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19/04/2018 | FRANCE | N°16NT01471

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 19 avril 2018, 16NT01471


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Delesalle,

- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Diéti Natura, société anonyme de droit suisse, exerçant une activité de vente pa

r internet de produits naturels, de compléments alimentaires et de cosmétiques, a fait l'objet d'une enquête pour fraude fiscale...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Delesalle,

- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Diéti Natura, société anonyme de droit suisse, exerçant une activité de vente par internet de produits naturels, de compléments alimentaires et de cosmétiques, a fait l'objet d'une enquête pour fraude fiscale à raison de l'exercice en France, de manière occulte, au travers d'un site internet hébergé par une agence située à Bordeaux, d'un commerce numérique des produits fabriqués par la société à responsabilité limitée (SARL) Laboratoires C...dans son usine située près de Montauban, à destination d'une clientèle principalement française. Dans ce cadre, le domicile, situé à Talmont-Saint-Hilaire (Vendée), de M. B...D..., qui était l'administrateur unique de la société Diéti Natura entre le 23 octobre 2007 et le 11 mai 2010, a fait l'objet le 2 juillet 2009 d'une perquisition sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales. Deux autres perquisitions ont été menées au siège, situé à Grisolles (Tarn-et-Garonne), de la SARL LaboratoiresC..., dont l'épouse de ce dernier détenait 80 % du capital social, et au domicile de Mme A...et M.J..., employés de la société Diéti Natura, situé à Rosenau (Haut-Rhin). A leur suite, l'administration fiscale a adressé à la société Diéti Natura un avis de vérification de comptabilité du 11 juin 2010 en estimant qu'il existait des " indices sérieux " qu'elle soit susceptible d'être assujettie à l'impôt sur les sociétés en France. Par deux propositions de rectification en date des 2 décembre 2011 et 10 février 2012 l'administration fiscale a mis à la charge de cette société, pour un montant total, en droits et pénalités, de 3 447 573,71 euros, des suppléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxes sur la valeur ajoutée au titre des années 2007, 2008 et 2009.

2. Parallèlement, M. B...D...et son épouse, depuis divorcés, ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2007 et 2008. Par une première proposition de rectification du 22 décembre 2010, leur ont été notifiées, selon la procédure contradictoire, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2007, sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 et du c de l'article 111 du code général des impôts, en raison de revenus distribués par la société Diéti Natura pour un montant de 357 657 euros. Par une deuxième proposition de rectification du 20 juin 2011, leur ont été notifiées, selon la procédure de taxation d'office prévue par l'article L. 69 du livre des procédures fiscales du fait de l'absence de réponse à une demande d'éclaircissement ou de justification formulée sur le fondement de l'article L. 16 du même livre, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2008 en raison de revenus d'origine indéterminée. Enfin, par une troisième proposition de rectification du 6 avril 2012, leur ont été notifiées, selon la procédure contradictoire, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2009 sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts en raison de revenus distribués par la société Diéti Natura pour un montant de 893 425 euros. Après avoir présenté des observations au titre des deux premières années, auxquelles le service a répondu, puis une réclamation préalable à la suite des avis de mise en recouvrement reçus, laquelle a été rejetée, M. D...et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007, 2008 et 2009. Par un jugement du 12 janvier 2016, le tribunal a fait droit à leur demande et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le ministre chargé des finances relève appel de ce jugement en demandant la remise à leur charge de ces cotisations supplémentaires pour les montants respectifs, en droits et pénalités, de 261 112 euros, 8 462 euros et 823 480 euros au titre des années 2007, 2008 et 2009.

Sur la recevabilité en appel :

3. En vertu du c du 2 de l'article 2 des arrêtés des 17 décembre 2015 et 8 novembre 2017 du directeur général des finances publiques, régulièrement publiés au Journal officiel de la République française des 24 décembre 2015 et 15 novembre 2017, MmeF..., administratrice des finances publiques, était compétente pour signer le recours ainsi que les mémoires au nom du ministre chargé des finances.

4. M. D...et Mme C...ne peuvent utilement se prévaloir de l'absence de justification de l'affichage de ces arrêtés au regard de l'article L 221-2 du code des relations entre le public et l'administration ou d'un bulletin officiel des finances publiques dès lors que la seule publication au Journal officiel de la République française suffisait à leur entrée en vigueur en vertu des articles 1er et 3 du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement. Ils ne peuvent davantage utilement se prévaloir, en tout état de cause, de l'incompétence de Mme F...pour prendre une décision de dégrèvement, dès lors qu'aucune décision de cette nature prise par celle-ci n'est intervenue.

5. Par suite, et sans qu'il soit besoin de saisir le Conseil d'Etat d'une demande d'avis sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir en appel doit être écartée.

Sur la régularité du jugement :

6. S'agissant des cotisations supplémentaires dues au titre de l'année 2008, le ministre soutient que les premiers juges ont insuffisamment motivé leur jugement en ne répondant pas aux moyens présentés par M. D...et MmeC.... Toutefois, cette insuffisance ne l'affecte pas et ne saurait, dès lors, être utilement invoquée par lui.

Sur le motif de décharge :

7. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme des revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / (...) / Les sommes imposables sont déterminées pour chaque période retenue pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés par la comparaison des bilans de clôture de ladite période et de la période précédente selon des modalités fixées par décret en conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. ". Aux termes de l'article 111 de ce code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / (....) ". Les sommes réintégrées par l'administration dans le résultat imposable d'une société ayant fait l'objet d'un redressement ne peuvent être regardées comme des revenus distribués au sens de ces dispositions que dans la mesure où elles ont été effectivement appréhendées par leur bénéficiaire. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.

8. Pour prononcer la décharge, les premiers juges ont estimé que si M. D...devait être regardé comme le dirigeant de fait de la société Diéti Natura, cette circonstance ne suffisait pas à établir qu'il avait la qualité de maître exclusif de l'affaire dès lors qu'il ne résultait pas de l'instruction qu'il était au titre des années 2007, 2008 et 2009 porteur de parts sociales de la société et, qu'en outre, l'administration ne soutenait ni n'établissait que M. D...aurait été le seul à disposer de la procuration sur l'ensemble des comptes bancaires de la société alors même qu'il était constant qu'il disposait de cette signature pour les comptes bancaires français.

En ce qui concerne l'année 2008 :

9. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 20 juin 2011, que la rectification opérée par le service au titre de l'année 2008 est fondée sur l'existence d'un revenu d'origine indéterminée. Dès lors, en se fondant sur l'absence de qualité de maître de l'affaire de M. D...permettant de regarder ce dernier comme ayant appréhendé les bénéfices de la société Diéti Natura, les premiers juges se sont fondés à tort sur un moyen inopérant.

En ce qui concerne les années 2007 et 2009 :

10. Il résulte des deux propositions de rectification adressées à la société Diéti Natura et jointes à celles notifiées à M.D..., que de nombreux documents la concernant ont été saisis au domicile de M. D...à l'occasion de la perquisition fiscale dont il a fait l'objet. Il s'agit notamment des factures d'achat, de vente et de frais généraux, comme pour la location de stands pour des salons spécialisés ou l'insertion de publicités dans des magazines, des bons de livraison, des nomenclatures de produits, des extraits de balance comptable de la société. Ont également été saisis chez Mme A...des courriels des mois de juillet 2007, février et mai 2009 en provenance ou à destination de celle-ci, laquelle a pu se présenter comme " directrice adjointe ", montrant le rôle décisoire de M. D...pour toute question concernant notamment les aspects commerciaux, comptables ou salariaux. De plus, M. D...a enregistré le nom de domaine internet de la société dès le 31 janvier 2006 alors qu'il n'avait pas encore été nommé administrateur. Par ailleurs, les intéressés n'apportent aucun élément de nature à établir l'existence d'une équipe dirigeante en Suisse. De ce fait, M. D...doit être regardé comme ayant été le dirigeant de fait de la société Diéti Natura quand bien même il n'existerait pas à son domicile français de matériel dédié ou de bureau. Par ailleurs, il est constant que l'intéressé disposait de la signature sur les deux comptes bancaires français de la société et avait autorité sur MmeA..., laquelle avait procuration sur ces derniers sans qu'il ait apporté d'éléments, dont lui seul disposerait, sur l'identité et la qualité des personnes disposant de la signature sur les comptes suisses de la société.

11. Dans ces conditions, et à supposer même que M. D...n'ait pas été le détenteur de tout ou partie des cent actions aux porteurs de la société Diéti Natura en 2007 et 2009, il doit être regardé comme ayant été en mesure d'user sans contrôle des biens de la société comme de biens qui lui sont propres et, à ce titre, comme ayant eu la qualité de maître de l'affaire. De ce fait, et contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, il devait être regardé comme ayant pu appréhender les distributions occultes correspondant aux revenus distribués de la société Diéti Natura sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 et du c de l'article 111 du code général des impôts au titre des années 2007 et 2009.

12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 et 11 qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens présentés par M. D...et MmeC....

Sur l'année 2008 :

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

13. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ". M. D...et Mme C...ayant fait l'objet d'une imposition établie d'office, il leur appartient donc d'établir le caractère non imposable des sommes ou leur rattachement à une autre catégorie de revenus imposable faisant obstacle à ce qu'elles soient imposées en tant que revenus d'origine indéterminée.

14. Pour établir l'origine de la somme de 17 218,39 euros provenant d'un crédit bancaire du 24 octobre 2008 correspondant à la remise d'un chèque du 26 septembre 2008 de MeH..., huissier de justice, les intéressés soutiennent que ce versement résulte du recouvrement forcé d'une créance antérieure opérée par un huissier de justice dans le cadre d'un contrat inexécuté d'une vente d'un avion. Toutefois, ils se bornent à produire à l'appui de leurs allégations le duplicata d'une facture du 26 septembre 2008 établie par Me H...qui mentionne comme référence un dossier " n° 6137.00 Mosaïc Finances c/ Heiniger Marcel " sans aucune référence à M. D...ou son ex-épouse ou un " post-it " dont les mentions sont insuffisamment précises. Dans ces conditions, ils ne justifient pas du caractère non imposable de la somme ou de son rattachement à une autre catégorie de revenus imposable faisant obstacle à ce qu'elles soient imposées en tant que revenus d'origine indéterminée.

En ce qui concerne les pénalités :

15. Dans son mémoire enregistré le 18 janvier 2018, le ministre a renoncé à demander la remise à la charge de M. D...et Mme C...des sommes correspondant à la majoration de l'assiette des prélèvements sociaux du coefficient multiplicateur de 1,25 prévu au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts pour déterminer les pénalités applicables. Toutefois, et contrairement à ce que soutiennent les intéressés, cette limitation de la demande, qui fait suite à la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-610 QPC du 10 février 2017, est par elle-même sans incidence sur le bien-fondé du principe même des pénalités appliquées au titre de l'année 2008, seules visées.

Sur les années 2007 et 2009 :

En ce qui concerne l'imposition en France :

16. M. D...et MmeC..., ressortissants français résidant en France au cours des années 2007 et 2009 notamment, y disposaient de leur foyer et, par suite, de leur domicile fiscal en application du a du 1 de l'article 4 B du code général des impôts. Ils étaient dès lors passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus en application de l'article 4 A du même code.

17. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait obstacle ou non à l'application de la loi fiscale.

18. En vertu du premier alinéa du I de l'article 209 du code général des impôts, sont notamment passibles de l'impôt sur les sociétés les bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, ainsi que ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. Aux termes de l'article 1er de la convention franco-suisse conclue le 9 septembre 1966 : " La présente Convention s'applique aux personnes qui sont des résidents d'un Etat contractant ou de chacun des deux Etats. ". Aux termes de son article 4 : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression " résident d'un Etat membre " désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. / (...) / 3. Lorsque selon la disposition du paragraphe 1 une personne autre qu'une personne physique est considérée comme résident de chacun des Etats contractants, elle est réputée résident de l'Etat contractant où se trouve son siège de direction effective ". Aux termes de l'article 7 de cette convention : " Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable (...) ". Enfin, aux termes de l'article 3 de la même convention : " 1. Au sens de la présente convention, à moins que le contexte n'exige une interprétation différente : / (...) / g) Les expressions "entreprise d'un Etat contractant" et "entreprise de l'autre Etat contractant" désignent respectivement une entreprise exploitée par un résident d'un Etat contractant et une entreprise exploitée par un résident de l'autre Etat contractant ; / (...). " et aux termes de son article 5 : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : / a) un siège de direction ; / b) une succursale ; / c) un bureau ; / (...). ".

19. D'une part, il résulte de l'instruction que la société Diéti Natura a pour seule activité la vente en ligne de produits fabriqués en France par la SARL LaboratoiresC.... Les produits vendus sont, pour partie, expédiés par cette société en Allemagne où ils sont reconditionnés en petites unités avant d'être récupérés par deux salariés de la société Diéti Natura, résidant en France, qui les acheminent en France d'où ils sont réexpédiés par l'intermédiaire d'une plate-forme de courrier située à Erstein (Bas-Rhin) vers des clients majoritairement français ainsi que cela résulte de l'exercice du droit de communication auprès de la société Coliposte. Le reste des produits est directement envoyé par la SARL Laboratoires C...aux clients français de la société Diéti Natura sans jamais quitter le territoire français. Par ailleurs, et ainsi qu'il a été dit au point 10 du présent arrêt, M. D...doit être regardé comme ayant été le dirigeant de fait de la société Diéti Natura.

20. M. D...et MmeC..., qui contestent les éléments apportés par l'administration, ne produisent toutefois aucune pièce comptable, listes de clients ou d'adresses de facturation de nature à remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livré le service alors qu'elle est seule en mesure de présenter les documents de nature à établir qu'elle réaliserait son activité hors de France. Si elle soutient qu'elle disposait de personnel en Suisse, elle ne justifie de l'existence que d'un salarié de droit suisse, M.J..., par la production d'un contrat, signé le 28 mars 2008, l'engageant en qualité de " responsable du service expédition " et en vue de " développer le marché allemand ". Les seules circonstances alléguées selon lesquelles ce dernier y disposait d'un véhicule de fonctions et que la société s'acquittait de cotisations sociales, ou qu'elle louait des locaux en Suisse qu'elle présentait comme adresse de commande, y disposait de lignes téléphoniques et payait divers impôts et taxes nature ne sont pas suffisantes pour établir la réalité d'une exploitation dans ce pays compte tenu notamment de ce que l'adresse indiquée abrite cinq autres entreprises et que le rôle de M.J..., qui réside en France, pas plus que l'organisation de l'activité en Suisse ne sont explicitées.

21. Il suit de là que la société Diéti Natura doit être regardée comme réalisant son activité en France au cours d'un cycle commercial complet caractérisant une exploitation en France au sens des dispositions de l'article 209 du code général des impôts.

22. D'autre part, il résulte de l'instruction, et en particulier des propositions de rectifications fondée notamment sur les documents saisis mentionnés au point 10, dont certains antérieurs même à sa nomination comme administrateur unique, que M. D...effectuait les actes de gestion et de direction de la société Diéti Natura au titre notamment des années 2007 et 2009. Les intéressés n'apportent aucun élément de nature à établir l'existence d'une équipe dirigeante en Suisse. Dès lors et ainsi que l'a estimé à bon droit le service dans le rejet de la réclamation préalable au titre de l'année 2007, ainsi qu'il pouvait le faire, et dès la proposition de rectification au titre de l'année 2009, M. D...devait être regardé comme prenant les décisions stratégiques, déterminant la conduite des affaires de la société Diéti Natura dans son ensemble à son domicile français quand bien même il n'y aurait pas existé de matériel dédié ou de bureau ainsi qu'il a déjà été dit. Dès lors, le siège de la direction effective de la société Diéti Natura doit être regardé comme situé en France pour l'application de la convention franco-suisse.

23. Dans ces conditions, les stipulations de la convention franco-suisse ne font pas échec à l'imposition en France dès lors, d'une part, que celle-ci doit être regardée comme ayant le siège de sa direction effective en France et que trouvent à s'appliquer les stipulations du 3 de l'article 4 de la convention franco-suisse et, d'autre part, qu'il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu de ce qui a été dit aux points 19 et 20 du présent arrêt, qu'une partie de ses bénéfices serait imputable à un " établissement stable " en Suisse permettant de lui ouvrir droit au bénéfice des stipulations de l'article 7 de cette convention.

24. Il résulte des points 19 à 23 du présent arrêt que c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que les bénéfices de la société Diéti Natura étaient imposables à l'impôt sur les sociétés en France au titre des années 2007 et 2009 et qu'ils devaient ainsi être réputés distribués et appréhendés par M.D..., maître de l'affaire, ainsi qu'il a été dit au point 11.

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

25. M. D...et Mme C...soutiennent que la fonctionnaire de la direction du contrôle fiscal Ouest ayant vérifié la comptabilité de la société Diéti Natura n'était pas compétente territorialement dès lors, d'une part, que cette société est une société de droit suisse et, d'autre part, que le siège de son représentant fiscal est situé dans le département du Territoire de Belfort et que le contrôle aurait dû être mené par un agent du service compétent pour ce département. Toutefois, à la supposer même avérée, une telle irrégularité serait sans incidence, à raison de l'indépendance des procédures d'imposition, sur les suppléments d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales mis à leur charge.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

S'agissant de l'année 2007 :

26. Pour reconstituer les bénéfices de la société Diéti Natura, le service s'est fondé sur les achats effectués auprès de la SARL Laboratoires C...auxquels il a appliqué un coefficient de marge de 3,15 résultant d'une étude réalisée sur trente-six produits. Il a par ailleurs retenu d'autres achats et charges externes à partir du compte de résultat provisoire saisi lors des opérations de visite. Le service justifie ainsi suffisamment du montant du bénéfice retenu, au demeurant très largement inférieur à celui finalement admis dans le cadre de la procédure de rectification concernant la société Diéti Natura elle-même, et à partir duquel il a mis à la charge de M. D...et Mme C...des impositions supplémentaires pour la période du 23 octobre 2007 au 31 décembre 2007 pour un montant de 357 657 euros correspondant à des revenus d'origine indéterminée qu'il a estimé correspondre à une partie de ce bénéfice.

27. D'une part, M. D...et Mme C...soutiennent que la somme de 357 657 euros retenue par le service au titre de revenus occultes distribués correspond en réalité à la vente, intervenue le 29 août 2007, d'un voilier pour la somme de 250 000 euros et à la perception de dividendes versés par les sociétés C...D...et Belle Bio pour le surplus. Toutefois, et en tout état de cause, la seule copie d'un chèque de 225 000 euros assortie d'une attestation de l'acheteur du bateau et d'un extrait Kbis de sa société ne suffisent pas à établir l'origine des crédits correspondants inscrits sur leurs comptes bancaires.

28. D'autre part, en se bornant à faire état du caractère limité du nombre de produits sur lesquels le service s'est fondé, elle n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause le bien-fondé des impositions mises à sa charge.

S'agissant de l'année 2009 :

29. M. D...et Mme C...n'ayant présenté aucune observation en réponse à la proposition de rectification qui leur avait été notifiée, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions supplémentaires auxquelles ils ont été assujettis leur incombe en vertu de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales.

30. Par ailleurs , il résulte de la proposition de rectification du 6 avril 2012, que le prix du panier moyen a été fixé à 41,55 euros par le service à partir d'un document propre à l'entreprise et que le chiffre d'affaires auprès des particuliers a été obtenu en multipliant cette moyenne par le nombre de colis expédiés dans l'année 2009 en France et hors de France. Contrairement à ce que M. D...et Mme C...soutiennent, le prix du panier moyen n'a donc pas été déterminé de façon arbitraire. Dès lors, et faute d'établir notamment le caractère erroné des éléments retenus, ils ne sont pas fondés à soutenir que les impositions mises à leur charge présentent un caractère exagéré.

En ce qui concerne les pénalités :

31. M. D...et Mme C...ne présentent aucun moyen propre aux pénalités mises à leur charge.

32. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre chargé des finances est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a déchargé M. D...et MmeC..., en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2007, 2008 et 2009.

Sur les frais liés au litige :

33. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. D...et Mme C...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. D...et Mme C...ont été assujettis au titre des années 2007, 2008 et 2009 sont remises à leur charge dans la limite des montants respectifs, en droits et pénalités, de 261 112 euros, 8 462 euros et 823 480 euros.

Article 2 : Les articles 1er et 3 du jugement du 12 janvier 2016 du tribunal administratif de Nantes sont réformés en ce qu'ils ont de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions d'appel de M. D...et Mme C...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics, à M. B...D...et à Mme G...C....

Délibéré après l'audience du 5 avril 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. Delesalle, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 avril 2018.

Le rapporteur,

H. DelesalleLe président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT01471


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01471
Date de la décision : 19/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Hubert DELESALLE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : SARDAY

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-04-19;16nt01471 ?
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