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16/03/2018 | FRANCE | N°16NT01592

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 16 mars 2018, 16NT01592


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I...C..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de ses enfants F...et M...C..., et M. A...C...ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner solidairement la commune de Cancale, le département d'Ille-et-Vilaine et l'Etat à les indemniser des préjudices nés pour eux du décès accidentel, le 23 août 2010, de L...C..., leur époux et père, après une chute depuis un sentier de randonnée.

Par un jugement n° 1302838 du 24 mars 2016, le tribunal administra

tif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I...C..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de ses enfants F...et M...C..., et M. A...C...ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner solidairement la commune de Cancale, le département d'Ille-et-Vilaine et l'Etat à les indemniser des préjudices nés pour eux du décès accidentel, le 23 août 2010, de L...C..., leur époux et père, après une chute depuis un sentier de randonnée.

Par un jugement n° 1302838 du 24 mars 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 mai 2016 et 28 mars 2017, Mme I...C..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de M...C..., et MM. F...C...et A...C..., représentés par MeH..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 24 mars 2016 ;

2°) de condamner solidairement la commune de Cancale, le département d'Ille-et-Vilaine et l'Etat à verser à Mme I...C...la somme globale de 250 041,27 euros et à MM. F...et A...C... chacun la somme de 20 000 euros ;

3°) de condamner solidairement la commune de Cancale, le département d'Ille-et-Vilaine et l'Etat à leur verser la somme de 2 000 euros chacun en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur demande présentée devant le tribunal administratif n'avait pas à être précédée d'une demande indemnitaire préalable, dès lors qu'ils ont subi un dommage de travaux publics ; une telle demande a, en toute hypothèse, été formée le 6 août 2014 auprès des trois personnes publiques mises en cause ;

- cette demande était recevable, dès lors qu'ils l'ont présentée par le biais de l'application informatique Télérecours, leur identification selon les modalités prévues pour le fonctionnement de cette application valant signature ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le sentier côtier sur lequel circulait M. C...au moment de l'accident présente le caractère d'un ouvrage public ou d'une dépendance d'un tel ouvrage ; il s'agit d'un chemin de randonnée ouvert à la circulation publique et entretenu à cet effet ;

- la chute de L... C...est imputable à un défaut d'entretien et d'aménagement normal de cet ouvrage, dès lors qu'aucune barrière ni signalisation n'avaient été mise en place quant au risque de chute, alors que le sentier est étroit et bordé de broussailles d'un coté, et d'une falaise de l'autre ; de fortes pluies étaient tombées dans les heures précédant l'accident, rendant le chemin d'autant plus glissant ; il est probable que de hautes herbes masquaient le bord du sentier ; ce sentier présente le caractère d'un ouvrage exceptionnellement dangereux, d'autres accidents s'y étant produits ;

- L... C...n'a commis aucune faute de nature à exonérer le maître de l'ouvrage de sa responsabilité ;

- la responsabilité de la commune de Cancale peut également être engagée du fait de la carence du maire, qui n'a pas mis en oeuvre les mesures de sécurité qui s'imposaient eu égard aux précipitations intervenues dans la nuit et la matinée ayant précédé l'accident ;

- le montant des préjudices qu'ils ont subis s'élève à 5 227,27 euros pour les frais d'obsèques de M.C..., 134 866 euros pour le préjudice financier subi par Mme I...C..., 86 896 euros pour le préjudice financier subi par M... et F...C..., 25 000 euros pour le préjudice moral subi par MmeC..., et 20 000 euros pour le préjudice moral subi par chacun des enfants du défunt.

Par un mémoire enregistré le 1er août 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête présentée par les consorts C...et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne.

Il fait valoir que :

- la requête des consorts C...est irrecevable faute d'avoir été précédée d'une demande préalable adressée à l'administration ;

- les moyens présentés par les requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 23 août 2016, la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 24 mars 2016 ;

2°) de condamner solidairement la commune de Cancale, le département d'Ille-et-Vilaine et l'Etat au remboursement des sommes de 7 987,42 euros et 229 197,06 euros au titre des débours exposés en faveur, respectivement, de L... C...et de Mme I...C..., sommes assorties des intérêts au taux légal courant à compter du 4 novembre 2013, et au versement de l'indemnité forfaitaire de gestion d'un montant de 1 047 euros pour chacun des deux assurés sociaux ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Cancale, du département d'Ille-et-Vilaine et de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité de la commune de Cancale, du département d'Ille-et-Vilaine et de l'Etat est engagée pour défaut d'entretien normal du sentier sur lequel circulait L... C...au moment de l'accident ;

- elle établit avoir servi des prestations pour le compte de ce dernier et de Mme I...C...par la production de notifications définitives de ses débours.

Par des mémoires enregistrés les 27 septembre 2016, 3 février 2017 et 16 octobre 2017 le département d'Ille-et-Vilaine, représenté par MeE..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête des consortsC..., à titre subsidiaire, à la condamnation solidaire de l'Etat et de la commune de Cancale à le garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, et à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les moyens présentés par les requérants ne sont pas fondés ;

- dans l'hypothèse où sa responsabilité serait retenue, il sollicite la garantie de l'Etat en sa qualité de maître de l'ouvrage, et de la commune de Cancale eu égard aux pouvoirs de police que détient son maire en matière de sécurité publique sur le territoire de sa commune en application des articles L. 2212-1 et L. 2212-3 du code général des collectivités territoriales.

Par un mémoire enregistré le 7 octobre 2016 la commune de Cancale, représentée par

MeG..., conclut au rejet de la requête des consortsC..., à ce que l'Etat soit condamné à la garantir des éventuelles condamnations prononcées à son encontre et à ce que la somme de

1 500 euros soit mise à la charge des consorts C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable, dès lors qu'elle ne comporte pas la signature des requérants ou de leur mandataire ;

- les moyens présentés par les requérants ne sont pas fondés ;

- dans l'hypothèse où sa responsabilité serait retenue, l'Etat devra être condamné à la garantir à hauteur des sommes en cause, car les servitudes littorales relèvent de sa compétence ainsi que les chemins de grande randonnée.

Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 juillet 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Massiou,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- les observations de Mme C...et de MeD..., substituant MeE..., représentant le département d'Ille-et-Vilaine.

1. Considérant que, le 23 août 2010, L... C...a été victime d'une chute alors qu'il circulait sur le sentier de grande randonnée n° 34, ou sentier des douaniers, sur le tronçon situé entre le camping municipal de Cancale (Ille-et-Vilaine) et la pointe du Groin ; qu'il est décédé des suites de ses blessures ; que son épouse, Mme I...C..., et ses enfants M... C...et MM. A...et F...C..., relèvent appel du jugement du 24 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à ce que la commune de Cancale, le département d'Ille-et-Vilaine et l'Etat soient solidairement condamnés à les indemniser des préjudices nés pour eux du décès de leur mari et père ; que la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Mayenne demande pour sa part la condamnation de ces mêmes personnes publiques à lui rembourser le montant des débours exposés pour le compte de L... C...et de Mme I...C... ;

Sur la responsabilité sans faute de l'Etat et du département d'Ille-et-Vilaine :

2. Considérant que pour obtenir réparation, par le maître de l'ouvrage, des dommages qu'il a subis à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public, l'usager de cet ouvrage doit démontrer devant le juge, d'une part, la réalité de son préjudice, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et le dommage ; que pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur elle, il incombe à la collectivité maître d'ouvrage soit d'établir qu'elle a normalement entretenu l'ouvrage soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure ;

3. Considérant que le tronçon de sentier sur lequel s'est produit l'accident est situé, pour l'essentiel, sur des propriétés privées grevées de la servitude de passage longitudinale prévue par les dispositions de l'article L. 121-31, anciennement L. 160-6, du code de l'urbanisme ; que ce sentier fait l'objet, pour sa partie située dans le département d'Ille-et-Vilaine, d'une convention " de partenariat " conclue entre ce département et l'Etat le 13 juin 1997, dont il résulte que l'Etat est maître d'ouvrage pour les travaux de premier établissement et de grosses réparations du sentier, le département étant, pour sa part, en charge de l'entretien courant des sections ouvertes au public ; qu'il résulte de l'instruction que ce sentier, qui a la nature d'un bien immobilier, a fait l'objet d'aménagements consistant en la mise en place d'une signalisation à vocation préventive contre le risque de chute, particulière et complète, en un balisage à la peinture, et en l'installation d'une barrière et d'un portillon, avec emprise au sol, ainsi que de rondins de bois permettant de délimiter un escalier ; que ces aménagements ont pour objet de permettre l'affectation du sentier à l'usage du public ; que, par suite, la section du sentier sur laquelle s'est produit l'accident constitue un ouvrage public ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la planche photographique réalisée par la gendarmerie de Cancale, que le sentier litigieux, bien que bordé par de la végétation, était correctement dégagé, les broussailles n'entravant pas la visibilité ; que, selon l'enquête menée par la gendarmerie, les causes de la chute restent indéterminées ; que la victime, qui faisait partie d'un groupe de cinq personnes, fermait la marche, et qu'aucun des autres promeneurs n'avait rencontré de difficultés ; que les précipitations survenues dans la nuit et la matinée ayant précédé l'accident ne présentaient pas de caractère exceptionnel eu égard aux relevés pluviométriques versés au dossier ; que si les requérants soutiennent que la chute de L... C...serait liée à un glissement de terrain, ils ne versent aucun élément au dossier permettant d'étayer cette allégation ; que la circonstance invoquée que d'autres accidents, dont les circonstances ne sont pas analogues, ont eu lieu à d'autres moments dans la même zone ne permet pas d'établir une carence dans l'entretien du sentier ; que, dans ces conditions, l'Etat et le département d'Ille-et-Vilaine doivent être regardés comme établissant l'absence de défaut d'entretien normal de l'ouvrage public où a eu lieu l'accident ; qu'il suit de là que les requérants ne sont pas fondés à demander la condamnation de ces deux personnes publiques à réparer les conséquences dommageables de l'accident dont a été victime L... C...;

Sur la responsabilité pour faute de la commune de Cancale :

5. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé (...) de la police municipale (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables (...) les accidents (...) " et qu'aux termes de l'article L. 2212-3 du même code : " La police municipale des communes riveraines de la mer s'exerce sur le rivage de la mer jusqu'à la limite des eaux. " ;

6. Considérant que les requérants recherchent la responsabilité pour faute de la commune de Cancale en raison de la carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police ; qu'ils soutiennent que le sentier aurait dû être fermé au public du fait des fortes précipitations survenues avant l'accident, ou faire à tout le moins l'objet d'une signalisation spécifique à cet égard ; qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la chute de L... C...puisse être imputée à un glissement de terrain ni que les précipitations aient présenté un caractère exceptionnel qui aurait justifié la fermeture du site ou une signalisation supplémentaire ; qu'en outre, les panneaux disposés en trois points du sentier aux abords du lieu de l'accident mettaient en garde les usagers contre le risque de chute en bordure immédiate de la falaise ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions présentées par les requérants à l'encontre de la commune de Cancale sur le fondement d'une faute commise par le maire dans l'exercice de son pouvoir de police générale ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ou de la demande de première instance, que les consorts C...ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande ; qu'il n'y a pas lieu, par voie de conséquence, de faire droit aux conclusions présentées par la CPAM de la Mayenne ;

Sur les frais de l'instance :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Cancale, du département d'Ille-et-Vilaine et de l'Etat, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, le versement des sommes que demandent les consorts C...et la CPAM de la Mayenne au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la commune de Cancale et le département d'Ille-et-Vilaine à l'encontre des consorts C...;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des consorts C...et les conclusions présentées devant la cour par la CPAM de la Mayenne sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Cancale et du département d'Ille-et-Vilaine tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I...C..., à MM. A...et F...C..., à Mme MélissaC..., à la commune de Cancale, au département d'Ille-et-Vilaine, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Mayenne et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 22 février 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Lemoine, premier conseiller,

- Mme Massiou, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 mars 2018.

Le rapporteur,

B. MassiouLe président,

I. PerrotLe greffier,

M. Le Réour

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT01592


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01592
Date de la décision : 16/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Barbara MASSIOU
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SCP DESBOIS BOULIOU ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-03-16;16nt01592 ?
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