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11/06/2018 | FRANCE | N°17NT01695

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 11 juin 2018, 17NT01695


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision de la commission de recours contre les visas d'entrée en France en date du 5 février 2015, rejetant son recours contre la décision des autorités consulaires françaises à Port-au-Prince du 22 octobre 2014 refusant la délivrance d'un visa de long séjour à M... N... A...-D..., K... L... A...D...et S... A...D....

Par un jugement n° 1501935 du 31 mars 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.


Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mai 2017, M. C... A....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision de la commission de recours contre les visas d'entrée en France en date du 5 février 2015, rejetant son recours contre la décision des autorités consulaires françaises à Port-au-Prince du 22 octobre 2014 refusant la délivrance d'un visa de long séjour à M... N... A...-D..., K... L... A...D...et S... A...D....

Par un jugement n° 1501935 du 31 mars 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mai 2017, M. C... A...D..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 mars 2017 ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les visas d'entrée en France en date du 5 février 2015 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de faire droit à sa demande de visas pour ses trois enfants sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de la commission de recours contre les visas d'entrée en France est entachée d'un défaut de motivation ;

- la décision est entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu des éléments qu'il apporte pour expliquer les anomalies et les incohérences relevées par les autorités consulaires qui permettent d'établir l'authenticité des actes d'état civil produits, alors qu'il faut tenir compte de ses déclarations constantes lors de sa demande d'asile, des photos, des transferts d'argent démontrant sa possession d'état de père desdits enfants ;

- la commission a commis une erreur de droit en refusant le visa au troisième enfant sur les seules erreurs matérielles affectant les actes des deux autres enfants, les éléments relevés par le ministre s'agissant de ce troisième acte ayant été rectifiés par un jugement supplétif du 27 février 2012 ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le jugement attaqué ne fait que reprendre le mémoire du ministre de l'intérieur sans examiner les documents d'état civil produits ;

- concernant l'enfant M... O..., l'acte de naissance produit par le ministre de l'intérieur en pièce n° 1 ne mentionne pas le 5 avril 2003 comme date de baptême mais comme date de naissance ;

- concernant l'enfant Jetsé Maximillene, l'extrait de registre de baptême célébré le 6 mars 2014 mentionne le nom de G...comme mère comme l'indique l'extrait d'acte de naissance, la rectification par jugement en date du 27 février 2012 remplaçant ce nom par celui de P... Kettelie Calixte, n'ayant été retranscrite que le 11 juin 2014, soit après le baptême de l'enfant ;

- concernant l'enfant Jetsio Moresmau, le tribunal a reconnu l'erreur simplement matérielle figurant dans son acte de naissance sans en tirer toutes les conséquences sur le caractère probant de l'acte fourni ;

- le jugement en date du 3 juin 2014 lui attribuant l'autorité parentale et la garde des trois enfants n'avait pas été présenté à la commission de recours contre les visas d'entrée en France qui n'a donc pas pu l'écarter ;

- il participe à l'entretien des trois enfants et non du seul Jetsio.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 août 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens présentés par le requérant au soutien de son appel n'étant pas nouveaux, il s'en remet à ses mémoires de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Sacher.

1. Considérant que M. A...D...a déposé le 25 juillet 2014 des demandes de visa de long séjour pour Mlle Jetsia BeamaA...D..., Mlle Jetsé Maximilienne BethA...D...et M. Jetsio Moresmau BoazA...D...qu'il présente comme étant ses enfants, qui lui ont été refusés par décision des autorités consulaires françaises à Port-au-Prince ; que, saisie d'un recours déposé par M. A...D...le 10 décembre 2014, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté cette demande par une décision du 5 février 2015 ; que M. A...D...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que le requérant soutient que les premiers juges se sont bornés à reprendre l'argumentation du ministre ; que ce seul fait, à le supposer exact, n'est pas susceptible, à lui seul, de remettre en cause la régularité du jugement attaqué ; que dés lors, le moyen soulevé à ce titre doit être écarté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation aux dispositions de la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, les décisions de refus de visa d'entrée en France, prises par les autorités diplomatiques ou consulaires, ne sont pas motivées sauf dans les cas où le visa est refusé à un étranger appartenant à l'une des catégories suivantes et sous réserve de considérations tenant à la sûreté de l'Etat : que la décision contestée, d'une part, se réfère au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment à ses articles L. 211-2 et L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'autre part, fait valoir l'absence de valeur probante des extraits d'acte de naissance des trois enfants présentés à l'appui de sa demande et à l'absence de preuve de la participation effective du requérant à l'entretien et à l'éducation des enfants ; qu'enfin il est fait état de l'absence d'accord des mères de chaque enfant pour en confier la garde au requérant ; que, par suite, elle contient les considérations de droit et de fait qui la fondent ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté ;

4. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour (...) 8° A l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII du présent code ainsi qu'à son conjoint et à ses enfants (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 111-6 de ce même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " ; que l'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. " ; que, dans le cadre de la procédure de regroupement familial applicable à un réfugié statutaire, l'administration n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour un motif d'ordre public ; que figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère probant des actes d'état civil produits ;

5. Considérant que pour refuser les demandes de visa des enfants allégués de M. C... A...-D..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur l'absence de caractère probant des états civils produits, sur l'absence de preuves permettant d'établir que M. A...-D... contribue à l'entretien et à l'éducation de ses enfants allégués et sur le fait que les mères des enfants n'avaient pas été déchues de leurs droits parentaux ;

6. Considérant que concernant les actes d'état-civil de Mlle Jetsia BeamaA...D..., le ministre de l'intérieur soutient qu'à l'appui de la demande de visa de Mlle Jetsia BeamaA...D..., ont été produits deux extraits d'acte de naissance, que le premier mentionne une déclaration de naissance le 30 mai 2003 auprès de l'officier d'état-civil de Pétion-ville, que le second mentionne une déclaration de naissance le 15 octobre 2003 auprès de l'officier d'état-civil de Port-au-Prince et qu'il note que l'un des deux actes mentionne en sa marge qu'il aurait été dressé après le baptême de l'enfant le 5 avril 2003, en contradiction avec l'article 55 du code civil haïtien lequel impose que cet extrait est obligatoirement fourni lors du baptême ; que toutefois, ces deux extraits indiquent les mêmes éléments concernant la filiation de l'enfant et sont cohérents entre eux concernant le nom de l'enfant, sa date de naissance, son lieu de naissance et l'identité des parents ; que la mention manuscrite en marge ne concerne nullement la date de baptême mais le nom de l'enfant, " A...-D... ", avec sa date de naissance, le 5 avril 2003 ; qu'alors que le requérant indique qu'il est courant de déclarer son enfant dans le lieu de naissance puis dans le chef-lieu de l'arrondissement, le ministre n'apporte pas d'éléments indiquant que cette pratique serait illégale ou entacherait d'illégalité chacun des deux documents produits ; que l'acte de naissance établi à Pétion-Ville, lieu de naissance de l'enfant, et établi peu de temps après la naissance, est conforme au droit applicable localement ;

7. Considérant que concernant les actes d'état-civil de l'extrait d'acte de naissance de Mlle Jetsé Maximilienne BethA...D..., le ministre indique que l'acte de naissance mentionnait MmeG..., comme mère et que si ce nom a été rectifié par jugement du 27 février 2012 pour être remplacé par Mme MarieF..., l'extrait du registre de baptême, célébré le 6 mars 2014, mentionne toujours Mme G...comme mère ; que le fait que le certificat de baptême mentionne le nom de la mère figurant dans l'acte de naissance d'origine ne prouve en tout état de cause pas à lui seul que l'acte serait frauduleux concernant la mention du père de l'enfant K... L... ;

8. Considérant que concernant l'extrait d'acte de naissance de M. Jetsio Moresmau BoazA...D..., le ministre relève que la copie de l'acte de naissance fait apparaître une date de déclaration de l'enfant au 27 avril 2009 alors que l'extrait de l'acte produit fait apparaître la date du 7 avril 2009 ; que cette simple erreur de transcription n'est pas susceptible à elle seule de rendre dépourvus de force probante les actes produits ;

9. Considérant que contrairement à ce que soutient le ministre de l'intérieur, il ressort des pièces du dossier que le requérant n'avait pas attendu 2011 pour déclarer l'existence des enfants allégués et que leurs noms et dates de naissance avaient bien été déclarées par le requérant dans sa demande d'admission au titre de l'asile ; que ces dates de naissance sont cohérentes avec celles figurant sur les actes d'état civil produits ;

10. Considérant que le requérant présente également à l'appui de sa requête de nombreuses preuves de transfert d'argent aux mères des trois enfants ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, même pris dans leur ensemble, les incohérences relevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas susceptibles de remettre en cause le lien de filiation dont se prévaut le requérant ;

12. Considérant toutefois qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

13. Considérant que l'intérêt d'un enfant est, en principe, de vivre auprès de la personne qui est titulaire à son égard de l'autorité parentale ;

14. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, la décision attaquée s'était également fondée sur le fait que " les mères respectives des enfants n'étant ni décédées, ni déchues de l'exercice de leurs droits parentaux, l'intérêt supérieur des enfants commandent qu'ils restent auprès de leur autre parent dans leur pays d'origine et non qu'ils rejoignent leur père présumé qui a reconstitué en France une cellule familiale " ; que le requérant se prévaut d'une ordonnance en date du 5 juin 2014, par laquelle le juge des référés du tribunal de première instance de Port-au-Prince confie au requérant la garde des enfants M... R... A...-D..., K... L... A...-D... et Q... A... -D... ; que toutefois, ainsi que le relève le ministre, un doute sérieux existe sur la légalité et la portée à donner à ce jugement compte-tenu de certaines de ses formulations, de l'absence de citations de bases légales et de l'incertitude subsistant concernant l'identité de la mère de l'enfant K... L... A...D..., l'acte de naissance mentionnant initialement Mme G...; qu'en tout état de cause, il est constant que les trois enfants ont vécu auprès de leurs mères respectives depuis leur naissance et que leur père n'avait pas établi une cellule familiale stable en Haïti avant son installation en France où il s'est marié avec une autre femme ; qu'ainsi la CCRV a pu, à bon droit et sans méconnaître l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, estimer que l'intérêt supérieur des enfants était de rester auprès de leurs mères respectives ; que, pour les mêmes raisons, la décision litigieuse ne méconnaît pas non plus l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

15. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. C...A...D...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fins d'injonction :

16. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fins d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution ; que par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fins d'injonction sous astreinte présentées par le requérant ;

Sur les frais du litige :

17. Considérant que l'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée à ce titre par le requérant ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Mony, premier conseiller,

- M. Sacher, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juin 2018.

Le rapporteur,

E. SACHERLe président,

H. LENOIR

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT01695


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01695
Date de la décision : 11/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Eric SACHER
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : GORALCZYK

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-06-11;17nt01695 ?
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