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12/01/2018 | FRANCE | N°16NT02965

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 12 janvier 2018, 16NT02965


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence, majorée des intérêts au taux légal, avec capitalisation des intérêts échus, à compter de la première demande d'indemnisation.

Par un jugement n° 1404632 du 23 juin 2016, le tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etat à lui verser la somme de 6 000 euros en réparation de son préjudic

e moral et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un recou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence, majorée des intérêts au taux légal, avec capitalisation des intérêts échus, à compter de la première demande d'indemnisation.

Par un jugement n° 1404632 du 23 juin 2016, le tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etat à lui verser la somme de 6 000 euros en réparation de son préjudice moral et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours, enregistré le 29 août 2016, le ministre de la défense demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 juin 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rennes.

Il soutient que :

- la durée d'exposition aux poussières d'amiante ne constitue pas une présomption de reconnaissance du préjudice d'anxiété ;

- les attestations produites par l'intéressé ne permettent pas d'établir un préjudice d'anxiété ;

- on ne peut pas reconnaître un préjudice d'anxiété à un militaire dès lors qu'il ne peut bénéficier du dispositif d'allocation de cessation anticipée ;

- le jugement est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur la reconnaissance du préjudice d'anxiété ;

- le montant de l'indemnisation du préjudice d'anxiété accordé par les premiers juges est disproportionné et dépourvu de motivation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2017, M. C...A..., représenté par Me D..., conclut au rejet du recours et, par la voie de l'appel incident, à ce que l'Etat soit condamné au paiement de la somme de 30 000 euros au titre des préjudices subis, assortie des intérêts légaux capitalisés, et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par le ministre de la défense ne sont pas fondés ;

- l'espérance de vie moyenne d'une personne exposée aux fibres d'amiante est considérablement réduite et les maladies liées à l'inhalation de poussières d'amiante ne font l'objet d'aucun traitement efficace ;

- l'exposition à l'amiante génère chez lui une anxiété permanente et des troubles dans ses conditions d'existence, lesquelles justifient le versement d'une somme de 30 000 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998, et notamment son article 41 ;

- le décret n°77-949 du 17 août 1977 modifié ;

- le décret n°96-97 du 7 février 1996 ;

- le décret n°2001-1269 du 21 décembre 2001 ;

- l'arrêté du 21 avril 2006 relatif à la liste des professions, des fonctions et des établissements ou parties d'établissements permettant l'attribution d'une allocation spécifique de cessation anticipée d'activité à certains ouvriers de l'Etat, fonctionnaires et agents non titulaires du ministère de la défense ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau,

- les conclusions de Mme Rimeu, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant M.A....

1. Considérant que M.A..., né le 3 février 1945, a travaillé au sein de la Marine Nationale du 1er janvier 1965 au 4 mars 1990 en qualité de maître principal ; qu'au cours de sa carrière professionnelle, il a été exposé aux poussières d'amiante ; qu'après avoir présenté une réclamation indemnitaire préalable restée sans réponse, M. A... a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis du fait de la carence fautive de l'Etat dans la protection de ses agents contre le risque lié à l'exposition aux poussières d'amiante ; que, par son recours, le ministre de la défense relève appel du jugement du 23 juin 2016 en tant que le tribunal administratif de Rennes l'a condamné à verser à M. A...la somme de 6 000 euros ; que, par son appel incident, M. A...demande à la cour de réformer ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

Sur le préjudice moral :

2. Considérant que les premiers juges ont retenu la carence fautive de l'Etat dans la mise en oeuvre des mesures de protection particulières des ouvriers contre les poussières d'amiante dans les navires où le requérant a embarqué lors de ses missions ; qu'il résulte de l'instruction que si le ministre appelant ne conteste pas devant la cour l'engagement de la responsabilité de l'Etat, il s'oppose à la reconnaissance par les premiers juges du préjudice d'anxiété allégué par M.A... ;

3. Considérant, d'une part, que le ministre de la défense soutient que le tribunal administratif s'est à tort fondé uniquement sur la durée d'exposition de l'intéressé aux poussières d'amiante pour reconnaître un préjudice d'anxiété ; qu'il fait également valoir que les militaires, n'entrant pas dans le champ d'application du dispositif de l'allocation de cessation anticipée, ne peuvent se prévaloir d'un préjudice d'anxiété ; que, toutefois, cette circonstance ne fait pas obstacle à la reconnaissance d'un préjudice d'anxiété, dès lors que le requérant apporte suffisamment d'éléments de nature à établir l'existence et l'étendue de son préjudice ; qu'il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont pris en considération non seulement la durée mais également les conditions particulières d'exposition de M.A... ;

4. Considérant, d'autre part, que le ministre de la défense soutient que les attestations produites par M. A...ne sont pas suffisantes pour établir l'existence d'un préjudice d'anxiété ; que celles-ci sont toutefois précises et diversifiées sur les conditions particulières d'exposition et l'état d'angoisse de l'intéressé ; qu'en outre, elles sont concordantes avec les autres pièces du dossier ;

5. Considérant, enfin, que pour évaluer le préjudice d'anxiété, il appartient au juge de prendre en considération des éléments personnels et circonstanciés avancés par la victime, tenant notamment à la durée et aux conditions particulières d'exposition aux poussières d'amiante ; qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'attestation établie le 15 janvier 2013 par la direction du personnel militaire de la Marine nationale, que M. A...a été affecté au cours de sa carrière à bord de navires ou au sein d'ateliers renfermant des matériaux à base d'amiante, notamment sous forme de calorifugeages ; qu'il a ainsi été exposé aux risques présentés par 1'inhalation de poussières d'amiante pendant près de vingt-et-un ans ; qu'en conséquence, au regard de son exposition directe et quotidienne au risque d'inhalation de poussières d'amiante et de la durée de son affectation, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'anxiété de l'intéressé en fixant le montant de sa réparation à la somme de 10 000 euros ;

Sur les troubles dans les conditions d'existence :

6. Considérant que le compte rendu d'un scanner thoracique réalisé en 2009 ne permet pas d'établir que M. A... est astreint du fait de son exposition à l'amiante à un suivi médical d'une fréquence telle qu'il subit des troubles dans ses conditions d'existence ; que M. A...se fonde également sur des attestions de collègues et de son épouse relatant l'angoisse qu'il ressent du fait de son exposition à l'amiante ; que ces éléments se bornent à faire état de l'anxiété de l'intéressé pour laquelle il a déjà été indemnisé ; qu'ainsi, les conclusions d'appel incident tendant à son indemnisation au titre des troubles dans les conditions d'existence allégués ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

7. Considérant que M. A...a droit aux intérêts au taux légal sur la somme mise à la charge de l'Etat à compter du 27 mai 2013 date de réception par l'administration de la réclamation indemnitaire préalable ; que ces intérêts devront être capitalisés au 27 mai 2014 , date où était due pour la première fois une année d'intérêts, et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le recours du ministre doit être rejeté et que M. A... est seulement fondé à demander que l'indemnité allouée en première instance soit portée à la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral subi ;

Sur les conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité de 6 000 euros mise à la charge de l'Etat par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 juin 2016 est portée à 10 000 euros.

Article 2 : L'indemnité mise à la charge de l'Etat sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2013. Ces intérêts devront être capitalisés au 27 mai 2014 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : Le jugement du 23 juin 2016 du tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le recours du ministre de la défense et le surplus des conclusions de M. A...sont rejetés.

Article 5 : L'Etat versera à M. A...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre des Armées.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente-assesseure,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 janvier 2018.

Le rapporteur,

M-P. Allio-RousseauLe président,

L. Lainé

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre des Armées en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT02965


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT02965
Date de la décision : 12/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme RIMEU
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-01-12;16nt02965 ?
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