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11/01/2018 | FRANCE | N°16NT01873

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 11 janvier 2018, 16NT01873


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...Nicolas a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite, née le 5 juillet 2013, par laquelle le ministre des affaires étrangères a rejeté sa demande de protection fonctionnelle, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1401097 du 5 avril 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 juin 2016, Mme Nicolas, représentée par MeC..

., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 avr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...Nicolas a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite, née le 5 juillet 2013, par laquelle le ministre des affaires étrangères a rejeté sa demande de protection fonctionnelle, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1401097 du 5 avril 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 juin 2016, Mme Nicolas, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 avril 2016 ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre des affaires étrangères a rejeté sa demande de protection fonctionnelle, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre à l'administration de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, notamment par la prise en charge de ses frais de conseil au titre des plaintes pénales engagées, et l'ouverture d'une enquête administrative sur les faits survenus au mois de janvier 2010 à l'ambassade de France à Cotonou qui l'ont opposée à un autre agent de l'ambassade ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les conditions pour retenir un motif d'intérêt général de nature à justifier l'absence de mise en oeuvre de la protection fonctionnelle ne sont pas réunies, dès lors que ni l'impartialité de l'Etat français, ni la remise en cause des relations diplomatiques entre la France et le Bénin n'étaient en cause.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 septembre 2016, le ministre des affaires étrangères conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme Nicolas ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Giraud,

- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,

- les observations de Mme Nicolas, et celles de MmeA..., représentant le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Une note en délibéré, présentée pour le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, a été enregistrée le 19 décembre 2017.

1. Considérant que Mme Nicolas, secrétaire de chancellerie affectée au sein du service de coopération et d'action culturelle de l'ambassade de France à Cotonou (Bénin), a été impliquée le 14 janvier 2010, dans une violente altercation l'opposant à un agent de droit local de l'ambassade ; que le 22 janvier suivant, à la suite d'un dépôt de plainte à son encontre par l'agent béninois impliqué, Mme Nicolas a été rappelée en France et affectée en administration centrale à Nantes ; que le 5 mai 2013, elle a sollicité le bénéfice de la protection prévue par les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 pour la nécessité des différentes procédures engagées ou qu'elle souhaitait engager ; que sa demande ainsi que son recours gracieux ont été implicitement rejetés ; qu'elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 avril 2016 par lequel celui-ci a rejeté la demande de Mme Nicolas tendant à l'annulation de ces refus implicites ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 dans sa version applicable : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. " ; qu'aux termes du troisième alinéa de cet article : " La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. " ; que ces dispositions établissent à la charge de la collectivité publique et au profit des fonctionnaires, lorsqu'ils ont été victimes d'attaques à l'occasion de leurs fonctions, sans qu'une faute personnelle puisse leur être imputée, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général ;

3. Considérant qu'il ressort de son mémoire de première instance et de ses écritures d'appel que pour rejeter la demande de protection sollicitée par Mme Nicolas, le ministre des affaires étrangères s'est fondé sur le motif d'intérêt général tiré de la nécessité pour l'Etat français, afin de préserver la qualité de ses relations diplomatiques avec les autorités du Bénin, de ne pas prendre parti pour l'un de ses agents expatriés au détriment d'un agent de droit local, alors que les responsabilités n'étaient pas clairement établies et que le risque de récupération par la presse locale était mis en évidence par le pouvoir béninois, compte tenu des liens entretenus par l'agent de droit local avec le pouvoir ; qu'en estimant que de telles circonstances constituaient un motif d'intérêt général excluant la mise en oeuvre de la protection fonctionnelle, alors que les faits en cause sont anciens, qu'il n'est pas établi que la mise en oeuvre de la protection fonctionnelle en France recevrait à ce jour une large publicité au Bénin et que les incertitudes sur les responsabilités respectives des agents ne peuvent par elles-mêmes, sans autres précisions, constituer un motif d'intérêt général, le ministre a commis une erreur d'appréciation ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme Nicolas est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre des affaires étrangères a rejeté sa demande de protection fonctionnelle, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant que l'annulation du refus d'accorder à Mme Nicolas la protection fonctionnelle implique seulement, compte tenu des motifs du présent arrêt, qu'il soit ordonné au ministre de procéder au réexamen de la demande de Mme Nicolas, dans un délai qu'il y a lieu de fixer à deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme Nicolas de la somme de 1 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal Administratif de Nantes du 5 avril 2016, la décision implicite par laquelle le ministre des affaires étrangères a rejeté la demande de protection fonctionnelle de Mme Nicolas ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'Europe et des affaires étrangères de procéder au réexamen de la demande de protection statutaire sollicitée par Mme Nicolas dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme Nicolas une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... Nicolas et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2017, où siégeaient :

- M. Francfort, président,

- M. Mony, premier conseiller,

- M. Giraud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 janvier 2018.

Le rapporteur,

T. GIRAUDLe président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'Europe et des affaires étrangères en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT01873


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01873
Date de la décision : 11/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Thomas GIRAUD
Rapporteur public ?: M. DURUP de BALEINE
Avocat(s) : SELARL LEXIO

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-01-11;16nt01873 ?
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