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07/12/2017 | FRANCE | N°16NT00116

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 07 décembre 2017, 16NT00116


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...A...ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2007 à 2009.

Par un jugement n° 1302969 du 18 novembre 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 15 janvier 2016 et le 31 octobre 201

7, M. et MmeA..., représentés par MeC..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...A...ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2007 à 2009.

Par un jugement n° 1302969 du 18 novembre 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 15 janvier 2016 et le 31 octobre 2017, M. et MmeA..., représentés par MeC..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le rejet de sa comptabilité en l'absence de valeur probante du fait de la globalisation des recettes journalières et des écarts entre les tickets X et Z n'est pas fondé ; les articles R. 123-74 du code de commerce et " 286-3 " du code général des impôts permettent une globalisation des opérations en fin de journée ; selon les points 7 à 10 de la documentation administrative 4 G-3341 du 25 juin 1998 et la jurisprudence, le défaut de valeur probante de la comptabilité ne peut résulter que d'irrégularités graves et le seul fait pour des commerçants détaillants d'enregistrer globalement en fin de journée leurs recettes journalières ne suffit pas à faire écarter la comptabilité présentée dès lors que celle-ci est par ailleurs tenue correctement et que ses résultats sont en rapport avec l'activité de l'entreprise selon le point 6 de la même documentation du 25 juin 1998, l'instruction " 3E-176 du 23 janvier 1978 ", et le point 4 de la documentation administrative 3E-2116 du 2 novembre 1996, ce que confirme la réponse D...(JOAN 27 janvier 1962 p.155 n°12447) qui précise que les agents des impôts doivent prendre en considération les circonstances propres à chaque affaire et examiner, s'il y a lieu, les incidences des conditions spéciales d'exploitation de l'entreprise, sous réserve que le contribuable intéressé fournisse à cet égard, sinon des justifications précises, au moins des éléments suffisants d'appréciation ; le rejet se fonde sur des constatations superficielles sans examen concret d'éléments importants que le contribuable a pourtant proposé ; sa comptabilité est complète et les bandes des caisses enregistreuses ont été intégralement conservées et présentées à la vérificatrice ; la régularisation globale en fin de journée n'a porté que sur de faibles montants et les pourcentages de recettes globalisées annoncés par la vérificatrice sont faux car ils retiennent le montant en fin de journée sans mentionner que pour une large part le détail a été tapé ; les irrégularités retenues ne portent que sur un nombre et un montant très limité d'opérations ; les conditions d'exploitation n'ont pas été prises en compte ; pendant la période de pointe entre minuit et deux heures du matin, il importe d'encaisser les clients et les recettes non tapées sont régularisées en fin de soirée à partir des feuillets de commande ainsi que la vérificatrice a pu le constater ; les tickets de caisse dont aucun n'a manqué sur la période vérifiée portent le montant de la totalité du chiffre d'affaires réalisé et mentionnent les jours et heures auxquels les opérations ont été réalisées ; la correction des recettes estimée à 15 % du chiffre d'affaires sur les exercices 2006-2007 et à 17 % sur les exercices 2007-2008 comprend des commandes payées par chèque ou carte bancaire dont les justificatifs détaillés sont conservés et ont été présentés à la vérificatrice et celle correspondant aux recettes en espèces porte sur moins de 5 % du chiffre d'affaires déclaré et ne porte donc que sur des montants résiduels faibles ;

- l'irrégularité tenant au manque de justificatifs sur les offerts n'est pas de nature à caractériser l'absence d'exhaustivité des recettes déclarées et ne justifie pas le refus de la comptabilité alors que les ratios de marge brute dégagés sont très conformes à ceux de la profession ;

- l'impossibilité de ventiler les recettes par modes de paiement et nature des produits est inexacte dès lors que tous les justificatifs de paiement par carte bancaire et par chèque, qui représentent 74 % du chiffre d'affaires, sont conservés dans l'entreprise à l'appui des bandes de caisse et ont été présentés lors du contrôle et que leur rapprochement permet de déterminer précisément la ventilation des recettes ; la vérificatrice aurait dû procéder à une vérification détaillée ; le travail et le dialogue insuffisants ont conduit à de très nombreuses erreurs relevées par le contribuable ; le service s'est abstenu de reprendre les justificatifs proposés et s'est borné à corriger les nombreuses erreurs recensées ; le service ne s'est pas interrogé sur la vraisemblance et la cohérence des résultats déclarés par rapport aux conditions d'exploitation ou aux chiffres d'affaires déclarés par la profession pour des établissements similaires ;

- l'affirmation selon laquelle il serait impossible de rapprocher les ventes et les achats revendus est inexacte ; aucun inventaire des stocks n'a été réalisé et aucune anomalie n'a été constatée au vu des inventaires ; les bandes de caisse permettaient de retrouver les dates des changements de tarifs ;

- la reconstitution du chiffre d'affaires est erronée car elle se fonde sur une unique méthode sans être étayée par une autre, par un recoupement ou par la référence à des ratios par rapport à ceux de la profession, sauf ceux fournis et interprétés de manière erronée ; elle comporte de nombreuses erreurs ; elle méconnaît les réalités économiques de l'établissement, notamment la part des paiements par carte bancaire : elle est radicalement viciée compte tenu du fait que la SARL SEBB ne recourt pas à des doseurs et sert généreusement les boissons et que la vérificatrice s'est fondée sur des éléments non probants ; un document signé par M. A...dépourvu de valeur, comporte des lacunes et des erreurs dans la prise en compte des boissons et aboutit à des résultats exagérés ;

- la désignation, le 5 août 2010, par la société à responsabilité limitée (SARL) SEBB, sous la plume de son gérant, de M. A...comme bénéficiaire des revenus distribués est insuffisante et irrégulière dès lors qu'elle n'indiquait pas les dates de versement et le montant des sommes allouées, permettant de les rattacher aux revenus de chaque année, comme l'a reconnu le service dans sa réponse aux observations du contribuable, quand bien même ce dernier n'a pas infligé par tolérance l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts, ce qui fait que la charge de la preuve de la distribution incombe à l'administration ; que cette désignation n'a été faite que dans le but d'échapper à l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts ;

- l'administration a refusé de diligenter un examen de leur situation fiscale personnelle en dépit de leur demande et de la régularité de leur situation pour déterminer la destination des sommes prétendument détournées et il résulte de l'ensemble des comptes bancaires de la famille et des relevés de leur patrimoine qu'ils n'ont pas appréhendé les revenus et qu'ils n'ont donc pas bénéficié d'une distribution ;

- à titre subsidiaire, neuf douzièmes des sommes considérées comme appréhendées sur l'exercice clos le 31 mars 2007 doivent être rattachés à la période du 1er avril au 31 décembre 2006 et sont prescrits ; du fait du décalage existant entre le principe d'imposition des particuliers en fonction des revenus perçus au cours de l'année civile et la date de clôture de l'exercice de la SARL SEBB au 31 mars, et compte tenu de ce qu'il a été considéré que les sommes sont censées être appréhendées chaque soir, leur répartition doit être faite en fonction de la date à laquelle ils sont censés en avoir effectivement disposé ce qui fait qu'il faut répartir les sommes rappelées au prorata sur tout l'exercice et pour chacun des exercices ;

- à titre infiniment subsidiaire, la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas fondée dès lors que la désignation de M. A...comme bénéficiaire des revenus distribués n'est intervenue que pour éviter l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts.

Par trois mémoires en défense enregistrés les 9 juin 2016, 16 mai 2017 et 10 novembre 2017, le ministre chargé des finances conclut au non-lieu à statuer, en droits et pénalités, sur les contributions sociales pour des montants de 7 291 euros au titre de l'année 2007, 7 448 euros au titre de l'année 2008 et 12 056 euros au titre de l'année 2009 et au rejet du surplus de la requête.

Il fait valoir que :

- il a dégrevé une partie des contributions sociales au titre des années 2007 à 2009 à raison de l'intervention de la décision n° 2016-610 QPC du 10 février 2017 du Conseil constitutionnel ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 83-1020 du 29 novembre 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Delesalle,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant M. et MmeA....

1. Considérant que M. et Mme A...relèvent appel du jugement du 18 novembre 2015 du tribunal administratif de Rennes rejetant leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2007 à 2009 pour un montant total de 471 971 euros ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que par un avis de dégrèvement du 25 avril 2017, postérieur à l'introduction de la requête, le ministre chargé des finances publiques a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires de contributions sociales pour des montants de 7 291 euros au titre de l'année 2007, 7 448 euros au titre de l'année 2008 et 12 056 euros au titre de l'année 2009 ; que, par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête à hauteur de ces sommes ;

Sur les conclusions à fin de décharge :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 117 du même code : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A...est le gérant majoritaire de la société à responsabilité limitée (SARL) SEBB qui exploite un bar de nuit à Rennes ; que la société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 23 janvier au 20 avril 2010 portant en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée sur les exercices clos les 31 mars 2007, 31 mars 2008 et 31 mars 2009, à l'issue de laquelle la comptabilité a été rejetée et les recettes reconstituées, entraînant un rehaussement de chiffre d'affaires pour tous les exercices vérifiés du fait d'un taux de minoration de recettes estimé à 19 %, 13 % et 23 % du chiffre d'affaires déclaré ; que l'administration a estimé que ces sommes constituaient des revenus distribués et appréhendés par M. A...compte tenu de sa désignation par la SARL SEBB ; que, par ailleurs, l'administration a remis en cause la déduction de certaines charges qu'elle a réintégrées et estimé que leur montant constituait des distributions au bénéfice de M. et Mme A...;

En ce qui concerne la charge de la preuve :

5. Considérant que lorsque le gérant d'une société se désigne lui-même comme bénéficiaire des revenus réputés distribués, il doit être regardé comme les ayant appréhendés, à défaut de preuve contraire apportée par lui devant le juge de l'impôt ; qu'il appartient, en revanche, à l'administration de justifier de l'existence et du montant des bénéfices réintégrés dans les bases de l'impôt sur les sociétés à l'origine de cette distribution dès lors que, comme en l'espèce, le bénéficiaire désigné a refusé les redressements qui lui ont été notifiés ;

En ce qui concerne l'existence et le montant des bénéfices réintégrés :

S'agissant du rejet de la comptabilité en raison de son absence de valeur probante :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 7 juin 2010 adressée à la SARL SEBB à laquelle se réfère la proposition du 16 novembre 2010 adressée à M. et MmeA..., qui y était jointe, que la comptabilité de la société a été rejetée en raison de son absence de valeur probante au motif qu'une partie non négligeable des recettes était enregistrée globalement, sans conservation de justificatifs de nature à en établir le détail, la consistance et la réalité, que les offerts étaient également comptabilisés globalement en fin d'exercice sans justificatifs et que les recettes en caisse n'étaient pas ventilées selon le mode de paiement et étaient enregistrées globalement en fin de soirée, par famille de produits et non par produits, de sorte qu'aucun rapprochement précis entre les achats, les ventes et les stocks ne s'est révélé possible ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et il n'est pas contesté, qu'une partie des recettes de l'établissement étaient comptabilisées globalement en fin de soirée, représentant, selon le service, près de 18 % du chiffre d'affaires en moyenne sur les trois exercices vérifiés et, selon les requérants, 5 % correspondant au paiement en espèces ; que si les sommes ainsi globalisées étaient en partie payées au moyen de cartes bancaires ou de chèques, représentant 74 % du chiffre d'affaires, les justificatifs de ces paiements ne permettaient pas, à eux seuls, de retracer le détail des consommations payées ; que le service a relevé que le montant global était déterminé par la différence entre l'encaisse réelle et le ticket Z quand bien même une partie des feuillets de commande était conservée et agrafée à ce ticket, sans que M. et Mme A...apportent d'élément de nature à établir, contrairement à ce qu'ils soutiennent, que, systématiquement, les recettes étaient retapées à partir de ces feuillets et que ces derniers étaient conservés ; que la globalisation se faisait par catégorie de produits, type " Champagne " ou " Alcool ", et non produit par produit, ne permettant pas un rapprochement entre les ventes et les achats revendus ; que s'agissant des offerts, dont l'importance est constante dans les relations entre la SARL SEBB et sa clientèle, l'absence de justificatifs relevée par le service n'est pas sérieusement remise en cause par la seule circonstance alléguée que les ratios de marge brute dégagés sont conformes à ceux de la profession ; que, par ailleurs, les recettes enregistrées en caisse n'étant jamais ventilées en fonction de la nature du paiement, l'intégralité des recettes apparaît à la lecture des tickets Z récapitulatifs comme résultant d'un paiement en espèces ; que la circonstance que, compte tenu du mode d'exploitation de l'établissement, la plupart des recettes aient été encaissées dans l'urgence entre minuit et deux heures du matin, n'est pas de nature à justifier ces carences ; que par ailleurs, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir des chiffres d'affaires déclarés par des entreprises présentées comme similaires et qu'ils ne précisent pas ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration. " ; qu'aux termes du 3° du I de l'article 286 du code général des impôts : " (...) les opérations au comptant peuvent être inscrites globalement en comptabilité à la fin de chaque journée lorsqu'elles sont inférieures à 76 euros pour les ventes au détail et les services rendus à des particuliers. Le montant des opérations inscrites sur le livre est totalisé à la fin du mois. / Le livre prescrit ci-dessus ou la comptabilité en tenant lieu, ainsi que les pièces justificatives des opérations effectuées par les redevables, notamment les factures d'achat, doivent être conservés selon les modalités prévues au I de l'article L. 102 B du livre des procédures fiscales. (...) " ; qu'en vertu de l'article 3 du décret du 29 novembre 1983 pris en application de la loi n° 83-353 du 30 avril 1983 et relatif aux obligations comptables des commerçants repris à l'article R. 123-174 du code de commerce, " les opérations de même nature, réalisées en un même lieu et au cours d'une même journée, peuvent être récapitulées sur une pièce justificative unique " ; que la possibilité ainsi ouverte ne permet au contribuable de justifier de l'exactitude des recettes déclarées à l'administration fiscale qu'à la condition qu'en cas de contrôle, et conformément à l'article 54 du code général des impôts, puissent être produits un relevé détaillé ou des pièces permettant de détailler la consistance exacte des chiffres de recettes déclarés et d'en justifier l'exactitude ; que, dans ces conditions, M. et Mme A...ne peuvent utilement se prévaloir de ce que la globalisation des sommes en fin de journée suffisait à assurer la régularité de sa comptabilité dont seule la valeur probante a été remise en cause ;

9. Considérant, en dernier lieu, que M. et Mme A...ne sont pas fondés à se prévaloir des paragraphes 6 à 10 de la documentation administrative 4G-3341 du 25 juin 1998, qui limiteraient selon eux la possibilité d'un rejet de la comptabilité aux seules hypothèses d'irrégularités suffisamment graves entachant celle-ci, dès lors que cette documentation ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application ; que l'instruction BOI 3 E-1-76 du 23 janvier 1976 et le paragraphe 4 de la documentation administrative 3E 2116 du 2 novembre 1996, qui indique que " le seul fait, pour des commerçants détaillants, d'enregistrer globalement, en fin de journée, leurs recettes journalières, quel qu'en soit le montant unitaire, ne suffit pas à écarter la comptabilité présentée, dès lors que celle-ci est, par ailleurs, tenue correctement et que ses résultats sont en rapport avec l'importance et l'activité de l'entreprise " ne peuvent être invoqués dès lors que les conditions auxquelles leur application est subordonnée ne sont pas remplies, dans la mesure où, ainsi qu'il a été dit au point 7 du présent arrêt, les irrégularités relevées au cours du contrôle par le vérificateur ôtent tout caractère probant à la comptabilité ; que les requérants ne sont pas davantage fondés à se prévaloir de la réponse du ministre des finances à M.D..., député, publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale du 27 janvier 1962, selon laquelle l'enregistrement global des recettes journalières ne suffit pas à faire écarter la comptabilité présentée, qui ne constitue qu'une simple recommandation et non une interprétation d'un texte fiscal susceptible d'être invoquée sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

10. Considérant qu'il résulte des points 7 à 9 du présent arrêt que l'administration établit que la comptabilité de la SARL SEBB était dépourvue de valeur probante, ainsi d'ailleurs que l'a admis la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires dans son avis du 6 avril 2012 rendu à la demande de la société ; qu'elle était donc en droit de l'écarter et de procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires de la société ;

S'agissant de la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires :

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 7 juin 2010, que pour reconstituer les recettes de la SARL SEBB, l'administration s'est fondée sur l'ensemble des factures d'achats et les variations des stocks pour établir le montant des achats revendus ; qu'elle a pris en compte les offerts, concernant principalement le champagne et les bières, dans une proportion d'ailleurs supérieure à celle comptabilisée par la société en tenant compte ainsi des pratiques de l'établissement ; que pour déterminer les ventes, elle a appliqué les tarifs figurant sur la carte, qui lui avait été remise, aux quantités de boissons indiquées par le gérant de l'entreprise dans un " état contradictoire des conditions d'exploitation " de son activité du 23 mars 2010 ;

12. Considérant que, si M. et Mme A...contestent les doses retenues par le service, le constat des dosages fait par un huissier les 26 et 27 juillet 2012, soit plus de deux ans après la vérification de comptabilité, à la demande de M.A..., ne permet pas de remettre en cause les constatations faites lors du contrôle et les indications fournies alors par le gérant, lesquelles ont été consignées sur l'état contradictoire du 23 mars 2010 qu'il a signé avec le vérificateur ; que, compte tenu de l'objet de ce document, retraçant les conditions d'exploitation au vu " des constatations effectuées durant la vérification et des explications fournies par M. B...A... ", ainsi qu'il le précise, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que M. A...aurait simplement entendu en accuser réception et que les informations contenues seraient dépourvues de tout caractère probant en raison de l'irrégularité de leurs conditions d'obtention ; que si certains des éléments figurant sur cet état ont fait l'objet de corrections, cette seule circonstance n'est pas de nature à remettre en cause la reconstitution finalement opérée, dès lors, d'une part, que ces corrections ne sont pas contestées et, d'autre part, qu'elles résultent des échanges poursuivis tout au long de la procédure avec l'administration, notamment sur les quantités servies au verre et en bouteille et les offerts indépendamment de la démonstration faite par la vérificatrice devant la commission départementale des impôts ; que la part des offerts a d'ailleurs été prise en compte dans une proportion supérieure à celle initialement retenue par la société en retenant 15 % pour le champagne et 10 % pour les autres boissons hors bière à l'issue de l'examen du recours hiérarchique de la société, le 4 août 2011 ; que, contrairement à ce que soutiennent M. et MmeA..., la circonstance que l'administration n'a utilisé qu'une seule méthode de reconstitution n'est pas de nature à vicier celle-ci ; que, dans ces conditions, et quand bien même la reconstitution aboutit à ce que la part des paiements bancaires retenue pour l'exercice clos en 2009 soit équivalente à celle existant en 2002 et en-deçà de la part existant au niveau national, la méthode de reconstitution ne peut être considérée comme radicalement viciée dans son principe ;

13. Considérant qu'il résulte des points 6 à 12 du présent arrêt que l'administration établit l'existence et le montant des revenus distribués ;

En ce qui concerne l'appréhension des revenus distribués :

14. Considérant que dans la proposition de rectification en date du 7 juin 2010 la vérificatrice a demandé à la SARL SEBB, sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts, de désigner le bénéficiaire des minorations de recettes ; que, par une lettre datée du 5 août 2010, signée de M.A..., la société a clairement désigné ce dernier comme bénéficiaire ; que si ce document n'indique pas le montant des sommes et leur date de versement ainsi que l'a relevé le service dans sa réponse aux observations du contribuable du 23 septembre 2010, l'absence de ces mentions, alors que la demande de désignation faite dans la proposition de rectification ne concernait que les minorations de recettes et indiquait clairement leurs montants, ne permet pas de considérer que ce document ne contient pas la désignation du bénéficiaire de ces sommes ; que la seule circonstance, à la supposer même établie, que cette désignation ait été faite dans le seul but d'échapper à l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts est sans incidence ; que par les documents qu'ils produisent, et notamment des relevés de comptes bancaires, une fiche patrimoniale et un avis d'imposition, M. et Mme A...n'apportent pas la preuve qu'ils n'auraient pas appréhendé les revenus réputés distribués ;

En ce qui concerne l'annualité de l'impôt :

15. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / (...). / Les sommes imposables sont déterminées pour chaque période retenue pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés par la comparaison des bilans de clôture de ladite période et de la période précédente selon des modalités fixées par décret en conseil d'État. " ; qu'aux termes de l'article 47 de l'annexe II au même code : " Toute rectification du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre d'une période sera prise en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées " ;

16. Considérant que si les requérants soutiennent, à titre subsidiaire, que la société clôturant son exercice le 31 mars, ils sont fondés à demander que le montant des revenus distribués à prendre en compte pour l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2007 soit limité aux trois douzièmes des recettes omises au titre de l'exercice clos le 31 mars 2007 et que les neuf douzièmes restants sont prescrits, il résulte du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts que le bénéfice réputé distribué est celui qui a été réalisé à la clôture de l'exercice ; que les requérants n'apportent aucun élément de nature à établir que la distribution a été, en fait, opérée à une autre date ;

Sur la majoration pour manquement délibéré :

17. Considérant que pour appliquer la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts, le service s'est fondé sur l'importance des insuffisances de recettes distribuées et sur l'intention de M. et Mme A...de se soustraire à l'impôt correspondant compte tenu de ce que M.A..., en sa qualité de gérant, ne pouvait ignorer ces insuffisances et sur le caractère répété des infractions constatées en matière de comptabilité ; que le service apporte ainsi la preuve, qui lui incombe, du manquement délibéré de M. et MmeA... à leurs obligations déclaratives ; que la seule circonstance, à la supposer même établie, que la désignation de M. A...comme bénéficiaire des revenus distribués ne soit intervenue que pour éviter l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts est par elle-même sans incidence sur le bien-fondé de la majoration ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...qui ne contestent ni l'existence et le montant des autres distributions imposées entre leurs mains ni leur appréhension, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. et Mme A...et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à hauteur des sommes de 7 291 euros, 7 448 euros et 12 056 euros dégrevées au titre des contributions sociales supplémentaires mises à la charge de M. et Mme A...pour les années 2007, 2008 et 2009.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. Delesalle, premier conseiller.

Lu en audience publique le 7 décembre 2017.

Le rapporteur,

H. DelesalleLe président,

F. Bataille

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT00116


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16NT00116
Date de la décision : 07/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Hubert DELESALLE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : SELARL JURIS DOMUS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-12-07;16nt00116 ?
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