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26/01/2018 | FRANCE | N°16NT00148

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 26 janvier 2018, 16NT00148


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...F...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier Bretagne-Atlantique à lui verser la somme de 341 575,99 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'infection nosocomiale qu'elle estime avoir contractée dans cet établissement ;

Par un jugement n°1304328 du 19 novembre 2015, le tribunal administratif de Rennes a donné acte du désistement d'instance de Mme F...et a condamné le centre hospitalier Bretagne-Atlantique à verser à la caisse

primaire d'assurance maladie du Morbihan une indemnité de 40 339,60 euros inclu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...F...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier Bretagne-Atlantique à lui verser la somme de 341 575,99 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'infection nosocomiale qu'elle estime avoir contractée dans cet établissement ;

Par un jugement n°1304328 du 19 novembre 2015, le tribunal administratif de Rennes a donné acte du désistement d'instance de Mme F...et a condamné le centre hospitalier Bretagne-Atlantique à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan une indemnité de 40 339,60 euros incluant l'indemnité forfaitaire de gestion, à la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne une indemnité de 1 206 euros incluant l'indemnité forfaitaire de gestion et a mis à la charge du centre hospitalier une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 18 janvier 2016, le 4 avril 2016 et le 15 juin 2016, le centre hospitalier Bretagne-Atlantique, représenté par MeE..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 19 novembre 2015 en ses articles 2 à 6 ;

2°) de rejeter les demandes des caisses primaires d'assurance maladie du Morbihan et du Lot-et-Garonne ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise médicale ;

4°) de mettre à la charge des caisses primaires d'assurance maladie du Morbihan et du Lot-et-Garonne des sommes de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'expertise médicale rendue le 14 mars 2012 ne peut lui être opposée, dès lors qu'elle n'a pas été réalisée à son contradictoire ;

- l'infection nosocomiale contractée par Mme F...était présente ou en incubation avant son admission au centre hospitalier d'Auray, ce qui le décharge de toute responsabilité ;

Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 février 2016 et le 22 mars 2017, la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne, représentée par Me A...D..., conclut au rejet de la requête et demande à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier Bretagne-Atlantique la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le centre hospitalier Bretagne-Atlantique ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er juin 2016 et le 28 juin 2016, la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan, représentée par MeI..., conclut au rejet de la requête et demande à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier Bretagne-Atlantique la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le centre hospitalier Bretagne-Atlantique ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Berthon,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant le centre hospitalier Bretagne-Atlantique, et de MeB..., représentant la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan.

1. Considérant que Mme F...a subi, le 25 juin 2008, une intervention chirurgicale au CHU de Rennes afin de remplacer sa prothèse du genou gauche ; que, durant son séjour au centre de rééducation fonctionnel de Kerpape, où elle avait été admise le 7 juillet 2008 pour une période de convalescence et de rééducation, elle s'est blessée le genou gauche à l'occasion d'une chute ; que, le 20 août 2008, elle a été transférée à l'hôpital d'Auray, établissement faisant partie du centre hospitalier Bretagne-Atlantique, pour la poursuite de sa rééducation ; que le 29 septembre 2008, des examens ont révélé que son genou gauche était infecté par un staphylocoque ; qu'à la suite de cette infection, Mme F...a dû subir une nouvelle opération au CHU de Rennes, le 28 octobre 2008, au cours de laquelle sa prothèse lui a été retirée et une arthrodèse a été réalisée ; que MmeF..., après avoir obtenu une expertise médicale du juge des référés du tribunal de grande instance de Lorient, a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande d'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'infection nosocomiale qu'elle a contractée au centre hospitalier Bretagne-Atlantique ; que le tribunal administratif de Rennes, par le jugement attaqué du 19 novembre 2015, après avoir donné acte à Mme F...de son désistement d'instance, a condamné le centre hospitalier Bretagne-Atlantique à verser aux caisses primaires d'assurance maladie du Morbihan et du Lot-et-Garonne des indemnités de 40 339,60 euros et de 1 206 euros incluant l'indemnité forfaitaire de gestion ; que le centre hospitalier Bretagne-Atlantique relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que le centre hospitalier Bretagne-Atlantique soutient que le tribunal administratif ne pouvait, sans entacher son jugement d'irrégularité, se fonder sur le rapport d'expertise rendu le 14 mars 2012, dès lors que celui-ci n'avait pas été réalisé à son contradictoire ; que, toutefois, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que ce rapport soit retenu par les premiers juges à titre d'élément d'information et à ce que, dès lors qu'il avait pu être contesté à l'occasion de la procédure juridictionnelle, ceux-ci statuent sans recourir à une nouvelle expertise ; que, par suite, le centre hospitalier Bretagne-Atlantique n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique :

" I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. " ; que si ces dispositions font peser sur l'établissement de santé la responsabilité des infections nosocomiales, qu'elles soient exogènes ou endogènes, à moins que la preuve d'une cause étrangère soit rapportée, seule une infection survenant au cours ou au décours d'une prise en charge et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge peut être qualifiée de nosocomiale ;

4. Considérant que l'expert a retenu comme cause probable de l'infection par staphylocoque contractée par Mme F...une inoculation du dehors en dedans à partir d'une fistule interne qui s'est constituée en septembre 2008 ; que le centre hospitalier

Bretagne-Atlantique soutient au contraire que cette infection était déjà présente lors de son admission à l'hôpital d'Auray le 20 août 2008 ; que, d'une part, la circonstance que Mme F... se soit plainte le 26 août 2008, à une date au demeurant postérieure à son arrivée au centre hospitalier Bretagne-Atlantique, d'écoulements provenant depuis plusieurs jours de sa plaie ne saurait infirmer l'analyse de l'expert, dès lors qu'il ne résulte d'aucune des pièces de l'instruction que ces écoulements seraient en relation avec l'infection litigieuse ni antérieurs à son arrivée ; que, d'autre part, si le centre hospitalier Bretagne-Atlantique verse à l'instruction, pour la première fois en appel, une note établie par le docteur Marchetti, titulaire du diplôme universitaire " hygiène hospitalière et prévention des infections nosocomiales ", selon laquelle l'infection contractée par Mme F...résulterait plutôt des lésions cutanées secondaires à sa chute et aurait pu se produire en juillet ou en août 2008, avant son admission au centre hospitalier Bretagne-Atlantique, il est constant que l'infection litigieuse n'a été découverte qu'à l'occasion d'un examen réalisé le 29 septembre 2008, soit plus d'un mois après l'admission de Mme F... dans cet établissement, ce qui rend peu vraisemblable l'hypothèse soutenue par le docteur Marchetti ; qu'il ne résulte donc pas de l'instruction que l'infection contractée par Mme F... aurait été présente ou en incubation lors de son admission au centre hospitalier Bretagne-Atlantique ; qu'ainsi, le centre hospitalier Bretagne-Atlantique ne rapporte pas la preuve que cette infection résulterait d'une cause étrangère ; qu'il s'ensuit que les premiers juges ont à bon droit estimé que la responsabilité du centre hospitalier Bretagne-Atlantique était engagée ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier Bretagne-Atlantique n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes l'a condamné à indemniser les caisses primaires d'assurance maladie du Morbihan et du Lot-et-Garonne ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan et de la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, les sommes que le centre hospitalier Bretagne-Atlantique demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du centre hospitalier Bretagne-Atlantique au bénéfice de chaque caisse primaire une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan et par la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier Bretagne-Atlantique est rejetée.

Article 2 : Le centre hospitalier Bretagne-Atlantique versera à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan et à la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne une somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier Bretagne-Atlantique, à Mme G...F..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan et à la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Phémolant, président de cour,

- M. Coiffet, président assesseur,

- M. Berthon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 janvier 2018.

Le rapporteur,

E. BerthonLe président,

B. Phémolant

Le greffier,

M. H...

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT00148


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT00148
Date de la décision : 26/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SCP DUROUX-COUERY

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-01-26;16nt00148 ?
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