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04/05/2017 | FRANCE | N°15NT03332

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 04 mai 2017, 15NT03332


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Les Vedettes de Bréhat a demandé au tribunal administratif de Rennes de la décharger, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1303917 du 28 août 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés l

es 30 octobre 2015 et 22 décembre 2016, la SAS Les Vedettes de Bréhat, représentée par MeE..., demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Les Vedettes de Bréhat a demandé au tribunal administratif de Rennes de la décharger, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1303917 du 28 août 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 30 octobre 2015 et 22 décembre 2016, la SAS Les Vedettes de Bréhat, représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de la décharger, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les avances consenties à la SARL Le Barbu constituent un acte normal de gestion et pouvaient ainsi être régulièrement provisionnées ;

- le caractère normal des avances tient à ce que celles-ci ont été consenties à une filiale, étaient rémunérées et ne présentaient aucun caractère excessif dès lors qu'elles s'inscrivaient dans un projet économique global ;

- le caractère normal des avances est justifié par son intérêt commercial lié au fait que ses activités et celles de la SARL Le Barbu étaient complémentaires ;

- elle était tenue de provisionner les avances au regard des règles du droit comptable ;

- la comptabilisation des intérêts ne peut être relevée comme relevant d'une gestion anormale ;

- elle doit être déchargée des pénalités de 40 % pour manquement délibéré car, d'une part, elle n'a pas cherché à éluder l'impôt dès lors que les avances s'inscrivaient dans un projet économique, qu'elles apparaissaient avec les provisions dans chacune des liasses fiscales déposées, que la constitution de provisions était une obligation comptable et fiscale et, d'autre part, il existe un débat juridique complexe.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 février 2016 et 31 mars 2017, le ministre chargé des finances publiques conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens présentés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Delesalle,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public,

- les observations de MeB..., représentant la SAS Les Vedettes de Bréhat.

1. Considérant que la société par actions simplifiée (SAS) Les Vedettes de Bréhat, dont le siège social est à Bréhat (Côtes-d'Armor) a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période allant du 1er avril 2007 au 31 mars 2011 à l'issue de laquelle le service a réintégré dans ses résultats imposables des sommes correspondant à des provisions pour créances douteuses assorties d'intérêts, comptabilisées au titre des exercices clos les 31 mars 2009, 2010 et 2011 ; que l'administration a assorti les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts ; que la SAS Les Vedettes de Bréhat a alors demandé au tribunal administratif de Rennes la décharge de ces impositions, soit les sommes d'un montant de 238 197 euros en droits, de 22 329 euros en intérêts de retard et de 95 279 euros au titre de la majoration pour manquement délibéré ; qu'elle relève appel du jugement du 28 août 2015 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Considérant qu'aux termes du 2 de l'article de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. " ; qu'aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les comptes de l'exercice. (...) " ;

3. Considérant, d'une part, que lorsqu'une provision a été constituée dans les comptes de l'exercice, et sauf si les règles propres au droit fiscal y font obstacle, notamment les dispositions particulières du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, limitant la déductibilité fiscale de certaines provisions, le résultat fiscal de ce même exercice doit, en principe, être diminué du montant de cette provision dont la reprise, lors d'un ou de plusieurs exercices ultérieurs, entraîne en revanche une augmentation de l'actif net du ou des bilans de clôture du ou des exercices correspondants ;

4. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des articles 38 et 39 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, que le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que c'est au regard du seul intérêt propre de l'entreprise que l'administration doit apprécier, pour déterminer le caractère déductible d'une charge, si des opérations correspondent à des actes relevant d'une gestion commerciale normale ; qu'indépendamment du cas de détournements de fonds rendus possibles par le comportement délibéré ou la carence manifeste des dirigeants, il n'appartient pas à l'administration, dans ce cadre, de se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par l'entreprise et notamment pas sur l'ampleur des risques pris par elle pour améliorer ses résultats ; que les prêts sans intérêts ou l'abandon de créances accordés par une entreprise au profit d'un tiers, ainsi que les avances consenties dont l'entreprise admet dès l'origine le caractère irrécouvrable en les provisionnant, ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages l'entreprise a agi dans son propre intérêt ;

5. Considérant, enfin, que s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que les avantages consentis par une entreprise à un tiers constituent un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ; que, dans l'hypothèse où l'entreprise apporte une telle justification, il incombe ensuite à l'administration, si elle s'y croit fondée, d'apporter la preuve de ce que cette contrepartie est dépourvue d'intérêt pour l'entreprise ou que sa rémunération est excessive ;

6. Considérant que la SAS Les Vedettes de Bréhat, dont Mme D...C... est la présidente, exerce une activité de transport maritime de passagers, et dispose à ce titre, d'une autorisation temporaire d'exploitation de la ligne maritime entre le continent et l'île de Bréhat en assurant diverses excursions maritimes ; que son capital d'un montant de 42 000 euros était détenu jusqu'en 2010 par les sociétés anonymes (SA)C..., A...et Floury ; qu'il a été porté à 155 840 euros à la suite de la fusion-absorption de la SA Floury par les deux autres sociétés et réparti à égalité entre celles-ci, lesquelles sont chacune majoritairement détenues par les familles C...etA... ; qu'en février 2006, M. et Mme C...ont créé la société civile immobilière (SCI)C..., devenue SCI Les Terrasses, qui a acquis les murs de l'hôtel-restaurant situé à la pointe de l'Arcouest, à côté du débarcadère où accostent les vedettes de la SAS Les Vedettes de Bréhat ; que le fonds de commerce de cet hôtel-restaurant a été acheté par la société à responsabilité limitée (SARL) Le Barbu, devenue la SARL Les Terrasses de Bréhat, dont le capital d'un montant de 10 000 euros était détenu à 90 % par M. et Mme C...et à 10 % par la SAS Les Vedettes de Bréhat ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL Le Barbu a présenté dès 2006 un actif net négatif de 106 000 euros, supérieur de plus de dix fois à son capital, et que cette situation a perduré en 2007 et 2008, années à l'issue desquelles l'actif net négatif de la société était, respectivement, de 202 000 euros et 503 000 euros ; qu'en dépit de cette situation qu'elle ne pouvait ignorer en raison de l'identité de dirigeants des deux sociétés, la SAS Les Vedettes de Bréhat a versé à la SARL Le Barbu des avances en compte courant s'élevant respectivement à 150 000 euros en 2006, 151 157 euros en 2007 et 151 043 euros en 2008, tout en constituant à la clôture de l'exercice 2008 une provision en vue de faire face à la perte probable de ces créances ; qu'à compter du mois de novembre 2008, et jusqu'à la fin de l'année 2011, la SARL Le Barbu a cessé toute activité et licencié le personnel qu'elle avait recruté compte tenu de l'impossibilité de commencer les travaux d'extension et de mise en conformité de l'établissement en raison des difficultés d'obtention du permis de construire et des financements nécessaires ; que la SAS Les Vedettes de Bréhat a néanmoins continué à verser à la SARL Le Barbu des avances en 2009 et 2010, pour des montants respectifs de 265 429 euros et 98 437 euros, tout en les provisionnant en totalité à la clôture de chacun des exercices ; que les avances octroyées durant l'ensemble de la période concernée s'élevaient au total à 816 066 euros et étaient manifestement hors de proportion avec la solvabilité de la SARL Le Barbu bénéficiaire dont la SAS Les Vedettes de Bréhat ne détenait alors que 10 % des parts et avec laquelle elle n'avait aucune relation commerciale ;

8. Considérant que la SAS Les Vedettes de Bréhat ne peut utilement se prévaloir de ce que ses obligations comptables lui imposaient nécessairement de provisionner les avances faites dès lors que ces obligations ne la dispensaient pas du respect des dispositions particulières du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts ; que si elle soutient que l'octroi de ces avances s'inscrivait dans un projet de contrôle majoritaire, l'attestation délivrée par la banque ayant accordé en avril 2011 un financement à la SARL Le Barbu et à la SCI C...fait apparaitre que le contrôle majoritaire de ces deux sociétés par la SAS Les Vedettes de Bréhat n'est intervenu que postérieurement à l'octroi de ces avances en constituant une condition mise à l'octroi du financement par la banque ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'il s'agissait d'un projet existant dès l'origine ; que si la société requérante soutient que l'ouverture d'un hôtel-restaurant à cet endroit présentait pour elle un intérêt commercial en raison de la clientèle supplémentaire qu'elle ne manquerait pas d'engendrer pour elle, l'étude de marché dont elle se prévaut date du mois de juillet 2008 seulement, porte sur la faisabilité du projet par la seule SARL Le Barbu et ne contient aucune analyse du bénéfice économique escompté par la SAS Les Vedettes de Bréhat quand bien même celle-ci en a finalement profité ;

9. Considérant que, dans ces conditions, l'administration établit que les avances ainsi faites à la SARL le Barbu constituaient pour la SAS Les Vedettes de Bréhat une opération étrangère à une gestion normale ne pouvant donner lieu à la constitution de provisions déductibles ;

Sur les intérêts :

10. Considérant que la comptabilisation en charges des provisions correspondant aux avances faites à la SARL Le Barbu constituant un acte anormal de gestion, la même comptabilisation des intérêts sur ces avances relève également d'un acte anormal de gestion ;

Sur la majoration de 40 % pour manquement délibéré :

11. Considérant qu'en estimant que, compte tenu de l'identité de dirigeants existant entre les deux sociétés, la SAS Les Vedettes de Bréhat ne pouvait ignorer qu'il n'était pas dans son intérêt d'octroyer à la société Le Barbu des avances financières d'un montant important dont elle connaissait le caractère irrécouvrable, l'administration établit le caractère délibéré du manquement ; que, par suite, les conclusions de la société requérante tendant à la décharge des majorations qui lui ont été infligées sur le fondement du a de l'article 1729 du code général des impôts doivent être rejetées ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS Les Vedettes de Bréhat n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus de sa demande ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Les Vedettes de Bréhat est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Les Vedettes de Bréhat et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Delesalle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 mai 2017.

Le rapporteur,

H. DelesalleLe président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT03332


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15NT03332
Date de la décision : 04/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Hubert DELESALLE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : SCP BONDIGUEL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-05-04;15nt03332 ?
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