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10/11/2017 | FRANCE | N°15NT02043

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 10 novembre 2017, 15NT02043


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le nouveau code forestier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...'hirondel,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., substituant MeF..., représentant la commune de Jullouville.

1. Considérant que le maire de Jullouville, par un a

rrêté du 24 septembre 2012, a délivré à l'indivisionD..., un permis d'aménager un lotissement résidentiel de douze lots, d...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le nouveau code forestier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...'hirondel,

- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., substituant MeF..., représentant la commune de Jullouville.

1. Considérant que le maire de Jullouville, par un arrêté du 24 septembre 2012, a délivré à l'indivisionD..., un permis d'aménager un lotissement résidentiel de douze lots, d'une contenance totale de 9 121 m², sur un terrain situé 33 avenue Kairon ; que par des arrêtés des 26 février 2014 et 7 novembre 2014, le maire de Jullouville a délivré à M. et Mme E...un permis de construire puis un permis de construire modificatif pour la réalisation d'un immeuble à usage d'habitation sur une parcelle cadasrée section AM n°183 d'une contenance de 524 m² faisant partie de ce lotissement ; que l'association Manche Nature relève appel du jugement du 29 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la recevabilité des demandes de première instance :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 142-1 du code de l'environnement dans sa rédaction alors applicable : " Toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l'environnement peut engager des instances devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à celle-ci. / Toute association de protection de l'environnement agréée au titre de l'article L. 141-1 (...) justifient d'un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l'agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément." ;

3. Considérant que l'association Manche Nature, dont l'objet statutaire porte notamment sur la protection de l'environnement dans le département de la Manche, a été, en application de l'article L. 141-1 du même code, agréée pour le département de la Manche pour une durée de cinq ans par un arrêté de la préfète de la Manche du 9 septembre 2013 ; que l'association Manche Nature soutient que le permis de construire contesté, qui a été délivré le 26 février 2014, est de nature à porter atteinte à la qualité du paysage dès lors que le terrain d'assiette du projet ne se situe pas en continuité d'une agglomération ou d'un village existant et qu'aucune autorisation de défrichement n'a été préalablement accordée ; que ce permis est, par suite, susceptible de préjudicier aux intérêts que cette association a pour objet de défendre ; qu'elle a, ainsi, un intérêt à ce que soit prononcée l'annulation de cette décision ; que la fin de non recevoir opposée par la commune de Jullouville tirée du défaut d'intérêt à agir de l'association requérante ne peut ainsi qu'être écartée ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement " ; qu'il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les zones déjà urbanisées, caractérisées par une densité significative des constructions, mais qu'aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres constructions, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées des agglomérations ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des plans et photographies qui y sont joints, que le terrain d'assiette du projet est situé au nord-est du bourg de Jullouville et est inclus dans son enveloppe urbaine pour être classé en zone UC ; qu'il se rattache directement, nord-ouest et au sud-est, à des parcelles supportant déjà des constructions ; que contrairement à ce que soutient l'association requérante, l'avenue de Kairon ne saurait marquer une rupture d'urbanisation dès lors qu'elle dessert les constructions implantées de part et d'autre de la voie dont le secteur d'implantation du projet, situé à l'est de l'avenue, qui présente une densité de construction significative d'une quinzaine d'habitations ; que l'association Manche Nature ne saurait utilement alléguer, pour l'application du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, que le terrain d'assiette s'intègre dans la zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de la " mare de Bouillon et vallée du Thar " située à l'est dont il est séparé par une voie destinée à desservir le lotissement dans lequel s'inscrit le projet de construction contesté ainsi que par une barrière végétale ; que dans ces conditions, le terrain d'assiette du projet devant être regardé comme étant situé dans la continuité d'une agglomération ou d'un village existant au sens du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 425-6 du code de l'urbanisme : " Conformément à l'article L. 341-7 du nouveau code forestier, lorsque le projet porte sur une opération ou des travaux soumis à l'autorisation de défrichement prévue aux articles L. 341-1 et L. 341-3 du même code, celle-ci doit être obtenue préalablement à la délivrance du permis " ; qu'aux termes de l'article L.311-1 du nouveau code forestier : " Pour l'application du présent code, les bois et forêts des particuliers sont ceux qui appartiennent à des personnes physiques ou à des personnes morales de droit privé et qui ne relèvent pas du régime forestier. " ; qu'aux termes de l'article L.341-1 de ce dernier code : " Est un défrichement toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l'état boisé d'un terrain et de mettre fin à sa destination forestière. / Est également un défrichement toute opération volontaire entraînant indirectement et à terme les mêmes conséquences, sauf si elle est entreprise en application d'une servitude d'utilité publique. / La destruction accidentelle ou volontaire du boisement ne fait pas disparaître la destination forestière du terrain, qui reste soumis aux dispositions du présent titre. " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 341-3 dudit code : " Nul ne peut user du droit de défricher ses bois et forêts sans avoir préalablement obtenu une autorisation. / L'autorisation est délivrée à l'issue d'une procédure fixée par décret en Conseil d'Etat. (...) " ; que selon l'article L.341-7 de ce même code : " Lorsque la réalisation d'une opération ou de travaux soumis à une autorisation administrative, à l'exception de celles prévues au titre Ier et au chapitre V du titre V du livre V du code de l'environnement, nécessite également l'obtention d'une autorisation de défrichement, celle-ci doit être obtenue préalablement à la délivrance de cette autorisation administrative " ;

7. Considérant, par ailleurs qu'aux termes de l'article L.342-1 du nouveau code forestier dans sa rédaction alors applicable : " Sont exemptés des dispositions de l'article L. 341-3 les défrichements envisagés dans les cas suivants : / 1° Dans les bois et forêts de superficie inférieure à un seuil compris entre 0,5 et 4 hectares, fixé par département ou partie de département par le représentant de l'Etat, sauf s'ils font partie d'un autre bois dont la superficie, ajoutée à la leur, atteint ou dépasse ce seuil ; / 2° Dans les parcs ou jardins clos et attenants à une habitation principale, lorsque l'étendue close est inférieure à 10 hectares. Toutefois, lorsque les défrichements projetés dans ces parcs sont liés à la réalisation d'une opération d'aménagement prévue au titre Ier du livre III du code de l'urbanisme ou d'une opération de construction soumise à autorisation au titre de ce code, cette surface est abaissée à un seuil compris entre 0,5 et 4 hectares, fixé par département ou partie de département par le représentant de l'Etat (...) " ; que selon l'arrêté du préfet de la Manche du 2 juin 2003 pris pour l'application du 1° de l'article L.342-1 : " Dans le département de la Manche, tout défrichement dans un bois de superficie supérieure ou égale à 4 ha, même divisé en propriétés distinctes, est soumis à autorisation administrative préalable, sauf exceptions figurant à l'article L.351 du code forestier.(...) " ;

8. Considérant qu'il ressort de la demande de permis d'aménager déposée par l'indivision D...que si le terrain formant le lotissement dans lequel est comprise la parcelle de M. et Mme E...est situé sur un ancien lotissement datant de 1925, ce terrain est toutefois " fortement boisé et (...) est situé non loin d'un espace remarquable (Natura 2000 : mare de Bouillon) " ainsi que l'illustrent, au demeurant, les différentes photographies incluses dans cette demande ; que, alors même qu'il ne comporterait que des arbres de qualité médiocre, le bois que ce terrain supporte est de ceux mentionnés par les dispositions précitées de l'article L. 111-2 du nouveau code forestier ; que si le lotissement autorisé est situé en zone urbanisée, le bois dont il s'agit n'est pas inclus dans un parc ou jardin clos et attenant à une habitation principale, de sorte qu'il n'entre pas dans le cadre des dispositions du 2° de l'article L.342-1 du nouveau code forestier, comme le soutient la commune, mais dans celui du 1° du même article ; que selon la carte IGN produite par l'association requérante ainsi que les plans et photographies aériennes contenues dans la demande de permis d'aménager, ce bois est en continuité de celui ceinturant la " Mare de Bouillon " et fait ainsi partie de ce dernier boisement dont les superficies cumulées dépassent le seuil de quatre hectares fixé par l'arrêté préfectoral du 2 juin 2003 ; que dans ces conditions, le défrichement n'entrait pas dans le cadre des exemptions prévues à l'article L.342-1 et nécessitait l'obtention d'une autorisation ainsi que l'a au demeurant précisé le maire de Jullouville dans deux permis de construire délivrés à des co-lotis ; que si à la date du permis de construire, la parcelle d'assiette du projet avait déjà fait l'objet d'un défrichement, il n'est pas contesté qu'aucune autorisation préalable n'avait été délivrée ; qu'en l'absence de toute autorisation préalable, et en application des dispositions de l'article L.341-1 du nouveau code forestier, alors même qu'un permis d'aménager avait été précédemment délivré, cette destruction n'a pas fait disparaître la destination forestière du terrain qui restait soumis aux dispositions du titre IV du livre III du nouveau code forestier relatives aux défrichements ; que, par suite, l'association requérante est fondée à soutenir qu'en l'absence de délivrance d'une autorisation de défrichement préalablement au permis de construire litigieux, ce permis est illégal ;

9. Considérant, enfin, qu'il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, les moyens, non développés en appel, tirés, d'une part, de l'incomplétude de la demande de permis de construire en violation des dispositions des articles R. 431-7 et R. 431-8 du code de l'urbanisme, d'autre part, de l'absence de l'avis de l'architecte des bâtiments de France rendu obligatoire en application de l'article R. 425-1 du code de l'urbanisme, et, enfin, de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme en l'absence, dans le permis de construire contesté, de prescriptions spéciales destinées à protéger la faune pendant les travaux de construction ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que l'association Manche Nature est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.600-5-1 du code de l'urbanisme :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. " ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que seul le moyen tiré de ce que le permis de construire litigieux n'a pas été précédé d'une autorisation de défrichement, en méconnaissance des dispositions de l'article L.341-7 du nouveau code forestier, est de nature à entraîner l'annulation de ce permis ; que, toutefois, cette omission peut être régularisée par la délivrance d'un permis de construire modificatif si M. et Mme E...obtiennent une telle autorisation ; que dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt afin que, dans ce délai, M. et Mme E...procèdent à la régularisation prescrite ci-dessus et notifient à la cour le permis de construire modificatif obtenu ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête présentée par l'association Manche Nature jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, pour permettre à M. et Mme E...de notifier à la cour un permis de construire modificatif régularisant le vice tiré du défaut d'obtention préalable d'une autorisation de défrichement.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Manche Nature, à M. et MmeG... E... et à la commune de Jullouville.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Degommier, président-assesseur,

- M. A...'hirondel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 novembre 2017.

Le rapporteur,

M. H...Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

S. BOYERE

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

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N°15NT02043


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15NT02043
Date de la décision : 10/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : BUSSON

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-11-10;15nt02043 ?
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