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13/04/2018 | FRANCE | N°17NT00845

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 13 avril 2018, 17NT00845


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...B...épouse E...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2016 par lequel le préfet de Loir-et-Cher a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 1603579 du 9 février 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...B...épouse E...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2016 par lequel le préfet de Loir-et-Cher a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 1603579 du 9 février 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 mars 2017, MmeE..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 9 février 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2016 ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet du Loir-et-Cher de procéder au réexamen de sa situation en lui délivrant, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, un récépissé de demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

­ l'arrêté contesté est insuffisamment motivé en méconnaissance de la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;

­ la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle justifie pouvoir bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour compte tenu des sévices qu'elle a subis dans son pays d'origine et de sa situation personnelle et familiale ; le préfet, en se remettant aux décisions rendues par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Commission nationale du droit d'asile n'a pas exercé la plénitude de ses attributions ;

­ cette décision méconnaît les stipulations des articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de sa situation personnelle et de celle de sa famille depuis son arrivée en France ;

­ elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention de New-York du 26 janvier 1990 compte tenu de la présence en France de ses trois enfants, dont les deux ainés sont scolarisés et le troisième, né en France, connaît des problèmes de santé et alors qu'ils n'ont plus de contact avec leur père

­ compte tenu de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français manque de base légale en application des dispositions du I de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

­ la décision désignant l'Albanie comme pays de retour est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard aux risques auxquels elle et ses enfants sont exposés dans ce pays, alors que son plus jeune enfant ne pourra pas bénéficier des soins qui lui sont indispensables.

Par lettre du 24 avril 2017, le préfet du Loir-et-Cher a été mis en demeure de produire ses observations dans le délai d'un mois, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.

Mme E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mars 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

­ la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

­ la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

­ le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

­ le code des relations entre le public et l'administration ;

­ la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

­ le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant qu'il ressort des énonciations non contestées de l'arrêté litigieux que Mme F...B...épouseE..., née le 8 mars 1976 à Burel (Albanie) et de nationalité albanaise, est entrée irrégulièrement en France le 17 octobre 2015 pour y déposer une demande d'asile ; que sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 janvier 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 23 mai 2016 ; que par un arrêté du 27 juillet 2016, le préfet du Loir-et-Cher a rejeté sa demande de titre de séjour en assortissant sa décision d'une obligation de quitter le territoire français laquelle fixe le pays à destination duquel elle sera renvoyée à défaut d'exécution volontaire dans le délai de trente jours ; que, par un jugement du 9 février 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande présentée par Mme E...tendant à l'annulation de cet arrêté ; que, par la présente requête, MmeE... relève appel de ce jugement ;

Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) " ; que selon l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. "

3. Considérant que la décision refusant de délivrer à Mme E...un titre de séjour vise les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquels le préfet s'est fondé ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle indique la date et les conditions de l'entrée en France de Mme E...ainsi que différents éléments de sa situation personnelle et familiale, notamment le fait qu'elle est mère de trois enfants mineurs, que son mari fait également l'objet d'une mesure d'éloignement, que ses demandes d'asile ont été successivement rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Commission nationale du droit d'asile (CNDA) sans que l'intéressée n'établisse être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, et qu'elle ne justifiait, au regard de cette situation, d'aucune considération humanitaire, ni d'aucun motif exceptionnel pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, la décision en litige comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, dès lors, suffisamment motivée ; que, par ailleurs, cette motivation établit que, contrairement à ce que soutient la requérante, le préfet ne s'est pas abstenu d'effectuer un examen circonstancié de sa situation personnelle ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et, notamment de la motivation de la décision contestée, que le préfet se serait cru lié par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à l'espèce : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ;

6. Considérant, par ailleurs qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

7. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

8. Considérant que Mme E...fait état, d'une part, de ses craintes en cas de retour en Albanie, et se prévaut, d'autre part, de la présence à ses côtés, en France, de ses trois enfants dont les deux premiers sont scolarisés et le dernier, D..., qui est né sur le territoire français le 9 juin 2016, doit bénéficier de soins médicaux qui lui sont indispensables, de ce que son époux et compatriote ne réside plus avec elle, qu'elle a multiplié les démarches d'insertion et qu'elle n'a plus d'attaches familiales dans son pays d'origine ;

9. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que la requérante, qui est entrée en France à l'âge de 39 ans, ne fait état d'aucune insertion sociale ou professionnelle, ni de liens personnels et familiaux anciens en France ; qu'elle n'apporte au soutien de son allégation selon laquelle elle serait dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, aucun élément de nature à en apprécier le bien-fondé ; que si le jeune D...a été hospitalisé entre le 20 juin 2016 et le 27 juin 2016 pour une fièvre chez un nourrisson de moins de trois mois puis du 26 septembre au 27 septembre 2016 pour des examens médicaux, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, il était atteint d'une pathologie qui nécessiterait une prise en charge médicale qui ne pourrait être assurée en Albanie et dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'il ne ressort également pas de ces mêmes pièces que les deux autres enfants de MmeE..., nés le 24 juillet 2007 et le 24 mars 2009, ne pourraient utilement poursuivre leur scolarité en Albanie, ni que la cellule familiale ne pourrait s'y reconstituer ; qu'enfin, la requérante, dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile, ne produit devant la cour aucun élément de nature à démonter l'existence de risques actuels, sérieux et personnels auxquels elle serait exposée en cas de retour dans son pays d'origine, ni qu'elle ne serait pas en mesure, le cas échéant, d'obtenir la protection des autorités albanaises ; qu'en particulier, les attestations qu'elle a fournies, qui sont peu circonstanciées, ne sauraient apporter cette preuve ; que, dans ces conditions, Mme E...n'établissant pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour en France au sens des dispositions précitées de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'a pas entaché se décision d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions ; que de même, et pour les mêmes motifs, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

10. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) " ; que Mme E...ne peut utilement se prévaloir de ces stipulations, qui ne sont pas applicables aux mesures de police administrative ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, sur laquelle se fonde la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écarté ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

12. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 8, Mme E...n'apporte aucun élément de nature à démonter l'existence de risques actuels, sérieux et personnels auxquels elle serait exposée en cas de retour dans son pays d'origine, ni qu'elle ne serait pas en mesure, le cas échéant, d'obtenir la protection des autorités albanaises ; que, par suite, en désignant l'Albanie comme pays de renvoi, le préfet du Loir-et-Cher n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeE..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Loir-et-Cher de réexaminer sa situation et de lui remettre un récépissé de demande de titre de séjour doivent être rejetées ;

Sur les frais liés au litige :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de MmeE..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...B...épouse E...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Une copie sera transmise au préfet du Loir-et-Cher.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président,

- M. A...'hirondel, premier conseiller,

- Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 avril 2018.

Le rapporteur,

M. G...Le président,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°17NT00845


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00845
Date de la décision : 13/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : CARIOU LEVEQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-04-13;17nt00845 ?
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