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18/05/2017 | FRANCE | N°15NT02336

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 18 mai 2017, 15NT02336


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Etablissements Joël Le Mestric a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la restitution, au titre de l'impôt sur les sociétés, des sommes de 96 341 euros, 154 089 euros et 173 288 euros, à raison du crédit d'impôt au titre des années respectives 2008, 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1302395-1304657-1403275 du 18 juin 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête

enregistrée le 29 juillet 2015 et un mémoire enregistré le 3 janvier 2017, la SCP Erwan Flâtrès...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Etablissements Joël Le Mestric a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la restitution, au titre de l'impôt sur les sociétés, des sommes de 96 341 euros, 154 089 euros et 173 288 euros, à raison du crédit d'impôt au titre des années respectives 2008, 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1302395-1304657-1403275 du 18 juin 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 juillet 2015 et un mémoire enregistré le 3 janvier 2017, la SCP Erwan Flâtrès, agissant en qualité de liquidateur de la SAS Etablissements Joël Le Mestric, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la restitution, au titre de l'impôt sur les sociétés, des sommes de 96 341 euros, 154 089 euros et 173 288 euros, à raison du crédit d'impôt au titre des années respectives 2008, 2009 et 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme à déterminer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors qu'il n'a pas répondu au moyen tiré de l'irrégularité de la motivation de la décision de rejet de sa réclamation au titre de l'année 2010 ;

- ses activités entrent dans le champ d'application de l'article 244 quater O du code général des impôts ;

- elle réalise des produits nouveaux au sens de l'article 49 septies ZL de l'annexe III au code général des impôts dès lors que, comme l'a admis le tribunal administratif de Dijon, les produits peuvent être qualifiés de nouveaux du seul fait de leur apparence, caractérisée, en particulier, par leurs lignes, contours, couleurs, matériaux, forme, texture, indépendamment de leur caractère nouveau au regard de leur fonctionnalité, même si les produits réalisés sont des pièces uniques réalisées sur mesure pour les clients ;

- l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon dont se prévaut l'administration n'est pas transposable à sa situation ;

- le métier de menuisier est un métier d'art au sens de l'arrêté du 12 décembre 2003 et les étapes d'élaboration d'un nouveau produit correspondent à la définition des travaux portant sur la mise au point des nouveaux produits selon l'Institut national des métiers d'art ;

- chaque réalisation fait l'objet d'une étude et d'une réflexion approfondie pour aboutir à des produits uniques différents et qui se distinguent des objets existants ou des séries ou collections précédentes ;

- s'agissant des salaires et des charges sociales à prendre en compte, ce sont ceux afférents aux salariés directement chargés de la conception de nouveaux produits, sans que ces derniers soient affectés exclusivement à cette conception, les tâches de conception et de réalisation des produits étant réalisées par les mêmes personnes dans les métiers d'art ;

- l'analyse de l'administration en termes de " conception " et de " mise au point " des nouveaux produits, qui se limitent aux opérations intellectuelles, est trop restrictive, n'est prévue ni par la loi ni par les commentaires administratifs et va à l'encontre de l'intention du législateur lorsqu'il a institué ce dispositif visant à soutenir des secteurs " intensifs en main-d'oeuvre mais peu intensifs en recherche-développement " ainsi que des parlementaires l'ont souligné ;

Par un mémoire, enregistré le 21 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens présentés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'arrêté du 12 décembre 2003 fixant la liste des métiers de l'artisanat d'art ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Delesalle,

- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

1. Considérant que la société par actions simplifiée (SAS) Etablissements Joël Le Mestric exerce à Caudan (Morbihan) une activité de menuiserie spécialisée dans l'agencement de cuisines, l'installation d'escaliers, la réalisation et la pose d'huisseries en aluminium ; qu'elle a demandé le bénéfice du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art prévu par l'article 244 quater O du code général des impôts au titre des dépenses exposées pour cette activité au cours des années 2008, 2009 et 2010 ; qu'après le rejet par l'administration de ses réclamations préalables, elle a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à leur bénéfice ; que la SCP Erwan Flâtrès, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société, relève appel du jugement du 18 juin 2015 qui, après avoir joint ces demandes, les a rejetées ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que la SAS Etablissements Joël Le Mestric a soulevé, dans sa demande de première instance, un moyen tiré de l'irrégularité de la motivation du rejet de sa réclamation relative au bénéfice du crédit d'impôt au titre de l'année 2010 ; que le tribunal n'a pas visé le moyen et n'y a pas répondu ; que son jugement a, dès lors, été rendu dans des conditions irrégulières et doit, par suite, être annulé en tant qu'il statue sur la demande de restitution du crédit d'impôt au titre de l'année 2010 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur ces conclusions ;

Sur le bien-fondé :

3. Considérant que le moyen tiré de l'insuffisance ou de l'irrégularité de la motivation de la décision de rejet du 12 juin 2014 de la réclamation relative au bénéfice du crédit d'impôt au titre de l'année 2010 est inopérant ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 244 quater O du code général des impôts :

" I. - Les entreprises mentionnées au III (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à 10 % de la somme : / 1° Des salaires et charges sociales afférents aux salariés directement chargés de la conception de nouveaux produits dans un des secteurs ou métiers mentionnés au III et aux ingénieurs et techniciens de production chargés de la réalisation de prototypes ou d'échantillons non vendus ; (...). / III.-Les entreprises pouvant bénéficier du crédit d'impôt mentionné au I sont : / 1° Les entreprises dont les charges de personnel afférentes aux salariés qui exercent un des métiers d'art énumérés dans un arrêté du ministre chargé des petites et moyennes entreprises représentent au moins 30 % de la masse salariale totale ; / 2° Les entreprises industrielles des secteurs de l'horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie, de l'orfèvrerie, de la lunetterie, des arts de la table, du jouet, de la facture instrumentale et de l'ameublement ; les nomenclatures des activités et des produits concernés sont définies par arrêté du ministre chargé de l'industrie ; / 3° Les entreprises portant le label " Entreprise du patrimoine vivant " au sens de l'article 23 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 49 septies ZL de l'annexe III de ce code alors en vigueur : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts, les opérations de conception de nouveaux produits s'entendent des travaux portant sur la mise au point de produits ou gamme de produits qui, par leur apparence caractérisée en particulier par leurs lignes, contours, couleurs, matériaux, forme, texture, ou par leur fonctionnalité, se distinguent des objets industriels ou artisanaux existants ou des séries ou collections précédentes " ; qu'il résulte de ces dispositions que les opérations de conception de nouveaux produits ouvrant droit au crédit d'impôt prévu par l'article 244 quater O du code général des impôts consistent en la mise en oeuvre de moyens visant à la production d'un travail de création original ;

5. Considérant qu'il est constant que la SAS Etablissements Joël Le Mestric entrait dans les prévisions du III de l'article 244 quater O du code général des impôts au titre de son activité de menuiserie ; que, toutefois, si le mandataire liquidateur de la société soutient que son activité consiste en la fabrication, à l'issue d'un travail d'étude approfondie de conception, de meubles haut de gamme, uniques et sur mesure, pour chacun de ses clients, cette seule circonstance ne suffit pas à caractériser la conception de produits nouveaux ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas des plans et dessins produits ainsi que du descriptif des matériaux employés ou des bons de commande qui font référence à des modèles existants type " Iceberg " ou " Atlantique ", que les meubles conçus et fabriqués, seraient, par leurs lignes, contours, couleurs, matériaux, formes, textures et fonctionnalité, distincts de meubles du même type déjà commercialisés ; qu'en l'absence de travail de création original, la SAS Etablissements Joël Le Mestric ne pouvait, dès lors, prétendre au bénéfice du crédit d'impôt prévu par l'article 244 quater O du code général des impôts au titre des années 2008, 2009 et 2010 ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, la SCP Erwan Flâtrès n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes tendant au bénéfice du crédit d'impôt au titre des années 2008 et 2009 ; que, d'autre part, elle n'est pas fondée à demander la restitution du crédit d'impôt au titre de l'année 2010 ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme, au surplus non chiffrée, au bénéfice de la SCP Erwan Flâtrès au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 18 juin 2015 du tribunal administratif de Rennes est annulé en tant qu'il porte sur la demande de restitution du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art au titre de l'année 2010.

Article 2 : La demande de restitution du crédit d'impôt au titre de l'année 2010 et le surplus des conclusions de la SCP Erwan Flâtrès sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCP Erwan Flâtrès et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président assesseur,

- M. Delesalle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 mai 2017.

Le rapporteur,

H. DelesalleLe président,

F. Bataille

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT02336


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15NT02336
Date de la décision : 18/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Hubert DELESALLE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : SELARL AVOXA LORIENT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-05-18;15nt02336 ?
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