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15/12/2017 | FRANCE | N°17NT00913

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 15 décembre 2017, 17NT00913


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 23 octobre 2014 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté sa demande de visa long séjour en qualité de conjoint de Français et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard passé ce délai.

Par un

jugement n° 1410559 du 14 février 2017, le tribunal administratif de Nantes a annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 23 octobre 2014 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté sa demande de visa long séjour en qualité de conjoint de Français et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard passé ce délai.

Par un jugement n° 1410559 du 14 février 2017, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 23 octobre 2014 et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire complémentaire, enregistrés le 16 mars 2017 et le 15 mai 2017, sous le n°17NT00913, le ministre de l'intérieur demande à la cour d'annuler ce jugement du 14 février 2017.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal administratif, pour annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, a jugé qu'il n'était pas établi que M. D...avait contracté un mariage avec une ressortissante française à des fins étrangères à l'union matrimoniale.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 mai 2017 et le 29 mai 2017, M. C...D..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) de rejeter le recours du ministre ;

2°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de conjoint de français dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir :

3°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le ministre de l'intérieur n'est fondé.

M. C...D...a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mai 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu

­ le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

­ le code civil ;

­ la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

­ le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

­ le rapport de M. A...'hirondel,

- les observations de MeE..., représentant M.D....

1. Considérant que M.D..., ressortissant tunisien, a épousé le 28 décembre 2013 à Neuilly-en-Thelle (Oise), Mme B..., de nationalité française ; qu'il a fait l'objet, le 25 janvier 2014, d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jour, pris par le préfet des Bouches-du-Rhône, pour entrée et séjour irréguliers en France ; que M.D..., après avoir déféré à cet arrêté, a sollicité, le 28 janvier 2014, la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de conjoint de Français ; que la délivrance de ce visa lui a été refusée par une décision des autorités consulaires françaises à Tunis du 28 août 2014 confirmée le 23 octobre suivant par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ; que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 14 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé cette dernière décision et lui a enjoint de procéder à la délivrance du visa sollicité ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant que, pour refuser de délivrer le visa sollicité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a estimé que le mariage de M. D...avec une ressortissante française avait été conclu à des fins autres que l'union matrimoniale, dans le seul but de faciliter l'établissement en France du demandeur ;

3. Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : " Outre le cas mentionné au deuxième alinéa, le visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire afin que les époux puissent mener une vie familiale normale ; que, pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude de nature à justifier légalement le refus de visa ;

4. Considérant, en premier lieu, que si le ministre soutient que la communauté de vie entre M. D... et Mme B... n'est pas établie préalablement à leur mariage et que les attestations produites par l'intéressé concernant leur hébergement à cette époque contiennent des déclarations contradictoires, cette circonstance ne suffit pas en l'espèce à établir l'absence de relations effectives entre les intéressés antérieurement à leur mariage ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, alors même que le jour de son mariage M. D...était assisté d'un interprète, dont l'intimé indique sans être contredit que sa présence n'avait été requise qu'à la demande exclusive de l'officier de l'état civil, que l'intéressé ne maîtriserait pas suffisamment la langue française pour permettre au couple de communiquer, alors que tant l'audition de M.D..., qui a donné lieu au procès-verbal de police du 27 novembre 2012, que la notification de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 25 janvier 2014 portant obligation de quitter le territoire français ont été effectuées sans l'assistance d'un tel interprète et que, au-delà des seuls textos rédigés sous forme " SMS ", le couple échangeait via le logiciel " Skype " ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'il n'est pas contesté que M. D...est retourné dans son pays d'origine afin de se conformer aux obligations résultant de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 25 janvier 2014 portant obligation de quitter le territoire français, lequel a été pris moins d'un mois après la célébration de leur mariage ; que M. D...et Mme B... établissent avoir gardé à la date de la décision contestée de fréquents contacts, tant téléphoniques que par textos mais aussi, ainsi qu'il a été dit au point précédent, par le logiciel " Skype " alors que de plus, il ressort des pièces du dossier, notamment de la copie du passeport de Mme B... et des réservations de billet d'avion ainsi que des photographies, que cette dernière s'est rendue à deux reprises en Tunisie, en mars et septembre 2014, pour rendre visite à son époux ; que la circonstance que M. D...était en situation irrégulière, qu'il ait déclaré deux ans avant son mariage que sa venue en France était motivée par des fins matrimoniales et qu'il ne participe pas aux charges du foyer, ce qui n'est au demeurant que la conséquence de l'exécution de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français le concernant, ne suffisent pas établir que le mariage aurait été conclu dans un but étranger à l'union matrimoniale ;

7. Considérant, que, dans ces circonstances, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... aurait été d'une particulière vulnérabilité à la date de son mariage, lequel n'a pas été contesté par le parquet, l'administration n'apporte pas d'éléments suffisants permettant d'établir que le mariage aurait été conclu à des fins étrangères à l'union matrimoniale ; que, dès lors, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est entachée d'une erreur d'appréciation ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision de refus de visa opposée à M.D... ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant que si M. D...demande qu'il soit enjoint à l'administration de lui délivrer un visa de long séjour, une telle injonction a déjà été prononcée par le tribunal administratif de Nantes par le jugement que la cour a confirmé aux points 2 à 7 du présent arrêt ; que ces conclusions sont, par suite, sans objet et doivent être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'astreinte ;

Sur les conclusions de M. D...présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que M. D...a a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 000 euros à Me E...dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991;

D É C I D E :

Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.

Article 2 : Le versement de la somme de 1 000 euros à Me E...est mis à la charge de l'Etat dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. D...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. C...D....

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Degommier, président,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 décembre 2017.

Le rapporteur,

M. F...Le président,

S. DEGOMMIER

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

2

N° 17NT00913


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00913
Date de la décision : 15/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DEGOMMIER
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SCP TINIERE - LIMOUZIN - LE MOIGNE - BOITTIN - LORET

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-12-15;17nt00913 ?
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