Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur du centre hospitalier Guillaume Régnier a refusé de rétablir à son profit l'indemnité pour travaux dangereux, incommodes, insalubres ou salissants qu'il lui avait retirée par une décision du 1er juillet 2010 et d'enjoindre au directeur de l'établissement de lui verser cette indemnité à compter de cette date.
Par un jugement n° 1304403 du 3 décembre 2015, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision contestée et enjoint au centre hospitalier Guillaume Régnier de verser à Mme C... l'indemnité litigieuse à compter du 1er juillet 2010 ou de la date de son affectation au CSAPA " l'Envol " si elle est plus tardive.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 février 2016 le centre hospitalier Guillaume Régnier, représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 3 décembre 2015 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Rennes ;
3°) de mettre à la charge de Mme C...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- les premiers juges n'ont pas tenu compte de plusieurs jugements du tribunal administratif de Rennes et du tribunal administratif de Nantes, passés en force de chose jugée, qui ont confirmé la légalité de la décision du directeur du centre hospitalier Guillaume Régnier du 1er juillet 2010 ;
- le tribunal administratif de Rennes ne pouvait se fonder sur la grille d'évaluation des risques professionnels établie pour le centre de soin d'accompagnement et de prévention en addictologie " l'Envol " pour faire application de l'arrêté du 18 mars 1981 ;
- c'est à bon droit que le directeur du centre hospitalier a refusé à Mme C...le rétablissement de l'indemnité pour travaux dangereux, incommodes, insalubres ou salissants, dès lors qu'elle est affectée dans un service de soins ambulatoire qui n'accueille pas des malades agités et difficiles ou des malades mentaux ;
- la décision du 1er juillet 2010 de suppression de l'indemnité, confirmée par le même tribunal, étant définitive, la portée rétroactive de l'injonction prononcée par le tribunal administratif est erronée.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 avril 2016, Mme C... conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par le centre hospitalier Guillaume Régnier ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;
- le décret n°67-624 du 23 juillet 1967 fixant les modalités d'attribution et les taux des indemnités pour travaux dangereux, insalubres, incommodes ou salissants ;
- l'arrêté du 18 mars 1981 relatif aux primes et indemnités du personnel relevant du livre IX du code de la santé publique dont les taux et les montants sont déterminés par des textes applicables aux agents de l'Etat ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Berthon,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de MeE..., représentant le centre hospitalier Guillaume Régnier.
1. Considérant que, par une décision du 1er juillet 2010, le directeur du centre hospitalier Guillaume Régnier de Rennes a retiré à MmeC..., infirmière affectée au centre de soin, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) " l'Envol ", l'indemnité pour travaux dangereux, insalubres, incommodes ou salissants qu'elle percevait jusque-là ; que, saisi par cet agent par un courrier notifié le 30 juillet 2013, le directeur du centre hospitalier Guillaume Régnier a implicitement refusé de rétablir le versement de cette indemnité ; que le centre hospitalier Guillaume Régnier relève appel du jugement du 3 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision implicite et lui a enjoint de verser à Mme C... l'indemnité litigieuse à compter du 1er juillet 2010 ou de la date de son affectation au CSAPA " l'Envol " si elle est plus tardive ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, que le centre hospitalier Guillaume Régnier soutient que les premiers juges ont omis de soulever d'office l'autorité de la chose jugée s'attachant aux jugements du 7 juin 2012 du tribunal administratif de Rennes et du 25 février 2015 du tribunal administratif de Nantes par lesquels ces juridictions ont estimé que la décision du 1er juillet 2010 du directeur du centre hospitalier Guillaume Régnier accordant l'indemnité pour travaux dangereux, insalubres, incommodes ou salissants à une partie seulement des agents du centre hospitalier et l'écartant pour les agents affectés au CSAPA " L'Envol " n'était pas entachée d'illégalité ; que, toutefois, ces jugements ne sont, en tout état de cause, revêtus que de l'autorité relative de la chose jugée que les premiers juges n'étaient pas tenus de relever d'office ;
3. Considérant, en second lieu, que si le centre hospitalier Guillaume Régnier fait valoir que les premiers juges n'ont pu régulièrement, pour annuler la décision implicite contestée du directeur du centre hospitalier, se fonder sur la grille d'évaluation des risques professionnels établie pour les agents du CSAPA " l'Envol ", dès lors que ce document est étranger à l'application de la réglementation sur l'indemnité pour travaux dangereux, insalubres, incommodes ou salissants, un tel moyen ne relève pas de la régularité du jugement mais de l'appréciation de son bien-fondé ;
Sur la légalité de la décision contestée :
4. Considérant qu'aux termes de l'article D. 3411-1 du code de la santé publique : " Les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie assurent, pour les personnes ayant une consommation à risque, un usage nocif ou présentant une dépendance aux substances psychoactives ainsi que pour leur entourage : / 1° L'accueil, l'information, l'évaluation médicale, psychologique et sociale et l'orientation de la personne ou de son entourage ; Dans ce cadre, ils peuvent mettre en place des consultations de proximité en vue d'assurer le repérage précoce des usages nocifs. / 2° La réduction des risques associés à la consommation de substances psychoactives ; / 3° La prise en charge médicale, psychologique, sociale et éducative. Elle comprend le diagnostic, les prestations de soins, l'accès aux droits sociaux et l'aide à l'insertion ou à la réinsertion. Les centres assurent le sevrage et son accompagnement, la prescription et le suivi des traitements médicamenteux, dont les traitements de substitution aux opiacés. Ils peuvent également prendre en charge des personnes présentant des addictions sans substances. " ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 23 juillet 1967 fixant les modalités d'attribution et les taux des indemnités : " Des indemnités spécifiques peuvent être allouées à certains personnels chargés d'effectuer des travaux pour l'exécution desquels des risques ou des incommodités subsistent malgré les précautions prises et les mesures de protection adoptées. Ces indemnités spécifiques sont classées en trois catégories : / 1ère catégorie : indemnités spécifiques pour des travaux présentant des risques d'accidents corporels ou de lésions organiques (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de l'arrêté du 18 mars 1981 relatif aux primes et indemnités du personnel relevant du livre IX du code de la santé publique :
" (...) La classification des travaux ouvrant droit aux indemnités spécifiques ainsi que le nombre ou la fraction de taux de base qu'il convient d'allouer par demi-journée de travail effectif sont déterminés par le tableau figurant à l'annexe II.B du présent arrêté (...) " ; que figure notamment dans ce tableau, au titre de l'indemnité de première catégorie, " l'affectation dans les services de malades agités et difficiles " ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que peuvent notamment bénéficier de l'indemnité pour travaux dangereux, insalubres, incommodes ou salissants de 1ère catégorie les agents accomplissant des travaux présentant des risques d'accidents corporels ou de lésions organiques qui sont effectivement affectés dans des services accueillant des malades agités et difficiles ; que ces dispositions n'excluent pas du bénéfice de cette indemnité les agents travaillant dans des services ambulatoires ;
6. Considérant que le CSAPA " l'Envol " accueille des personnes dépendantes aux substances psychoactives, en particulier des toxicomanes ; que la grille d'évaluation des risques professionnels établie en juillet 2013 comporte un diagnostic précis des risques encourus par les agents affectés au sein du CSAPA " l'Envol " ; que le document d'évaluation des risques professionnels établi en juillet 2013 comporte un diagnostic précis des risques encourus par les agents affectés au sein du CSAPA " l'Envol " ; que ce diagnostic, dont l'exactitude n'est pas contestée par le centre hospitalier Guillaume Régnier, peut, alors même qu'il n'a pas été établi pour l'application des dispositions précitées du décret du 23 juillet 1967 et de l'arrêté du 18 mars 1981, être pris en compte pour apprécier si le CSAPA " l'Envol " constitue un service accueillant des malades agités et difficiles au sens de l'article 8 de ce dernier arrêté ; qu'il en ressort que les patients accueillis au sein de ce service sont susceptibles d'être agités, insultants, agressifs et menaçants et de faire peser une forte pression psychologique sur le personnel du centre et que le risque d'être confronté à de tels comportements est courant ; que, par suite, le CSAPA " l'Envol " doit être regardé comme un service accueillant des malades agités et difficiles au sens et pour l'application de l'arrêté du 18 mars 1981 ; qu'il ressort également des pièces du dossier que tous les agents du CSAPA " l'Envol ", quelles que soient leurs missions, sont exposés à des risques biologiques (accidents d'exposition au sang), à des risques infectieux et, ainsi qu'il a déjà été dit, à des risques d'agression physique susceptibles de provoquer des dommages corporels et des lésions graves ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'en refusant d'accorder à Mme C...le bénéfice de l'indemnité litigieuse, le directeur du centre hospitalier Guillaume Régnier avait fait une application erronée des dispositions de l'article 8 de l'arrêté du 18 mars 1981 précité ;
Sur l'injonction :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public " ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) " ;
8. Considérant que le centre hospitalier Guillaume Régnier conteste la portée rétroactive de l'injonction prononcée par le tribunal administratif dans son jugement attaqué, au motif que la décision du 1er juillet 2010 est devenue définitive ; que, toutefois, les droits sur lesquels se fonde la créance de Mme C...à l'encontre du centre hospitalier Guillaume Régnier, confirmés par le jugement attaqué du tribunal administratif de Rennes et par le présent arrêt, ont été acquis depuis cette date ou, dans le cas où Mme C...aurait été affectée au CSAPA " l'Envol " après le 1er juillet 2010, à compter de son affectation dans ce service ; que le délai de quatre ans institué par les dispositions précités de la loi du 31 décembre 1968, qui au demeurant n'est pas invoqué par le centre hospitalier requérant, n'était pas expiré lorsque Mme C... a demandé, le 30 juillet 2013, le versement de l'indemnité litigieuse ; que, par suite, Mme C...a droit au paiement de cette indemnité à compter du 1er juillet 2010 ou de la date de son affectation au CSAPA " l'Envol " si elle est plus tardive ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier Guillaume Régnier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision implicite contestée du directeur du centre hospitalier Guillaume Régnier et lui a enjoint de verser à Mme C...l'indemnité pour travaux dangereux, insalubres, incommodes ou salissants à compter du 1er juillet 2010 ou de la date d'affectation de l'intéressée si elle est plus tardive ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeC..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le centre hospitalier Guillaume Régnier demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du centre hospitalier Guillaume Régnier est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier Guillaume Régnier et à Mme B...C....
Délibéré après l'audience du 9 novembre 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Berthon, premier conseiller,
- Mme Le Bris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 novembre 2017.
Le rapporteur,
E. BerthonLe président,
I. Perrot
Le greffier,
M. D...
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT00343