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16/03/2018 | FRANCE | N°16NT03521

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 16 mars 2018, 16NT03521


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision en date du 1er octobre 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 1308636 du 12 octobre 2016, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à sa demande et a enjoint au ministre de l'intérieur de statuer à nouveau sur sa demande de naturalisation.

Procédure devant la cour :

Par un recours, enregistré le 24 octobre 2016 et un mémoire complémen

taire en date du 20 mars 2017, le ministre de l'intérieur, demande à la cour d'annuler ce ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision en date du 1er octobre 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 1308636 du 12 octobre 2016, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à sa demande et a enjoint au ministre de l'intérieur de statuer à nouveau sur sa demande de naturalisation.

Procédure devant la cour :

Par un recours, enregistré le 24 octobre 2016 et un mémoire complémentaire en date du 20 mars 2017, le ministre de l'intérieur, demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 octobre 2016.

Il soutient que :

- compte-tenu du caractère de faveur que revêt la naturalisation, il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation et que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le motif lié à l'insertion professionnelle de M. D...ne justifiait pas à lui seul le rejet de sa demande ;

- au vu de son large pouvoir d'appréciation en matière de naturalisation, il a pu valablement rejeter la demande de M. D...au vu des informations fournies par les services de sécurité français, indiquant que M. D...entretient des relations avec une personne interpellée en 2012 pour des faits relevant de la criminalité organisée transfrontalière ;

- lors de son entretien mené par les services de sécurité, M. D...a indiqué qu'il était impliqué dans la vie politique russe et avait été candidat aux élections législatives de 2007 ;

- M. D...n'a réalisé ni son insertion professionnelle, ni acquis son autonomie matérielle, ayant bénéficié du revenu de solidarité active de juillet 2010 à mai 2012, percevant une allocation pour adulte handicapé depuis mai 2012 et se bornant à produire un bilan professionnel pour l'année 2013 sans justifier de l'activité effective de son entreprise ou des revenus qu'elle lui procure ;

- M. D...ne conteste pas valablement que sa motivation pour acquérir la nationalité française se limitait à lui faciliter ses déplacements à l'étranger.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2017, M. C...D..., représenté par Me Follope, avocat, conclut au rejet du recours et à la condamnation de l'Etat à verser à Me Follope une somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 janvier 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;

- le décret n°2005-850 du 27 juillet 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sacher,

- et les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public.

1. Considérant que M.D..., ressortissant russe né le 29 août 1971 bénéficiaire du statut de réfugié en France, a sollicité l'acquisition de la nationalité française ; que, par décision du 27 novembre 2012, le préfet de police a rejeté sa demande ; que, sur recours de M.D..., le ministre a confirmé ce refus par une décision du 1er octobre 2013 ; que le ministre relève appel du jugement administratif de Nantes du 12 octobre 2016 ayant annulé sa décision du 1er octobre 2013 rejetant la demande de naturalisation de M.D... ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. " et qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993: " Dès réception du dossier, le ministre chargé des naturalisations procède à tout complément d'enquête qu'il juge utile, portant sur la conduite et le loyalisme de l'intéressé. (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicité, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande. (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que le ministre dispose, à cet égard, d'un large pouvoir d'appréciation ;

3. Considérant que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, le ministre peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ainsi que son degré d'intégration dans la société française ; que le ministre a rejeté le recours de M. D...en se fondant sur trois motifs ; que le premier motif était tiré du manque de loyalisme envers la France au regard des relations personnelles qu'a pu entretenir M. D... ; que le deuxième motif était tiré du manque d'insertion professionnelle de l'intéressé qui ne dispose pas de ressources suffisantes et stables ; que le troisième motif était tiré du manque de motivation de l'intéressé pour acquérir la nationalité française, sauf les facilités de déplacement que celle-ci lui permettrait d'obtenir ;

4. Considérant que l'autorité administrative dispose, en matière de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française, d'un large pouvoir d'appréciation ; qu'elle peut, dans l'exercice de ce pouvoir, prendre en considération notamment, pour apprécier l'intérêt que présenterait l'octroi de la nationalité française, l'intégration de l'intéressé dans la société française, son insertion sociale et professionnelle et le fait qu'il dispose de ressources lui permettant de subvenir durablement à ses besoins en France ; que si M. D...est inscrit depuis le 25 octobre 2012 au registre du commerce et des sociétés comme gérant d'une société à responsabilité limitée dont l'activité consiste en des travaux de maçonnerie, carrelage, plâtrerie, peinture, électricité, plomberie, démolition et menuiserie, il se borne à produire un bilan prévisionnel pour l'année 2013 sans justifier ni de l'activité effective de son entreprise ni des revenus qu'elle lui procure depuis sa création ; qu'il ne justifie pas l'existence d'une activité professionnelle antérieure ; qu'il n'est pas contesté que M. D...a bénéficié du revenu de solidarité active de juillet 2010 à mai 2012, dont le montant était de 466,99 euros en juin 2011 ; que reconnu invalide à un taux d'incapacité inférieur à quatre-vingts pour cent par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées réunie le 2 mai 2012, il perçoit l'allocation pour adulte handicapé dont le montant, en octobre 2013, était de 790,18 euros ; qu'il n'a déclaré que 5 000 euros de revenus au titre de l'année 2012 ; que si le requérant se prévaut de ses difficultés linguistiques, psychologiques et physiques pour expliquer le retard pris dans la recherche d'un emploi stable et durable, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces difficultés auraient rendu impossible toute prise de poste ou d'emploi adapté ; que, dans ces conditions, M. D... ne peut être considéré comme ayant réalisé pleinement son insertion professionnelle et disposer de ressources suffisantes et stables à la date de la décision contestée ; qu'en se fondant sur le manque d'insertion professionnelle et l'absence de ressources suffisantes et stables de M.D..., le ministre n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'il aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que ce seul motif ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du ministre,

celui-ci est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision contestée en considérant qu'il ne résultait pas de l'instruction qu'il aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. D...devant le tribunal administratif de Nantes ;

6. Considérant que la décision contestée a été signée par M. A...B...,

sous-directeur de l'accès à la nationalité française, nommé par arrêté du 29 juillet 2013 publié au Journal officiel du 31 juillet suivant ; que ce dernier bénéficie, en cette qualité, en vertu des dispositions de l'article 1er du décret susvisé du 27 juillet 2005, d'une délégation de signature l'autorisant notamment à signer, au nom du ministre de l'intérieur, les décisions de rejet de demande de naturalisation ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit, dès lors, être écarté ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 1er octobre 2013 ;

Sur les frais liés au litige :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée à ce titre par Me Follope ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 12 octobre 2016 est annulé.

Article 2 : La demande de M. D...devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus de ses conclusions devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. C... D....

Délibéré après l'audience du 23 février 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Phémolant, présidente de la cour,

- M. Francfort, président assesseur,

- M. Sacher, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 mars 2018.

Le rapporteur,

E. SACHERLa présidente,

B. PHEMOLANT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT03521


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT03521
Date de la décision : 16/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. Eric SACHER
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : FOLLOPE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-03-16;16nt03521 ?
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