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16/11/2017 | FRANCE | N°15NT03298

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 16 novembre 2017, 15NT03298


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...A...et la société à responsabilité limitée (SARL) CBTP ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 14 décembre 2011 par laquelle le directeur régional des finances publiques des Pays de la Loire a refusé d'accorder à la SARL CBTP le bénéfice de la cascade complète prévue à l'article L.77 du livre des procédures fiscales, d'appliquer aux rectifications maintenues les dispositions de l'article 163-O du code général des impôts et de prononcer la décharge

des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...A...et la société à responsabilité limitée (SARL) CBTP ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 14 décembre 2011 par laquelle le directeur régional des finances publiques des Pays de la Loire a refusé d'accorder à la SARL CBTP le bénéfice de la cascade complète prévue à l'article L.77 du livre des procédures fiscales, d'appliquer aux rectifications maintenues les dispositions de l'article 163-O du code général des impôts et de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1500354 du 27 août 2015, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2015 sous le n°1503298, M. et Mme B...A...et la SARL CBTP, représentés par MeC..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer l'annulation de la décision du 14 décembre 2011 ;

3°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009 ;

4°) d'enjoindre à l'administration fiscale de reprendre la procédure d'imposition à la date du 14 décembre 2011 ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur demande est recevable dès lors que le refus d'appliquer la cascade complète fait grief à la société qui se trouve in fine dans l'obligation de payer les impôts commerciaux sans avoir pu bénéficier des liquidités que l'associée lui aurait versées en cas d'acceptation et à M. et Mme A...qui n'ont pu bénéficié d'un dégrèvement d'impôt et de pénalités en reversant les fonds afférents dans les caisses sociales et que la décision attaquée ne portait pas la mention des voies et délais de recours ;

- l'administration fiscale a, par courrier du 14 décembre 2011, explicitement rejeté la demande de cascade complète ou, à tout le moins, l'a implicitement rejetée ;

- la décision du 14 décembre 2011 est illégale en tant qu'elle contient la décision de refus du bénéfice de la cascade et ne mentionne pas les voies de recours à l'encontre de cette décision ;

- la décision est entachée d'erreur de droit dans la mesure où une partie des revenus distribués, relevant des articles 109 et suivants du code général des impôts, entre dans le champ d'application de la cascade complète et que le bénéfice de ce dispositif ne peut être refusé lorsqu'un contribuable remplit les conditions prévues par l'article L. 77 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration fiscale a violé les droits du contribuable et de la défense en interdisant à M. et Mme A...de reverser dans les caisses de la société les fonds nécessaires au paiement des impôts commerciaux :

- l'administration fiscale commet une erreur de droit en estimant que l'acceptation du bénéfice de la cascade est subordonné au reversement des sommes nécessaires au paiement dans les caisses sociales alors que ce reversement n'est qu'une condition de mise en oeuvre du stade ultime de la procédure consistant en l'imputation des sommes lors du calcul des suppléments d'impôts dus par les bénéficiaires des revenus réputés distribués .

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable en l'absence de décision faisant grief dans la mesure où le vérificateur s'est borné, dans le courrier du 14 décembre 2011, à rappeler les principes de la cascade complète et les conditions de son application ;

- à titre subsidiaire, elle n'a pas commis d'erreur de droit dès lors que, si la SARL CBTP a réitéré sa demande de cascade complète par lettre du 9 janvier 2012, elle n'a pas précisé si ses associés avaient procédé au reversement dans la caisse sociale des sommes nécessaires au paiement des taxes sur le chiffre d'affaires et de l'impôt sur les sociétés se rapportant aux sommes distribuées et n'en a, en tout état de cause, pas avisé le vérificateur qui doit n'accorder l'imputation qu'après s'être assuré que le reversement a été matériellement effectué et constaté dans la comptabilité de la société.

II. Par un mémoire, enregistré le 9 janvier 2017 sous le n°1700067, M. et Mme B...A...et la SARL CBTP, représentés par MeC..., demandent, par les mêmes moyens que ceux analysés sous le n°1503298, à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer l'annulation de la décision du 14 décembre 2011 ;

3°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009 ;

4°) d'enjoindre à l'administration fiscale de reprendre la procédure d'imposition à la date du 14 décembre 2011 ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Malingue,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) CBTP a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2008 et 2009, à l'issue de laquelle des rectifications en matière d'impôt sur les sociétés lui ont été notifiées et ont été regardées comme distribuées entre les mains de ses associés, M. et MmeA... ; que, par courrier du 11 octobre 2011, le conseil de la société, agissant en son nom, a sollicité le bénéfice d'un délai supplémentaire pour répondre à la proposition de rectification adressée à la SARL CBTP et a demandé le bénéfice de la cascade complète ; que l'administration fiscale a répondu à ce courrier dans un paragraphe intitulé " cascade complète " de la réponse aux observations du contribuable du 14 décembre 2011 adressée au conseil de la société ; que la SARL CBTP et M. et Mme A...relèvent appel du jugement n° 1500354 du 27 août 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande d'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 14 décembre 2011 rejetant leur demande du bénéfice de la cascade complète ainsi que leurs conclusions aux fins de décharge des impositions réclamées à M. et MmeA... ;

Sur la jonction :

2. Considérant que le document enregistré sous le n° 17NT00067 constitue en réalité un mémoire complémentaire présenté pour la SARL CTBP et M. et Mme A...faisant suite à leur requête enregistrée sous le n° 15NT03298 ; que, par suite, ce document doit être rayé du registre du greffe de la cour et joint à la requête enregistrée sous le n° 15NT03298 ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales : " (...) Les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés peuvent, dans la mesure où le bénéfice correspondant aux rectifications effectuées est considéré comme distribué, par application des articles 109 et suivants du code général des impôts, à des associés ou actionnaires dont le domicile ou le siège est situé en France, demander que l'impôt sur le revenu supplémentaire dû par les bénéficiaires en raison de cette distribution soit établi sur le montant du rehaussement soumis à l'impôt sur les sociétés diminué du montant de ce dernier impôt. (...) Les demandes que les contribuables peuvent présenter au titre des troisième et quatrième alinéas doivent être faites au plus tard dans le délai de trente jours consécutif à la réception de la réponse aux observations prévue à l'article L. 57 ou, à défaut, d'un document spécifique les invitant à formuler lesdites demandes. / L'imputation prévue aux troisième et quatrième alinéas est soumise à la condition que les associés ou actionnaires reversent dans la caisse sociale les sommes nécessaires au paiement des taxes sur le chiffre d'affaires et des taxes assimilées, de l'impôt sur les sociétés et de la retenue à la source sur les revenus de capitaux mobiliers se rapportant aux sommes qui leur ont été distribuées. " ; que le bénéfice de la cascade complète n'a aucune incidence sur l'assiette de l'impôt sur les sociétés ; qu'il est seulement susceptible d'avoir pour conséquence une rectification de l'imposition sur les revenus réputés distribués aux associés de la société, sous réserve qu'il ait été procédé au préalable au reversement dans la caisse sociale de la société prévu par le dernier alinéa de cet article ;

4. Considérant que, pour rejeter les conclusions aux fins d'annulation du refus du bénéfice de la cascade complète prévue à l'article L. 77 du livre des procédures fiscales, les premiers juges ont accueilli la fin de non-recevoir opposée par l'administration fiscale tirée de ce que la réponse aux observations du contribuable en tant qu'elle est relative à la cascade complète ne fait pas grief et estimé que M. et Mme A...ne disposaient pas d'un intérêt à agir contre cette décision ;

5. Considérant, d'une part, qu'il ressort des termes mêmes de la réponse du 14 décembre 2011 que le vérificateur a, après avoir mentionné les paragraphes 3 et 4 de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales ainsi que la demande présentée par la SARL CBTP le 11 octobre 2011, apporté des précisions sur le champ d'application de ces dispositions et rappelé la condition de reversement à laquelle l'application du mécanisme est subordonnée ; que, ce faisant, il ne s'est pas seulement borné à rappeler les conditions exigées par la loi mais a rejeté la demande au motif que les conditions légales n'étaient pas remplies ; que, dès lors, cette réponse comportait un caractère décisoire ;

6. Considérant, d'autre part, qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, une décision de refus du bénéfice de ce dispositif est susceptible d'avoir des conséquences sur la rectification des impositions qui sont réclamées à M. et Mme A...en qualité d'associés de la SARL CBTP ; que, par suite, c'est à tort, que le tribunal a estimé qu'ils n'avaient pas d'intérêt à agir ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à demander l'annulation du jugement n° 1500354 du 27 août 2015 en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 14 décembre 2011 ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour la cour de se prononcer par voie d'évocation sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 14 décembre 2011 et d'injonction et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 14 décembre 2011 et d'injonction :

7. Considérant, en premier lieu, que l'absence de mention des voies et délais de recours contre une décision administrative n'est pas de nature à entacher celle-ci d'illégalité ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales ne visent que les sommes réputées distribuées en conséquence d'un rehaussement des bénéfices déclarés par une société ; que, dès lors, ne peuvent bénéficier de ce mécanisme les sommes réputées mises à disposition en vertu du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts qui concerne les sommes ou valeurs mises à disposition des associés et non prélevées sur les bénéfices et les sommes directement appréhendées au titre du c de l'article 111 du code général des impôts relatif aux rémunérations et distributions occultes ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'administration fiscale a commis une erreur de droit en distinguant en fonction de la nature des sommes réputées distribuées et en ne retenant que celles entrant dans le champ d'application de la cascade complète ; que, si les requérants se prévalent d'une " doctrine " accordant le bénéfice de la cascade complète sans limitation, ils ne précisent pas les références de l'instruction administrative qu'ils entendent invoquer et ne mettent donc pas à même la cour d'examiner la portée de leur argumentation ;

9. Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les dispositions de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales n'organisent pas un mécanisme d'acceptation du bénéfice de la cascade complète en deux temps successifs correspondant d'abord à un agrément de principe puis, après versement des sommes par les associés dans les caisses sociales, à l'imputation de ces sommes ; que, par conséquent, c'est sans erreur de droit que l'administration fiscale a rejeté la demande formée le 11 octobre 2011 au motif que la condition de reversement, seule condition de fond requise pour la délivrance de cet agrément, n'était pas remplie ;

10. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que si M. et Mme A...soutiennent que cette décision aurait eu pour effet de leur interdire définitivement de procéder au reversement dans les caisses de la société des fonds nécessaires, cette circonstance, qui n'est au demeurant pas établie dans la mesure où la demande de bénéfice de la cascade complète a été réitérée postérieurement à la décision du 14 décembre 2011, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 10 que la SARL CBTP et, en tout état de cause, M. et Mme A...ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision du 14 décembre 2011 ; que, par suite, leurs conclusions aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur le surplus des conclusions :

12. Considérant que la requête d'appel ne comporte aucun moyen à l'appui des conclusions aux fins de décharge des impositions réclamées à M. et MmeA... ; que les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus de leur demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante, une somme à verser aux requérants.

DÉCIDE :

Article 1er : Les productions enregistrées sous le n°17NT00067 seront rayées du registre du greffe de la cour pour être jointes à la requête n° 15NT03298.

Article 2 : Le jugement n°1500354 du tribunal administratif de Nantes du 27 août 2015 est annulé en tant qu'il a rejeté comme irrecevables les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 14 décembre 2011 présentées pour la SARL CBTP et M. et MmeA....

Article 3 : La demande tendant à l'annulation de la décision du 14 décembre 2011 et ses conclusions accessoires aux fins d'injonction ainsi que les conclusions d'appel de M. et Mme A...et de la SARL CBTP sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...A..., à la société à responsabilité limitée CBTP et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 26 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Delesalle, premier conseiller,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 novembre 2017.

Le rapporteur,

F. MalingueLe président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT03298 et 17NT00067


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03298
Date de la décision : 16/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : B2M2 ; B2M2 ; B2M2

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-11-16;15nt03298 ?
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