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16/03/2018 | FRANCE | N°17NT00901

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 16 mars 2018, 17NT00901


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 27 mai 2015 par laquelle le ministre du travail a accordé à la société La République du Centre l'autorisation de le licencier et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1502555 du 12 janvier 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, en

registrée le 14 mars 2017, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 27 mai 2015 par laquelle le ministre du travail a accordé à la société La République du Centre l'autorisation de le licencier et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1502555 du 12 janvier 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 mars 2017, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 12 janvier 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 27 mai 2015 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la décision du ministre a été signée par une personne incompétente ;

- la réalité du motif économique invoqué n'est pas établie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2017, et son mémoire complémentaire enregistré le 3 janvier 2018, la société La République du Centre, représentée par la Selarl Segur Avocats, conclut au rejet de la requête et ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

L'ensemble de la procédure a été communiquée au ministre du travail qui n'a produit aucune écriture.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le décret n°2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret du 20 mars 2014 portant nomination du directeur général du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sacher,

- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant la société La République du Centre.

1. Considérant que la société La République du Centre, appartenant au groupe Centre France, intervient dans le secteur d'activité presse écrite du groupe ; qu'elle employait en janvier 2012, 131 salariés en contrat à durée indéterminée dont M.B..., délégué syndical, délégué du personnel suppléant et employé en qualité de bobinier ;

2. Considérant que la société La République du Centre a informé le comité d'entreprise le 5 novembre 2013 de la mise en place d'un plan de réorganisation de l'entreprise qui conduisait notamment à mettre fin à l'activité d'impression réalisée à Saran ; qu'un plan de sauvegarde de l'emploi a été adopté par la société ; que celui-ci prévoyait, sur les 131 postes que comptait l'entreprise, la suppression de 51 postes ; que la décision du directeur de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) validant l'accord d'entreprise relatif au plan de sauvegarde a fait l'objet d'un recours contentieux qui a été rejeté par le tribunal par un jugement du 15 juillet 2014, confirmé par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Nantes le 22 octobre 2014 ; que, par un courrier du 7 février 2014, M.B..., qui occupait les fonctions de bobinier, a été informé que son emploi allait être supprimé ; que des offres de reclassement lui ont alors été faites au sein du groupe qu'il a refusées ; que, par un courrier du 7 octobre 2014, il a été convoqué à un entretien préalable au licenciement le 17 octobre suivant ; que le comité d'entreprise a émis un avis défavorable à son licenciement ;

3. Considérant que la société La République du Centre a sollicité l'autorisation de licencier M. B...par courrier du 18 novembre 2014 ; que l'inspecteur du travail, par une décision du 31 décembre 2014, a refusé de lui accorder l'autorisation de licencier l'intéressé ; qu'elle a formé un recours hiérarchique devant le ministre du travail qui, par la décision attaquée du 27 mai 2015, a annulé la décision de l'inspecteur du travail et lui a accordé l'autorisation de licencier M. B...; que M. B...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif d'Orléans a refusé d'annuler cette décision ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte :

4. Considérant que conformément aux dispositions de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005, le directeur général du travail dispose de la délégation pour signer, au nom du ministre du travail, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous son autorité ; que par décret du 20 mars 2014, publié au Journal officiel de la République française du 21 mars suivant, M.E..., signataire de la décision attaquée, a été nommé directeur général du travail ; que par suite, le vice d'incompétence allégué doit être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la réalité du motif économique :

5. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement d'un salarié protégé, qui bénéficie, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'il représente, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; qu'est au nombre des causes sérieuses de licenciement économique la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ;

6. Considérant que pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société qui fait partie d'un groupe, l'autorité administrative ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de l'entreprise demanderesse, mais est tenue, dans le cas où la société intéressée relève d'un groupe, de faire porter son examen sur la situation économique de l'ensemble des sociétés du groupe oeuvrant dans le même secteur d'activité que la société en cause ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société La République du Centre a sollicité l'autorisation de licencier M. B...en faisant valoir la nécessité de procéder à une réorganisation du secteur presse du groupe ayant pour objet de mutualiser et de rationaliser les centres d'impression des titres du groupe, afin de sauvegarder sa compétitivité dans ce secteur ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport remis au ministre de la culture en avril 2013 sur les aides à la presse, des tableaux chiffrés établis dans le cadre de l'observatoire de la presse pour les années 2009 à 2014 et des tableaux chiffrés sur les résultats publicitaires pour les années 2011 à 2014, que le secteur d'activité de la presse écrite connait des difficultés importantes qui se traduisent par une baisse des ventes de journaux concurrencés par la presse gratuite et d'autres canaux d'information tel que le multimédia, une réduction du nombre de points de vente, une diminution " sensible " du chiffre d'affaires des entreprises du secteur et une baisse des recettes publicitaires ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que cet état de fait constaté de manière générale au niveau du secteur d'activité de la presse écrite impacte également le groupe Centre France auquel appartient la société La République du Centre ; que le document d'information établi dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi fait état d'une baisse des ventes des titres de la presse quotidienne du groupe de l'ordre de 6,56% sur la période de 2008 à 2012 et de la presse hebdomadaire de l'ordre de 15% sur la même période ; qu'il indique que les recettes publicitaires générées par la presse écrite, et qui constituent l'une de ses principales ressources, ont baissé de 20,92% pour la presse quotidienne sur la période de 2008 à 2012 et de 9,97% pour la presse hebdomadaire ; que, même en intégrant l'acquisition en juillet 2013 du groupe " L'Eveil ", il apparait que la diffusion des quotidiens du groupe a baissé de l'ordre de 11,7% entre 2008 et 2014 et celle de la presse hebdomadaire de 13,7% tandis que les revenus publicitaires ont chuté de 33,9% pour les quotidiens et de 25,1% pour les hebdomadaires pendant la même période ; qu'il apparaît que le rapport établi par le cabinet Secafi dans le cadre de la mission qui lui a été confiée par le comité de groupe fait état d'une baisse du chiffre d'affaires subi par la presse quotidienne régionale du groupe de l'ordre de 8,7% pour l'année 2014 ; qu'il relate une baisse des recettes publicitaires pour la presse quotidienne de l'ordre de 11% et de 13,1% pour la presse hebdomadaire sur la période 2012/2014 ; que, selon ce cabinet, la baisse du chiffre d'affaires pour la presse quotidienne du groupe est de l'ordre de 3,2% sur la période de 2011 à 2014 et de 7,8% pour la presse hebdomadaire ; que le rapport établi par le cabinet Metis, qui a notamment pour objet d'apporter une analyse critique sur les choix de gestion opérés par le groupe dont il n'appartient pas à l'administration du travail de contrôler l'opportunité, constate également une baisse du volume des ventes subies par le groupe Centre France ; que si ce rapport affirme que le groupe se trouve en situation de quasi-monopole sur son territoire géographique du fait du choix stratégique qui a été opéré d'une croissance externe par le rachat d'organes de presse, il ressort néanmoins de l'ensemble des pièces précitées que la presse écrite du groupe est concurrencée par les journaux gratuits et les autres canaux d'information comme en témoigne la baisse des ventes ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'augmentation parallèle des prix de vente ou une meilleure prise en compte de l'inflation seraient susceptibles à elles seules d'inverser ces tendances de fond et leur impact sur les comptes de la société ; qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que plusieurs sociétés intervenant dans le même secteur ont dû mettre en place des plans de restructuration au niveau national comme au niveau régional ;

10. Considérant, par suite, et compte tenu de l'ensemble des éléments propres à la situation du groupe Centre France, que la sauvegarde de la compétitivité du groupe était menacée dans le secteur d'activité de la presse écrite ; que, dans ces conditions, le moyen soulevé par

M. B...tiré de ce que la réalité du motif économique invoqué ne serait pas établi doit être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les frais liés au litige :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée au titre de ces dispositions ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. B...la somme demandée au même titre par la société La République du Centre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société La République du Centre sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre du travail et à la Société La République du Centre.

Délibéré après l'audience du 23 février 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Phémolant, présidente de la cour,

- M. Francfort, président assesseur,

- M. Sacher, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 mars 2018.

Le rapporteur,

E. SACHERLa présidente,

B. PHEMOLANT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°17NT00901


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00901
Date de la décision : 16/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. Eric SACHER
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : SCP ALQUIER et HOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-03-16;17nt00901 ?
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