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18/05/2017 | FRANCE | N°17NT00767

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 18 mai 2017, 17NT00767


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...F...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 26 avril 2016 du préfet de la Loire-Atlantique refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de renvoi d'office passé ce délai.

Par un jugement n° 1604231 du 2 novembre 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er mars 2017, MmeF

..., représentée par Me RodriguesDevesas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...F...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 26 avril 2016 du préfet de la Loire-Atlantique refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de renvoi d'office passé ce délai.

Par un jugement n° 1604231 du 2 novembre 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er mars 2017, MmeF..., représentée par Me RodriguesDevesas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 avril 2016 du préfet de la Loire-Atlantique refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de renvoi d'office passé ce délai ;

3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence algérien ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me RodriguesDevesasen application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, moyennant la renonciation de ce conseil à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'incompétence ; elle a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire prévu par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ; elle méconnaît le 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 , le 5 de cet article 6 de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, enfin le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée en droit ;

- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours est insuffisamment motivée en fait.

Par un mémoire, enregistré le 15 mars 2017, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens présentés ne sont pas fondés et s'en remet à ses écritures de première instance.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur le moyen soulevé d'office tiré de l'irrecevabilité en appel des moyens tirés de la méconnaissance du contradictoire et de l'insuffisance de motivation dans la mesure où ils ne relèvent pas de la même cause juridique que celle à laquelle se rattachait le moyen présenté en première instance et ne sont pas d'ordre public.

Mme F...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Delesalle,

- et les observations de Me Perrotsubstituant Me RodriguesDevesas, représentant Mme F....

1. Considérant que Mme F..., ressortissante algérienne née en 1960, est entrée en France le 24 janvier 2013, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de tourisme d'une durée de validité de trente jours et s'est maintenue sur le territoire français au-delà de la période de validité de son visa ; que le 6 mars 2015, elle a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence en invoquant son état de santé ; qu'après avoir recueilli le 17 septembre 2015 l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, le préfet de la Loire-Atlantique a, par un arrêté du 26 avril 2016, rejeté cette demande, assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel elle serait susceptible d'être reconduite d'office au terme de ce délai ; que Mme F...relève appel du jugement du 2 novembre 2016 du tribunal administratif de Nantes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. Considérant M.D..., directeur de la règlementation et des libertés publiques de la préfecture de la Loire-Atlantique et signataire de la décision, avait reçu délégation du préfet, par un arrêté du 26 octobre 2015 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le département, à effet de signer notamment les décisions portant refus de titre de séjour ; que dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision manque en fait ;

3. Considérant que, devant le tribunal administratif de Nantes, Mme F...n'a pas contesté la légalité externe de la décision portant refus de titre de séjour ; que, par suite, si elle invoque devant la cour le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire, ce moyen, fondé sur une cause juridique distincte de celle sur laquelle reposait le moyen soulevé en première instance, et qui n'est pas d'ordre public, est irrecevable ; qu'en tout état de cause, le refus ayant été pris à la suite d'une demande, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire prévu par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration est inopérant ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables aux demandes formées par les ressortissants algériens en application des stipulations précitées : " (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé (...) " ;

5. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ;

6. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

7. Considérant que, par un avis rendu le 17 septembre 2015, le médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire a estimé que l'état de santé de Mme F...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas en Algérie de traitement approprié à cet état de santé ; que le préfet de la Loire-Atlantique, qui n'était pas lié par cet avis, a refusé de délivrer le titre de séjour demandé au motif que la requérante avait indiqué souffrir de céphalées chroniques depuis vingt ans et que les ordonnances jointes à sa demande prescrivaient des médicaments traitant les douleurs symptomatiques et l'hypertension artérielle alors que, au vu d'une " fiche pays " établie par le ministère de l'intérieur, il n'était pas établi qu'elle ne puisse bénéficier d'un traitement approprié à ces affections ;

8. Considérant que par les documents qu'il produit, le préfet justifie que la majorité des pathologies est soignée en Algérie et qu'il existe un système de sécurité sociale offrant une protection à la majorité de la population, dont les personnes démunies ; que MmeF..., qui ne fournit aucun élément sur le traitement approprié à son état de santé et sa disponibilité en Algérie, ne remet pas en cause les informations communiquées par le préfet ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / (...) " ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le mari de Mme F... réside sur le territoire français depuis 1980 alors que celle-ci est restée en Algérie où elle a vécu jusqu'en janvier 2013, soit plus de trente-trois ans ; que si quatre de ses enfants nés en 1978, 1990, 1997 et 2001 sont installés sur le territoire français, le premier y réside depuis 1998 et les trois autres depuis 2001 ; que deux autres enfants du couple résident en Algérie ; que compte tenu de la durée pendant laquelle elle a vécu éloignée de son mari et de ses enfants résidant en France et de la présence d'autres enfants, sans justifier de l'absence de liens avec eux, en Algérie, où elle a vécu jusqu'à l'âge de cinquante-trois ans, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté ; que pour les mêmes motifs, doit être écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

11. Considérant que compte tenu de la durée pendant laquelle la requérante a vécu éloignée de son dernier enfant, mineur à la date de décision, ainsi qu'il a été dit au point 10, le moyen tiré de la méconnaissance du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. Considérant que, devant le tribunal administratif de Nantes, Mme F...n'a pas contesté la légalité externe de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, si elle invoque devant la cour le moyen tiré de l'insuffisance de motivation, ce moyen, fondé sur une cause juridique distincte de celle sur laquelle reposait le moyen soulevé en première instance, et qui n'est pas d'ordre public, est irrecevable ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 11 que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté ;

14. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

15. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11, le moyen tiré de la méconnaissance du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

Sur la fixation d'un délai de départ de trente jours :

16. Considérant que, devant le tribunal administratif de Nantes, Mme F...n'a pas contesté la légalité externe de la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours ; que, par suite, si elle invoque devant la cour le moyen tiré de l'insuffisance de motivation, ce moyen, fondé sur une cause juridique distincte de celle sur laquelle reposait le moyen soulevé en première instance, et qui n'est pas d'ordre public, est irrecevable ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme F...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...F...et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera transmise, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président assesseur,

- M. Delesalle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 mai 2017.

Le rapporteur,

H. DelesalleLe président,

F. Bataille

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT00767


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00767
Date de la décision : 18/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Hubert DELESALLE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : RODRIGUES-DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-05-18;17nt00767 ?
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