Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) DRV a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010.
Par un jugement n° 1402233 du 7 juillet 2015, le tribunal administratif d'Orléans a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement de la somme de 2 643 euros correspondant aux pénalités dont étaient assortis les suppléments d'impôt sur les sociétés mis à la charge de l'EURL DRV au titre de l'exercice clos en 2008 et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 10 septembre 2015, 24 mai et 13 septembre 2016, l'EURL DRV, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 7 juillet 2015 en tant qu'il a rejeté sa demande ;
2°) de prononcer la décharge des suppléments d'imposition restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration a méconnu les articles L. 10 et L. 47 du livre des procédures fiscales ;
- elle ne justifie pas de l'envoi régulier d'une réponse à ses observations ;
- elle ne démontre pas avoir régulièrement notifié l'avis de vérification du 12 juillet 2011, accompagné de la charte des droits et obligations du contribuable et précisant que le contribuable peut se faire assister du conseil de son choix, ainsi que les propositions de rectification des 19 décembre 2011 et 22 mars 2012 ;
- la signature figurant sur l'accusé de réception postal de la lettre du 30 août 2011 et sur celui de la réponse aux observations du contribuable n'est pas celle du gérant de l'entreprise, M.B... ;
- l'administration ne justifie pas lui avoir régulièrement notifié l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ni sa lettre d'accompagnement ;
- l'accusé de réception postal de cet avis comporte une adresse illisible et n'a pas été signé par le gérant de l'entreprise ;
- l'expert-comptable n'avait pas été expressément mandaté par le gérant de l'entreprise pour suivre les opérations de vérification ;
- les montants de trois factures émises par la société Info-E-Media sont déductibles de son résultat à hauteur de 38 750 euros pour l'année 2008, 40 380 euros pour l'année 2009 et 41 200 euros pour l'année 2010 ;
- la somme de 19 825 euros correspondant au solde créditeur du compte fournisseur de la société Info-E-Media au titre de l'exercice clos en 2008 ne constitue pas un passif injustifié ;
- les pénalités de 40 % pour manquement délibéré ne sont ni motivées ni justifiées.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 mars, 30 juin et 8 novembre 2016, le ministre chargé des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par l'EURL DRV ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chollet,
- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
1. Considérant que l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) DRV, qui exerce une activité de commercialisation de matériels informatiques et a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, relève appel du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 7 juillet 2015 en tant qu'il a, après avoir prononcé un non-lieu à statuer partiel portant sur les majorations appliquées à la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés due au titre de l'exercice clos en 2008, rejeté le surplus de sa demande tendant, d'une part, à la décharge, en droits, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de cet exercice et, en droits et pénalités, de celles auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010 et, d'autre part, à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. (...) " ; qu'en vertu de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, avant l'engagement d'une vérification de comptabilité, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité de l'EURL DRV a été engagée par un avis de vérification daté du 12 juillet 2011, précisant que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix, adressé à son représentant légal et envoyé notamment à l'adresse de son nouveau siège social, situé 9 rue Jehan-Fouquet à Tours ; qu'il ressort de l'avis de réception postal, produit par l'administration fiscale et portant la mention " 751 + 3927 + charte 2011 " que ce pli a été distribué le 1er septembre 2011, date apposée sur cet avis, soit avant les opérations de contrôle qui se sont déroulées du 22 septembre au 1er décembre 2011 ; qu'en outre, la lettre du 30 août 2011 accompagnant cet envoi précise qu'il contient l'avis de vérification et la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; que, dans ces conditions, l'EURL DRV ne se prévaut pas utilement de l'irrégularité d'un premier envoi fait à son ancienne adresse à Paris ; qu'en outre, s'il résulte de l'instruction que ce n'est pas son gérant qui a signé l'avis de réception postal, elle ne démontre pas que la personne qui l'a signé n'avait pas qualité pour le faire ; que, dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 47 et L. 10 du livre des procédures fiscales doivent être écartés ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que les propositions de rectification du 19 décembre 2011 et du 22 mars 2012 ont été respectivement notifiées à l'EURL DRV les 22 décembre 2011 et 23 mars 2012 à l'adresse de son nouveau siège social et que la réponse à ses observations du 8 juin 2012 et le seul avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires le 27 novembre 2012 lui ont été respectivement notifiés, à la même adresse, le 11 juin 2012 et le 29 janvier 2013, ainsi que l'attestent les accusés de réception suffisamment lisibles produits par l'administration ; que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3 du présent arrêt, la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir du fait que ces accusés de réception ont été signés par une personne autre que son gérant ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité dont l'EURL DRV a fait l'objet s'est déroulée du 22 septembre au 1er décembre 2011, à son siège social, en présence de l'épouse de son gérant dûment mandatée par mandat du 19 septembre 2011 ; qu'il suit de là que l'entreprise n'était pas représentée par son expert-comptable ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que ce dernier n'avait pas été mandaté par le gérant pour suivre les opérations de contrôle doit être écarté ;
6. Considérant, enfin, que si l'EURL DRV soutient que l'administration a méconnu les dispositions des articles L. 55, L. 169 et L. 170 du livre des procédures fiscales, ces moyens ne sont pas assortis de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé ;
Sur le bien fondé de l'imposition :
En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :
7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (à l'adresse d'une société détenue par l'expert-comptable de l'entreprise requérante et que la société Info-e-Media ne disposait pas des moyens humains et matériels nécessaires pour réaliser les prestations depuis l'Ile Maurice) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (à l'adresse d'une société détenue par l'expert-comptable de l'entreprise requérante et que la société Info-e-Media ne disposait pas des moyens humains et matériels nécessaires pour réaliser les prestations depuis l'Ile Maurice) " ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;
8. Considérant que l'EURL DRV a comptabilisé en charges, au 31 décembre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010, trois factures émises par l'entreprise Info-e-Media et libellées respectivement " Info media " pour un montant de 38 750 euros, " Info media 2009 " pour un montant de 40 380 euros et " facture 2010 " pour un montant de 41 200 euros ; que l'administration a remis en cause la déduction de ces charges au motif que l'EURL DRV ne justifie pas de la réalité des prestations fournies ;
9. Considérant que l'administration fait valoir que ces trois factures ont été émises une seule fois par an le 31 décembre, sont constituées chacune d'une seule feuille à laquelle est annexée une liste sommaire de travaux de trois pages indiquant le tarif horaire et un nombre de jours d'exécution mais ne précisant pas les horaires effectués alors que la société Info-e-Media est présentée comme le principal fournisseur de prestations de développements informatiques de l'entreprise requérante et que les trois factures ont représenté 63 % de ses charges en 2008, 51 % en 2009 et 68 % en 2010 ; qu'elle précise en outre que la société Info-e-Media, dont le gérant de l'EURL DRV et son épouse sont coassociés, n'a pas de locaux commerciaux ou de bureau mais est domiciliée à l'adresse d'une société détenue par l'expert-comptable de l'entreprise requérante et que la société Info-e-Media ne disposait pas des moyens humains et matériels nécessaires pour réaliser les prestations depuis l'Ile Mauriceoù elle est fiscalement domiciliée ; qu'enfin, l'administration fait valoir que les travaux de sous-traitance que la société Info-e-Media auraient réalisés sont globalement affectés aux mêmes projets que ceux dont d'autres fournisseurs, auprès desquels elle a exercé un droit de communication, avaient la charge et dont les factures, qui ont été régulièrement payées, sont plus explicites quant à la nature du travail exécuté et la comptabilisation du temps de travail ;
10. Considérant qu'en réponse à ces éléments de preuve, l'EURL DRV se borne à soutenir qu'elle justifie de la réalité des prestations, les trois factures qu'elle a produites ayant été régulièrement établies par la société Info-e-Media ; que, dans ces conditions, l'administration établit que les paiements effectués par l'entreprise requérante n'ont eu aucune contrepartie pour elle ; que, par suite, c'est à bon droit qu'elle a remis en cause la déduction des charges y correspondant du résultat fiscal de l'EURL DRV au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 ;
11. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. " ; que le contribuable doit toujours justifier de l'exactitude des écritures portant sur des créances de tiers, quelle que soit la procédure d'imposition suivie à son encontre ;
12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le solde du compte fournisseur ouvert dans les écritures de l'EURL DRV au nom de la société Info-e-Media s'élevait à 29 918 euros au 1er janvier 2008 et à 19 825 euros au 31 décembre de la même année ; que l'administration a réintégré dans les résultats imposables de l'EURL DRV ce solde créditeur de 19 825 euros au motif que l'entreprise requérante n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la réalité de la prestation de ce fournisseur et, par suite, de sa dette vis-à-vis de lui ; que si l'entreprise requérante soutient que ce solde créditeur est justifié par une facture régulière du
31 décembre 2008, il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 9 du présent arrêt que l'EURL DRV n'apporte pas la preuve de la réalité des prestations facturées ; que, dans ces conditions, elle ne justifie pas de la correcte inscription en comptabilité de cette écriture de passif ;
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
13. Considérant que l'EURL DRV ne soulève aucun moyen à l'encontre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 ;
En ce qui concerne les pénalités :
14. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. / (...) " ;
15. Considérant, d'une part, que la motivation des majorations, contenue dans les propositions de rectification des 19 décembre 2011 et 22 mars 2012, précise les redressements concernés et les raisons pour lesquelles, pour les années litigieuses, l'administration a retenu l'existence d'un manquement délibéré ; que, dès lors, elles sont suffisamment motivées au regard des exigences de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ;
16. Considérant, d'autre part, que pour appliquer la majoration pour manquement délibéré aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de la comptabilisation de charges de sous-traitance, l'administration s'est fondée sur le fait que la réalité des prestations de la société Info-e-Media n'était pas établie, sur la qualité de coassociés de l'EURL DRV du gérant de l'entreprise et de son épouse et sur l'importance des sommes ayant fait l'objet d'une facturation fictive ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de l'existence d'un manquement délibéré et par suite, du bien-fondé de l'application de la majoration de 40 % restant en litige ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'EURL DRV n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'EURL DRV est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) DRV et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 18 mai 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Aubert, président de chambre,
- Mme Chollet, premier conseiller,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er juin 2017.
Le rapporteur,
L. CholletLe président,
S. Aubert
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT02787