Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...E...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet d'Eure-et-Loir a rejeté sa demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du 13 juillet 2011 prononçant son expulsion du territoire français.
Par un jugement n° 1502358 du 28 février 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 mai 2017, M. C...A...E..., représenté par Me D...B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 28 février 2017 ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet d'Eure-et-Loir a rejeté sa demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du 13 juillet 2011 prononçant son expulsion du territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Eure-et-Loir d'abroger cet arrêté du 13 juillet 2011, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son profit d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée n'est pas motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet s'est uniquement fondé sur l'existence d'une condamnation pénale comme révélant une menace à l'ordre public ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation : le préfet n'a pas examiné son comportement d'ensemble ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle porte atteinte au droit à la liberté de circulation garanti à tout ressortissant de l'Union européenne.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2017, le préfet d'Eure-et-Loir conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bouchardon ;
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
1. Considérant que M. A... E..., ressortissant portugais né le 5 octobre 1944, a été condamné le 14 février 2008 par la cour d'assises d'appel de Seine-Saint-Denis à une peine de quinze années de réclusion criminelle pour meurtre ; que, le 16 juin 2011, la commission spéciale d'expulsion a rendu un avis favorable à son expulsion, demandée par l'intéressé en vue de l'obtention d'une libération conditionnelle ; que l'arrêté d'expulsion du territoire français a été pris le 13 juillet 2011 ; que la libération de M. A... E...devant intervenir le 3 mars 2015, le préfet d'Eure-et-Loir a, par arrêté du 19 janvier 2015, fixé le pays à destination duquel l'intéressé serait expulsé ; que, par un courrier du 28 février 2015, parvenu le 3 mars suivant dans les services de la préfecture, M. A... E...a demandé au préfet d'Eure-et-Loir d'abroger l'arrêté du 13 juillet 2011 en application des dispositions de l'article L. 524-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes duquel " L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé (...) ; que, du silence gardé par le préfet sur cette demande est née, le 3 juillet 2015, une décision implicite de rejet ; que le requérant relève appel du jugement du 28 février 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce refus implicite opposé à sa demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion dont il a fait l'objet ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... E...ait demandé la communication des motifs de la décision implicite qu'il conteste ; que le moyen tiré de son défaut de motivation doit dès lors être écarté ;
3. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public " ; que les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure d'expulsion et ne dispensent pas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace grave pour l'ordre public ; que lorsque l'administration se fonde sur l'existence d'une telle menace pour prononcer l'expulsion d'un étranger, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que pour justifier que la présence de M. A... E...sur le territoire constituait une menace grave pour l'ordre public, le préfet d'Eure-et-Loir s'est fondé sur les circonstances, d'une part que l'intéressé est défavorablement connu des services de police pour des faits de violences volontaires et port illégal d'arme commis le 27 mai 1990, d'autre part, qu'il a été condamné le 14 février 2008 par la cour d'assises d'appel de Seine-Saint-Denis à quinze ans de réclusion pour crime, enfin qu'il ne présente pas de garanties de réinsertion suffisantes ;
5. Considérant que si M. A... E...justifie du travail accompli durant son incarcération, il n'établit pas la réalité des garanties de réinsertion dont il se prévaut ; qu'en outre, au regard de la gravité des faits pour lesquels l'intéressé a été condamné, le préfet d'Eure-et-Loir, nonobstant leur ancienneté, a pu, sans même prendre en compte les autres faits datés de 1990, estimer, sans erreur de droit ni erreur d'appréciation, que la présence de M. A... E...constituait une menace grave pour l'ordre public ;
6. Considérant, en troisième lieu, que pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas porté à la liberté de circulation de M. A... E..., tel qu'elle est garantie par le droit de l'Union européenne, une atteinte disproportionnée, en dépit de la circonstance que le requérant est propriétaire d'un bien immobilier en France ;
7. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
8. Considérant que, contrairement à ce que fait valoir M. A... E..., il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait entretenu d'étroites relations durant son incarcération avec celles qu'il présente comme ses soeurs vivant en France ; qu'il est par ailleurs père de deux enfants majeurs qui habitent au Portugal, pays où il a résidé de nombreuses années ; qu'il ne démontre dès lors pas que le préfet aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis par la décision d'expulsion ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur le surplus des conclusions :
10. Considérant que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions de M. A... E...à fin d'injonction, ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...E...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet d'Eure-et-Loir.
Délibéré après l'audience du 13 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- M. Durup de Baleine, premier conseiller,
- M. Bouchardon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 mai 2018.
Le rapporteur,
L. BOUCHARDONLe président,
J. FRANCFORT
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT01426