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06/10/2017 | FRANCE | N°17NT00947

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 06 octobre 2017, 17NT00947


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2016 par lequel le préfet de la Manche l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n°1605097 du 28 novembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la

cour :

Par une requête enregistrée le 18 mars 2017 M.C..., représenté par MeE..., demande à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2016 par lequel le préfet de la Manche l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n°1605097 du 28 novembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 mars 2017 M.C..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 28 novembre 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Manche du 24 novembre 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Manche de retirer le signalement dont il a fait l'objet aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et n'a pas été prise après un véritable examen de sa situation personnelle ;

- le refus de lui accorder un délai pour quitter la France est insuffisamment motivé et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'interdiction de retour en France pour une durée de deux ans est insuffisamment motivée et n'a pas été prise à l'issue d'un examen sérieux de sa situation personnelle, elle méconnait l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 28 juin 2017 le préfet de la Manche conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. C...ne sont pas fondés.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 février 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Berthon,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

1. Considérant que M. A...C..., ressortissant albanais né le 9 mai 1996 et entré en France, selon ses propres déclarations, en novembre 2016 sous couvert d'un passeport biométrique, a été interpellé le 24 novembre 2016 à la gare maritime de Cherbourg-en-Cotentin après avoir été refoulé à la frontière par les autorités britanniques et placé en garde à vue ; que, par un arrêté du même jour, le préfet de la Manche l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ; que M. C...relève appel du jugement du 28 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) " ; qu'aux termes du II du même article : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) " ;

3. Considérant que la décision contestée obligeant M. C...à quitter le territoire français vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que M. C...est célibataire et sans charge de famille, ne justifie pas de l'objet et des conditions de son séjour en France, ne présente pas de garanties de rapatriement et qu'il existe un risque qu'il se maintienne en France dans l'intention de se rendre illégalement en Grande-Bretagne, dès lors qu'il a manifesté sa ferme intention d'y émigrer ; qu'elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'elle serait insuffisamment motivée doit être écarté ;

4. Considérant que, contrairement à ce que soutient M.C..., il ressort de ses propres déclarations à la police, enregistrées après son interpellation, qu'il ne disposait ni d'argent ni de garanties de rapatriement ; que la seule circonstance qu'il possédait un passeport en cours de validité ne suffit pas à établir qu'il ne présentait pas un risque de se soustraire à la mesure d'éloignement prise à son encontre ; que, dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'en lui refusant le bénéfice d'un départ volontaire le préfet de la Manche n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du III du l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. " ; (...) L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II). Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) " ;

6. Considérant que la mesure contestée d'interdiction de retour sur le territoire français vise le premier alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que l'intéressé a déclaré être entré en France quelques jours avant son interpellation, le 24 novembre 2016, à la gare maritime de Cherbourg-en-Cotentin, muni d'un passeport en cours de validité et qu'il est " sans domicile fixe en France, que son intention de se rendre en Angleterre est démontrée " ; que cette décision comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, et alors même qu'elle ne mentionne pas la circonstance que l'intéressé a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de ce qu'elle serait insuffisamment motivée ; que, pour les mêmes motifs, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation particulière de l'intéressé doit être également écarté ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) " ; qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union ; que, par suite, le moyen tiré de sa violation par la décision contestée d'interdiction de retour sur le territoire français est inopérant ;

8. Considérant, pour le surplus, que M. C...se borne à invoquer devant le juge d'appel, sans plus de précisions ou de justifications, les mêmes moyens que ceux développés en première instance ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges et tirés de ce que la décision obligeant l'intéressé à quitter le territoire français ne révèle pas un défaut d'examen de sa situation particulière, de ce que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est suffisamment motivée, et de ce que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa requête ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Manche.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Berthon, premier conseiller,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 octobre 2017.

Le rapporteur,

E. BerthonLe président,

I. Perrot

Le greffier,

M. Laurent

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°17NT00947


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00947
Date de la décision : 06/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : BERTHET-LE FLOCH

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-10-06;17nt00947 ?
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