16NT02159

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 25 juin 2018, 16NT02159


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I°/ M. et Mme H...D..., M. et Mme J...I...et M. et Mme A...K...ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler le permis de construire une maison individuelle sur une parcelle cadastrée AD 272, située rue des Ecrehous délivré le 18 décembre 2014 par le maire de Portbail à M. et Mme B...C...ainsi que la décision explicite de rejet de leur recours gracieux du 2 avril 2015.

Par un jugement n° 1501117 du 4 mai 2016, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

II°/ M. et Mm

e H...D..., M. et Mme J...I...et M. et Mme A...K...ont demandé au tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I°/ M. et Mme H...D..., M. et Mme J...I...et M. et Mme A...K...ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler le permis de construire une maison individuelle sur une parcelle cadastrée AD 272, située rue des Ecrehous délivré le 18 décembre 2014 par le maire de Portbail à M. et Mme B...C...ainsi que la décision explicite de rejet de leur recours gracieux du 2 avril 2015.

Par un jugement n° 1501117 du 4 mai 2016, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

II°/ M. et Mme H...D..., M. et Mme J...I...et M. et Mme A...K...ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler le permis de construire modificatif délivré le 2 octobre 2015 par le maire de Portbail à M. et Mme C...portant sur la suppression du sous-sol et la création d'un garage accolé à la maison sur une parcelle cadastrée AD 272 rue des Ecrehous ainsi que la décision explicite de rejet de leur recours gracieux du 5 novembre 2015.

Par un jugement n° 1502258 du 4 mai 2016, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 1er juillet 2016, 20 janvier et 29 mars 2017, M. et MmeD..., M. et Mme J...I...et M. et Mme A...K..., représentés par Me F..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 4 mai 2016 ;

2°) d'annuler le permis de construire une maison individuelle sur une parcelle cadastrée AD 272, située rue des Ecrehous délivré le 18 décembre 2014 par le maire de Portbail à M. et Mme B...C...ainsi que le permis modificatif, délivré le 2 octobre 2015 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Portbail la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le permis délivré méconnaît les dispositions de l'article UC 11 du plan local d'urbanisme ;

- les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ont été méconnues ;

- les modifications apportes au permis ne pouvaient l'être qu'avec un nouveau permis de construire.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 novembre 2016, M. et MmeC..., représentés par MeE..., concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés les 15 décembre 2016 et 4 mai 2018, la commune de Port-Bail, représentée par MeL..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Giraud,

- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,

- les observations de Me F...représentant M. et MmeD..., Me G...représentant M. et Mme C...et Me L...représentant la commune de Port-Bail.

Considérant ce qui suit :

1. M. et MmeD..., M. et Mme J...I...et M. et Mme A...K...relèvent appel des jugements n°1501117 et n°1502258 par lesquels le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation le permis de construire une maison individuelle sur une parcelle cadastrée AD 272, située rue des Ecrehous délivré le 18 décembre 2014 à M. et Mme B...C...ainsi que le permis modificatif, délivré le 2 octobre 2015.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, un permis modificatif ne peut être délivré que si, d'une part, les travaux autorisés par le permis initial ne sont pas achevés, sans que la partie intéressée ait à établir devant le juge l'absence d'achèvement de la construction ou que celui-ci soit tenu de procéder à une mesure d'instruction en ce sens, et si, d'autre part, les modifications apportées au projet initial pour remédier au vice d'illégalité ne peuvent être regardées, par leur nature ou leur ampleur, comme remettant en cause sa conception générale. A ce titre, la seule circonstance que ces modifications portent sur des éléments tels que l'implantation de la construction, ses dimensions ou son apparence ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce qu'elles fassent l'objet d'un permis modificatif.

3. M. et Mme C...ont obtenu le 2 octobre 2015 un permis de construire modificatif visant à supprimer le sous-sol semi-enterré destiné au stationnement des véhicules et à créer un garage d'une surface de 52,46 m² accolé au pignon situé à l'est de la maison de 224 m². Dès lors, le volume autorisé par l'arrêté du 2 octobre 2015 ne crée pas de surface de plancher supplémentaire. En conséquence, les modifications apportées au projet initial, de par leur nature et leur ampleur limitée, ne remettent pas en cause sa conception générale. Ces modifications n'imposaient donc pas au pétitionnaire de solliciter un nouveau permis de construire pour l'ensemble du projet.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article UC 11 du plan local d'urbanisme (PLU) de Portbail : " (...) Le rythme des façades doit s'harmoniser avec celui des bâtiments voisins. (...) pour tout bâtiment nouveau d'architecture contemporaine (par opposition à l'architecture traditionnelle locale) : la qualité recherchée visera une intégration harmonieuse à son environnement proche aussi bien dans le choix des volumes (y compris la forme de la toiture), des percements, les couleurs des matériaux apparents et les détails architecturaux (...) 11.2 : Volumétrie : les gabarits des constructions nouvelles devront respecter l'aspect général des gabarits existants. (...) 11.4 Matériaux apparents et couleurs : 11.4.1 Couleur : le nuancier des couleurs utilisées devra s'inscrire dans la palette des couleurs des matériaux locaux traditionnellement utilisés (pierre, terre, bois, ardoise...) (...) 11.4.3 Façades et pignons : l'aspect des matériaux ou revêtements employés devra être choisi en harmonie avec le site et les constructions avoisinantes. Les maçonneries apparentes seront réalisées soit en respectant la mise en oeuvre traditionnelle, soit en enduit de ton neutre en harmonie avec les constructions traditionnelles ou en tout autre matériau lié à une architecture contemporaine de qualité ".

5. Le projet contesté, un bâtiment présentant d'une longueur de 26,89 m pour une hauteur variant de 4,01 à 8,56 m, une surface de plancher importante et de nombreuses ouvertures sur le havre, est situé au bord du havre de la commune littorale de Portbail. Il consiste, selon les termes de la notice descriptive, en une " maison individuelle dans l'esprit des villas de bord de mer normandes avec balcons et terrasses et aspect de bow-windows ", " constituée d'une juxtaposition de volumes qui s'étagent, afin de bénéficier du maximum de vue sur le havre et d'un bon ensoleillement " et dont " le volume principal se dessine en L avec une couverture en ardoises à 45° ". Il est prévu que le bardage sera en ardoise, ou en enduit de ton gris moyen, ou en bardage gris clair type werzalit avec des menuiseries extérieures en aluminium gris anthracite. Il ressort des clichés photographiques que l'environnement proche présente une urbanisation de type balnéaire composée de maisons contemporaines récentes, parfois imposantes, avec de larges ouvertures sur le havre. Ainsi la maison projetée respecte l'aspect général des gabarits existants et ses façades rythmées ne sont pas en rupture avec celles des bâtiments voisins généralement ouverts sur le havre. Il en va de même pour l'utilisation des matériaux et l'emploi des coloris, et notamment du bardage gris clair type werzalit, qui n'apparaissent pas en dysharmonie avec les constructions avoisinantes. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UC 11 doit donc être écarté.

6. En troisième lieu, pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, il appartient à l'autorité compétente en matière d'urbanisme, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent, et pour l'application de cet article en matière de risque de submersion marine, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, en l'état des données scientifiques disponibles, ce risque de submersion en prenant en compte notamment le niveau marin de la zone du projet, le cas échéant, sa situation à l'arrière d'un ouvrage de défense contre la mer ainsi qu'en pareil cas, la probabilité de rupture ou de submersion de cet ouvrage au regard de son état, de sa solidité et des précédents connus de rupture ou de submersion.

7. Selon les caractéristiques générales du règlement applicable à la zone UC : " (...) le respect des articles 7 et 8 des dispositions générales concernant le risque d'inondation et celui de submersion marine doivent être pris en compte pour chaque réalisation ". Aux termes de l'article 7 de ces dispositions générales relatives aux secteurs soumis au risque d'inondation : " toutes occupation ou utilisation du sol susceptible d'aggraver le risque doit être strictement limitée pour préserver le champ d'expansion des crues, conserver les capacités d'écoulement et éviter l'exposition des personnes et des biens. Risques de remontée de nappe : en secteur de débordement de nappe observé : interdiction des nouvelles constructions sauf bâtiment agricole sans sous-sol, interdiction de l'infiltration des eaux pluviales dans le sol et l'assainissement autonome. Pour les secteurs entre 0 et 1 mètre (risque d'inondation des réseaux et sous-sols), interdiction des sous-sols, interdiction de l'assainissement autonome (sauf avis favorable du SPANC) et de l'infiltration des eaux pluviales dans le sol. Pour les secteurs de 1 à plus de 2,5 mètres (risque d'inondation des sous-sols), interdiction des sous-sols et de l'assainissement autonome ".

8. Si la carte de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) portant sur la profondeur de la nappe phréatique en période de très hautes eaux, dont se prévalent les requérants, fait figurer la parcelle en zone à risque de débordement, ce risque situé de 1 à 2,5 m en profondeur de nappe, est seulement préjudiciable pour les sous-sols. Or le projet contesté ne comporte plus de sous-sol compte des changements qui y ont été apportés par le permis modificatif du 2 octobre 2015. En conséquences, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en raison du risque de débordement des nappes phréatiques en zone jaune de 1 à 2,5 m pouvant noyer le sous-sol enterré à 2,30 m doit être écarté.

9. Selon les articles UC 2 et 8 des dispositions générales relatives aux secteurs soumis au risque de submersion marine désigné par l'indice " s ", carte figurant en annexe du PLU non opposable et provisoire, susceptible d'être modifiée par des mesures d'altimétrie et n'étant pas de caractère réglementaire : " dans les " zones basses + 1 m " (zone identifiées en vert) : toutes constructions et aménagements sont autorisés. Une simple fiche de recommandations est jointe aux autorisations délivrées dans cette zone pour information. / Dans les " zones basses " (zones identifiées en bleu) : dans les espaces significativement urbanisés, les constructions nouvelles pourront être autorisées à condition que soit prévu un niveau de refuge et qu'aucun sous-sol ne soit autorisé. Dans les espaces peu urbanisés ou pas urbanisés (projet gagnant sur un espace naturel, situé dans un lieu-dit ou hameaux), les constructions nouvelles sont interdites. L'évolution de l'existant est autorisée à condition que les constructions disposent d'un niveau refuge et qu'aucun sous-sol ne soit réalisé. / Dans les " zones basses -1 m " (zones identifiées en bleu marine) : dans tous les secteurs, les constructions nouvelles sont interdites, seuls les espaces urbanisés, les extensions de l'existant sont autorisées à la condition que soit prévu un niveau refuge et qu'aucun sous-sol ne soit réalisé. Dans les espaces non urbanisés, les extensions de l'urbanisation pourront être autorisées sans augmentation d'emprise au sol, dans les autres cas, elles sont interdites. / Dans les zones " bande de 100 mètres " derrière les ouvrages de protection, le règlement devra interdire toutes constructions dans cette zone ".

10. La circonstance que la carte de l'atlas régional des zones sous le niveau marin de la DREAL, datée du 19 janvier 2011, initialement annexée au plan local d'urbanisme de Portbail, situe la parcelle concernée en zone de " 100 mètres derrière un ouvrage ou un cordon dunaire jouant un rôle de protection contre les submersions ", ne rend pas pour autant inconstructible à la date du permis cette parcelle en application de l'article UC 2 si le maire, comme cela lui était possible, se réfère à une carte actualisée pour apprécier ce risque de submersion. Les services de l'Etat ont notamment indiqué lors de l'enquête relative au plan de prévention des risques littoraux que la parcelle AD 272 est soumise à un aléa faible pour l'évènement actuel et pour celui de l'horizon 2100. Il ressort également des vues du rivage devant la parcelle appartenant à M. et MmeC..., que si elle se situe dans la bande des 100 mètres, elle n'est pas derrière un ouvrage ou un cordon dunaire jouant un rôle de protection contre les submersions, mais au bord d'une grève plane s'ouvrant sur le havre n'apparaissant pas être " soumise à des submersions violentes et rapides en cas de défaillance (brèche) du système de protection ou à des mouvements/glissements de terrain sur le système de protection lui-même ". Par ailleurs, il ressort de cet atlas que, en l'état des connaissances au 8 juillet 2013, la parcelle en question n'est plus située dans cette bande de précaution, ni même dans une zone au-dessous du niveau marin de référence. Les inquiétudes de certains élus dont se prévalent les requérants ainsi que la grande marée du 3 mars 2014 ne suffisent pas à démontrer que le classement ainsi opéré serait insuffisant. Par suite le maire de Portbail, en autorisant la construction de M. et MmeC..., n'a ni méconnu les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme précitées, ni entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... et les autres requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Portbail, qui, dans la présente instance, n'est pas la partie tenue aux dépens, la somme que demandent les requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de chacun des couples requérants, M. et MmeD..., M. et Mme I...et M. et MmeK..., une somme de 500 euros à verser à la commune de Portbail et la même somme à M. et Mme C...au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D..., de M. et Mme I..., de M. et Mme K... est rejetée.

Article 2 : Chacun des couples requérants, M. et MmeD..., M. et Mme I...et M. et Mme K..., versera 500 euros à la commune de Portbail et la même somme à M. et Mme C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme H...D..., à M. et Mme J... I..., à M. et Mme A...K..., à la commune de Portbail et à M. et Mme B...C....

Délibéré après l'audience du 8 juin 2018, où siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Mony, premier conseiller,

- M. Giraud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 juin 2018.

Le rapporteur,

T. GIRAUDLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de la Cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT02159


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT02159
Date de la décision : 25/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Thomas GIRAUD
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : SELARL JURIADIS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-06-25;16nt02159 ?
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